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Travaux interrompus sur le projet de loi sur la fin de vie

La gestion de la fin de vie est encadrée en France depuis 2016 par la loi Clayes-Leonetti sur la sédation profonde et continue. Depuis cela, la réflexion sur la fin de vie s’est poursuivie, du fait d’une demande sociétale. En 2022, le Comité consultatif national d’éthique qui avait été institué a publié un avis, se disant favorable à une "aide active à mourir" strictement encadrée, à condition que soient parallèlement renforcés les soins palliatifs. Une mission d’évaluation de la loi Leonetti a été créée en 2023.
Cent quatre-vingt-quatre Françaises et Français ont ensuite été nommés pour prendre part aux débats de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Celle-ci s’est prononcée en avril 2023 pour une ouverture conditionnée d’une aide active à mourir, et plus précisément à la fois du suicide assisté et de l’euthanasie. Considérant que le cadre législatif existant était insuffisant, ils ont dit souhaiter que soient proposés des soins palliatifs "pour toutes et tous et partout".
Sur cette base, le président de la République a demandé en mars 2023 que soit rédigé un projet de loi. Celui-ci a été déposé le 10 avril 2024 par M. Faloni.

Le projet de loi intègre la notion de soins palliatifs (la prise en charge de la douleur et de la fin de vie) dans celle plus englobante de "soins d’accompagnement" qui envisage également d’autres modalités (prise en charge nutritionnelle, accompagnement psychologique, musicothérapie....) et prévoit notamment la création de maisons d’accompagnement pour les personnes en fin de vie. En ce qui concerne l’aide à mourir, la loi veut autoriser et accompagner la mise à disposition à une personne qui le demande d’une substance létale, pour qu’elle se l’administre elle-même ou, si elle n’en est pas capable, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier, un proche ou une personne volontaire de son choix. Il faut pour cela que la personne soit majeure, française (ou résidente étrangère régulière et stable en France, apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée, atteintes d’une maladie grave et incurable avec un pronostic vital, victime de souffrances impossibles à soulager ou insupportables). Une clause de conscience est instituée pour les professionnels de santé qui refuseraient de participer à la procédure d’aide à mourir : ils devront renvoyer la personne vers un confrère.
Les députés ont débattu du projet de loi en première lecture jusqu’au 7 juin 2024, et la loi devait être votée le 18 juin 2024, mais les travaux ont été interrompus par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024. Pour que la discussion reprenne, il faudra que le nouveau gouvernement le redépose sur le bureau de l’Assemblée, après les élections législatives du 30 juin et 7 juillet 2024.

Ce débat n’a pas suscité une grande mobilisation ; il a été cependant l’occasion de communications de la part de groupes convictionnels. Ces différentes déclarations mettent en évidence un décalage entre la société française dans son ensemble d’une part, majoritairement favorable à cette loi comme l’ont montré les sondages ou encore la Convention citoyenne, et d’autre part les institutions religieuses.

Celles-ci se sont principalement exprimées pour manifester leur opposition ou leur réticence à ce projet de loi.

En 2022, le Conseil d’Églises Chrétiennes En France (CÉCEF) avait publié une déclaration sur la fin de vie, signée conjointement par les trois co-présidents, Monseigneur Éric de Moulins Beaufort (Conférence des évêques de France), le pasteur Christian Krieger (Fédération protestante de France), le métropolite Dimitrios (Assemblée des évêques orthodoxes de France).

Après avoir exprimé ses réticences en 2022 dans une lettre pastorale, la Conférence des évêques de France s’est à nouveau exprimée contre le 28 mars 2024.

La Fédération protestante de France a produit, grâce aux travaux de sa commission Ethique et société, un rapport intitulé « Pour davantage d’humanité en fin de vie : interpellations protestantes ».

Le Conseil National des Évangéliques de France avait publié en janvier 2023 une déclaration de positionnement qui avait été présentée à la ministre déléguée auprès du ministre de la Santé ; il a publié un second communiqué en mai 2024.

De son côté, l’Assemblée des évêques orthodoxes de France a publié en 2023 une déclaration sur la fin de vie, suivie en avril 2024 d’une déclaration sur la constitutionnalisation de l’IVG et la fin de vie.

En 2024, s’ils ont affirmé qu’il n’y a « pas de front uni » contre un nouveau texte sur l’aide active à mourir, réunis à Paris, les responsables religieux des grandes religions monothéistes ont à nouveau exprimé encore leur opposition à ce texte.

Haïm Korsia, Grand rabbin de France a également exprimé son refus de ce texte le 23 mai 2024.

Un manifeste a par ailleurs été signé par diverses associations chrétiennes.

Voir aussi Laetitia Atlani-Duault (dir.), Religions et fin de vie, Fayard, 2023.

D 18 juin 2024    AAnne-Laure Zwilling

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