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Médias et religion

Médias et religions en Suisse

Même au sein d’une société suisse sécularisée où les institutions religieuses ont été écartées de l’espace décisionnel politique, la religion n’en est pas moins présente dans les débats politiques et médiatiques. Or, dans une démocratie directe telle que la Confédération helvétique, décisions politiques et communication médiatique sont intimement liées puisque cette dernière forme en grande partie l’opinion publique sur des objets soumis à votation populaire. La présence du religieux dans les médias suisses revêt donc une importance particulière et a subi des évolutions notoires depuis le siècle passé.

Évolution de la relation religion-médias

Jusque dans les années soixante, les médias possédaient un encrage partisan et confessionnel. La presse confessionnelle opérait une sélection et offrait une interprétation des événements politiques et sociaux selon leur perception religieuse. Le thème même de la religion dans les médias était traité dans une perspective idéologique.
À partir des années septante en revanche, les médias se détachent de leurs bases originelles (associations, partis, Églises) pour se poser en organismes prestataires de services. Ils adoptent des logiques commerciales afin de répondre aux nouveaux besoins des consommateurs en divertissement. Dès lors, « dans un système médiatique libéré de ses attaches partisanes et soumis à une logique économique, ce type d’interprétation (religieuse et idéologique) n’est plus recherché » mais « c’est le caractère scandaleux, conflictuel, people ou émotionnel de l’information qui détermine si les thématiques religieuses vont être traitées » (Patrik Ettinger, Kurt Imhof. « Religions, médias et espace public ». In La nouvelle Suisse religieuse. Risques et chances de sa diversité. Genève : Labor et Fides. 2009. p. 302/305).
Les religions perdent ainsi l’accès direct à l’opinion publique. Pour y palier, les institutions religieuses ont mis en place des stratégies de relation publique, professionnalisé leurs services de communication et consolidé leur contact avec les médias. Cependant, les radios publiques, qui ont le statut de service public, n’échappe pas aux influences des Églises ; par exemple, la Radio et Télévision suisse romande collaborent avec l’Office protestant des médias et le Centre catholique de radio et TV qui ont la responsabilité éditoriale des émissions religieuses. Cette collaboration se verra limitée en 2016 à la suite de l’annonce, en novembre 2015, de restrictions budgétaires pour ces émissions (voir la rubrique Débats actuels).

Migration et religion dans les médias suisses

Une récente étude a démontré que l’appartenance religieuse est thématisée dans les discours médiatiques depuis les années 2000, et particulièrement dans le domaine de l’immigration (Lindemann Anaïd, Stolz Jörg. "Use of Islam in the definition of foreign otherness in Switzerland : A comparative analysis of media discourses". In Islamophobia Studies Journal 2014, vol. 2, n° 1). En effet, alors que dans les années 60-70 l’arrivée de travailleurs immigrés italiens et espagnols inquiétait l’extrême droite quant à « l’arrivée massive de catholiques qui domineraient et s’imposeraient à une minorité protestante » (Bilan de la campagne, Tribune de Lausanne, 2 juin 1970), ces questionnements d’identité religieuse n’étaient pas relayé dans les médias. À l’inverse, une analyse de la presse écrite de 2004 montre que l’appartenance religieuse des immigré(e)s est fortement thématisée par les médias. La religion de loin la plus traitée est l’islam, ce qui indique une « islamisation des discours médiatiques sur l’immigration » (Behloul, Samuel Martin. « Discours total ! Le débat sur l’islam en Suisse et le positionnement de l’islam comme religion publique ». In Schneuwly Purdie Mallory, Gianni Matteo, Jenny Magali (dir.), Musulmans d’aujourd’hui : Identités plurielles en Suisse. Genève : Labor et Fides, 2009).

Impact des discours médiatiques

La focalisation sur la religion musulmane dans les discours médiatiques entourant l’immigration a des conséquences non négligeables sur la perception de la réalité chez les lecteurs et auditeurs. L’étude de Lindemann et al. (2014) indique que la presse suisse romande représente les religions d’appartenance de la population étrangère dans des proportions très éloignées des données récoltées par l’Office Fédéral de la Statistique (Wohnbevölkerung nach Religion, Geschlecht und Nationalität, 1970-2000). En effet, une très nette surreprésentation des étrangers musulmans est présente, contre une tout aussi nette sous-représentation des étrangers chrétiens et de religions autres que ces deux dernières. Cela entraîne nécessairement une déformation de la perception de la réalité démographique.
D’ailleurs, Behloul (2009) estime que l’islamisation des discours publics aurait été à l’origine du rejet de l’initiative de 2004 pour les naturalisations facilitées. Selon lui, dans la période précédent la votation fédérale de 2004, les discours s’y rattachant se seraient métamorphosés en débat sur l’islam et les musulmans. L’argument du parti de droite UDC (Union Démocrate du Centre) contre cette initiative visant à faciliter la naturalisation des deuxième et troisième générations d’immigrés en Suisse était basé sur la crainte de voir les musulmans devenir majoritaires dans le pays.

D 4 décembre 2015    AAnaïd Lindemann

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