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2024

Le droit à la suppression d’une inscription dans les registres de baptême

Février 2024
Selon un article du site officiel de l’administration publique, le Conseil d’État confirme dans son arrêt du 2 février 2024 la décision de la Commission nationale de (...)

  • Février 2024

Selon un article du site officiel de l’administration publique, le Conseil d’État confirme dans son arrêt du 2 février 2024 la décision de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui a clos la plainte d’une personne demandant l’opposition et l’effacement de ses données à caractère personnel figurant dans le registre des baptêmes d’un diocèse de l’Église catholique romaine. Le Conseil confirme qu’aucun des motifs d’effacement mentionnés au titre du Règlement général sur la protection des données (RGPD, article 17) ne peut s’appliquer à la demande de l’intéressé, et que l’apposition en marge du registre d’une mention indiquant que la personne ne reconnaît pas la valeur de son baptême et a fait valoir sa volonté de renoncer à tout lien avec la religion catholique est suffisante pour garantir le droit d’opposition (article 21).

D 29 février 2024    AAnne-Laure Zwilling

L’État rompt le contrat d’association avec un lycée privé musulman

Mars 2024
Le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande faite par le lycée privé musulman Averroès de maintenir le contrat d’association entre l’État et cet établissement (...)

  • Mars 2024

Le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande faite par le lycée privé musulman Averroès de maintenir le contrat d’association entre l’État et cet établissement d’enseignement. Le lycée demandait que le contrat soit maintenu en attendant le jugement sur la rupture du contrat, le rejet du tribunal met le lycée dans une situation financière très difficile.

Le 16 juin 2008, l’association Averroès a conclu avec l’État un contrat d’association à l’enseignement public pour le lycée privé musulman Averroès de Lille. L’association est gestionnaire de cet établissement privé d’enseignement secondaire ouvert en 2003 - le premier en France. Le 7 décembre 2023, le préfet du Nord décide de résilier ce contrat à compter de la fin de l’année scolaire en cours. Cette décision a été contestée tant par les acteurs politiques qu’éducatifs de la région et a fait l’objet d’un important traitement politique et médiatique. Le président du Conseil régional des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a exprimé sa satisfaction. Dans une tribune du journal Le Monde, le directeur de Sciences Po Lille, Pierre Mathiot, s’est au contraire étonné de cette décision. Le lycée Averroès a d’excellents résultats et les reproches faits à l’établissement semblent mineurs. La rupture du contrat signifie que dès la rentrée 2024 l’État ne versera plus de subventions publiques au lycée ni de salaires aux professeurs titulaires. L’association Averroès ainsi que les associations représentant les personnels de l’établissement et les parents d’élèves ont saisi la juridiction administrative pour contester la décision. En plus d’un examen au fond, ils demandent le maintien du contrat, à titre conservatoire, jusqu’à ce que la décision de résiliation soit examinée par les juges du fond.

Le 12 février 2024, le tribunal administratif de Lille se prononce sur ce second point : en l’état du dossier, il juge qu’il n’y a pas lieu de maintenir le contrat d’association. Deux raisons justifient cette décision. D’une part, le lycée s’est soustrait au contrôle des services de l’éducation nationale concernant, notamment, les ouvrages et documents présents dans leurs centres de documentation et d’information (CDI) et la conformité de ceux-ci avec les programmes ainsi qu’avec les objectifs de l’Éducation nationale en termes de respect des valeurs de la République. D’autre part, le tribunal juge qu’il est suffisamment établi que les cours d’éthique musulmane dispensés au lycée reposaient essentiellement sur des textes comportant des appréciations contraires à l’égalité entre les hommes et les femmes, l’application de la peine de mort en cas d’apostasie et la supériorité des lois divines sur toute autre considération. Le refus du lycée de faire procéder à un contrôle de son fonds documentaire ne permet pas de démontrer que ces commentaires ne sont pas, comme l’affirme le lycée, le support pédagogique utilisé par les élèves pour le cours d’éthique musulmane. William Bourdon, l’avocat du lycée, évoque une "décision d’une disproportionnalité évidente et indiscutable qui devra être sanctionnée par le Conseil d’État", qui va être saisi par les avocats de l’établissement.

Ce refus de maintenir, à titre conservatoire, le contrat d’association aura des impacts forts : à la rentrée prochaine, le lycée ne pourra plus percevoir de subventions publiques et les enseignants titulaires ne percevront plus de salaires. Cette décision ne manquera pas de raviver le sentiment d’un « deux poids, deux mesures » exacerbé par l’affaire Oudéa-Castéra relative au lycée catholique Stanislas à Paris, accusé notamment de discours homophobes et sexistes sans que cela n’ait fait réagir les autorités.

D 11 mars 2024    ALauren Bakir

L’inscription dans la Constitution de la liberté des femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse

En 2024, une loi a inscrit dans la Constitution de 1958 la liberté des femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Le projet de loi avait été présenté au Conseil des (...)

En 2024, une loi a inscrit dans la Constitution de 1958 la liberté des femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
Le projet de loi avait été présenté au Conseil des ministres du 12 décembre 2023 par Élisabeth Borne, Première ministre. Le 30 janvier 2024, il a été adopté par les députés, sans modification (493 voix contre 30), malgré le dépôt de plus de 170 amendements.
Le 28 février 2024, les sénateurs ont également voté le projet de loi sans modification (267 voix pour, 50 contre et 22 abstentions).
Le Parlement a approuvé le 4 mars 2024 (par 780 voix contre 72 et 50 abstentions) ce projet de loi permettant d’inscrire définitivement l’IVG dans la Constitution.
Le projet de loi comporte un article unique qui modifie l’article 34 de la Constitution de 1958 pour y inscrire que "la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse".
L’avortement était en France dépénalisé et encadré depuis la "loi Veil" du 17 janvier 1975, renforcée par la loi sur l’IVG de décembre 1979. Plusieurs textes sont ensuite venus renforcer le droit à l’avortement : le délit d’entrave à l’IVG créé en 1993, la loi de financement de la sécurité sociale de 2013 permettant d’avorter gratuitement, une loi de 2014 supprimant la mention de "situation de détresse", la loi du 20 mars 2017 qui a étendu le délit d’entrave à l’IVG, enfin la loi du 2 mars 2022 qui a allongé de 12 à 14 semaines le délai légal de recours à l’IVG.
Les groupes religieux chrétiens ont exprimé leur réticence : le Vatican s’était déclaréopposé à cette inscription dans la Constitution. La Conférence des évêques de France a publié le 29 février 2024 un communiqué concernant le vote du Sénat en faveur de l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. Le président de la Fédération protestante a déclaré juger "inopportune" l’inscription dans la Constitution ; le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) a exprimé ses réserves.

D 2 avril 2024    AAnne-Laure Zwilling

Travaux interrompus sur le projet de loi sur la fin de vie

La gestion de la fin de vie est encadrée en France depuis 2016 par la loi Clayes-Leonetti sur la sédation profonde et continue. Depuis cela, la réflexion sur la fin de vie s’est poursuivie, du (...)

La gestion de la fin de vie est encadrée en France depuis 2016 par la loi Clayes-Leonetti sur la sédation profonde et continue. Depuis cela, la réflexion sur la fin de vie s’est poursuivie, du fait d’une demande sociétale. En 2022, le Comité consultatif national d’éthique qui avait été institué a publié un avis, se disant favorable à une "aide active à mourir" strictement encadrée, à condition que soient parallèlement renforcés les soins palliatifs. Une mission d’évaluation de la loi Leonetti a été créée en 2023.
Cent quatre-vingt-quatre Françaises et Français ont ensuite été nommés pour prendre part aux débats de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Celle-ci s’est prononcée en avril 2023 pour une ouverture conditionnée d’une aide active à mourir, et plus précisément à la fois du suicide assisté et de l’euthanasie. Considérant que le cadre législatif existant était insuffisant, ils ont dit souhaiter que soient proposés des soins palliatifs "pour toutes et tous et partout".
Sur cette base, le président de la République a demandé en mars 2023 que soit rédigé un projet de loi. Celui-ci a été déposé le 10 avril 2024 par M. Faloni.

Le projet de loi intègre la notion de soins palliatifs (la prise en charge de la douleur et de la fin de vie) dans celle plus englobante de "soins d’accompagnement" qui envisage également d’autres modalités (prise en charge nutritionnelle, accompagnement psychologique, musicothérapie....) et prévoit notamment la création de maisons d’accompagnement pour les personnes en fin de vie. En ce qui concerne l’aide à mourir, la loi veut autoriser et accompagner la mise à disposition à une personne qui le demande d’une substance létale, pour qu’elle se l’administre elle-même ou, si elle n’en est pas capable, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier, un proche ou une personne volontaire de son choix. Il faut pour cela que la personne soit majeure, française (ou résidente étrangère régulière et stable en France, apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée, atteintes d’une maladie grave et incurable avec un pronostic vital, victime de souffrances impossibles à soulager ou insupportables). Une clause de conscience est instituée pour les professionnels de santé qui refuseraient de participer à la procédure d’aide à mourir : ils devront renvoyer la personne vers un confrère.
Les députés ont débattu du projet de loi en première lecture jusqu’au 7 juin 2024, et la loi devait être votée le 18 juin 2024, mais les travaux ont été interrompus par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024. Pour que la discussion reprenne, il faudra que le nouveau gouvernement le redépose sur le bureau de l’Assemblée, après les élections législatives du 30 juin et 7 juillet 2024.

Ce débat n’a pas suscité une grande mobilisation ; il a été cependant l’occasion de communications de la part de groupes convictionnels. Ces différentes déclarations mettent en évidence un décalage entre la société française dans son ensemble d’une part, majoritairement favorable à cette loi comme l’ont montré les sondages ou encore la Convention citoyenne, et d’autre part les institutions religieuses.

Celles-ci se sont principalement exprimées pour manifester leur opposition ou leur réticence à ce projet de loi.

En 2022, le Conseil d’Églises Chrétiennes En France (CÉCEF) avait publié une déclaration sur la fin de vie, signée conjointement par les trois co-présidents, Monseigneur Éric de Moulins Beaufort (Conférence des évêques de France), le pasteur Christian Krieger (Fédération protestante de France), le métropolite Dimitrios (Assemblée des évêques orthodoxes de France).

Après avoir exprimé ses réticences en 2022 dans une lettre pastorale, la Conférence des évêques de France s’est à nouveau exprimée contre le 28 mars 2024.

La Fédération protestante de France a produit, grâce aux travaux de sa commission Ethique et société, un rapport intitulé « Pour davantage d’humanité en fin de vie : interpellations protestantes ».

Le Conseil National des Évangéliques de France avait publié en janvier 2023 une déclaration de positionnement qui avait été présentée à la ministre déléguée auprès du ministre de la Santé ; il a publié un second communiqué en mai 2024.

De son côté, l’Assemblée des évêques orthodoxes de France a publié en 2023 une déclaration sur la fin de vie, suivie en avril 2024 d’une déclaration sur la constitutionnalisation de l’IVG et la fin de vie.

En 2024, s’ils ont affirmé qu’il n’y a « pas de front uni » contre un nouveau texte sur l’aide active à mourir, réunis à Paris, les responsables religieux des grandes religions monothéistes ont à nouveau exprimé encore leur opposition à ce texte.

Haïm Korsia, Grand rabbin de France a également exprimé son refus de ce texte le 23 mai 2024.

Un manifeste a par ailleurs été signé par diverses associations chrétiennes.

Voir aussi Laetitia Atlani-Duault (dir.), Religions et fin de vie, Fayard, 2023.

D 18 juin 2024    AAnne-Laure Zwilling

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