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Archives des débats

2023

Octobre 2023 : Conflit fiscalo-politique entre l’Église méthodiste de Gábor Iványi et le gouvernement Orbán
Depuis ce mois de septembre 2023, la petite Église méthodiste du pasteur Gábor (...)

  • Octobre 2023 : Conflit fiscalo-politique entre l’Église méthodiste de Gábor Iványi et le gouvernement Orbán

Depuis ce mois de septembre 2023, la petite Église méthodiste du pasteur Gábor Iványi dit ne plus pouvoir payer les employés de ses différents services sociaux en raison d’une saisie de 384 millions de forints (environ 1 million d’euros) par les services fiscaux hongrois. Le 12 septembre, le pasteur a lancé un appel public à l’aide et aux dons : « Nous sommes bloqués contre notre gré en ce qui concerne la paie de nos mille employés. L’année scolaire a démarré et il nous faut enseigner et nourrir chaque jour 3000 enfants issus de milieux très pauvres. Il nous faut nous occuper des plus de 100 sans-abris en pension complète dans nos hospices et maisons de retraite. Le regard de plusieurs milliers de familles vivant dans la misère est fixé sur nous. Si quelqu’un lit cet appel n’importe où dans le monde et comprend qu’on ne peut piétiner ainsi une communauté qui vit pour les droits fondamentaux de la personne et pour les pauvres et vulnérables, merci de faire tout ce qu’il est possible. Empêchons l’arbitraire sans âme de triompher indignement ».
Le conflit entre la Fraternité de l’Évangile en Hongrie (MET) d’Iványi et le gouvernement de Viktor Orbán est ancien. Issus de la dissidence anti-communiste, les deux hommes étaient à l’origine du même bord (Iványi a même baptisé deux des enfants d’Orbán) avant de nettement diverger idéologiquement. Dès son retour au pouvoir en 2010, Orbán met en chantier une nouvelle législation sur les religions qui prive à partir de 2012 la MET de son statut d’Église et donc de son droit au 1 % de l’impôt sur le revenu que les contribuables peuvent affecter à l’institution religieuse de leur choix. Malgré des décisions contraires du Tribunal constitutionnel puis de la Cour européenne des droits de l’homme de 2014 à 2017, le gouvernement a attendu 2021 pour rétablir la MET dans ses droits. Il a cependant refusé de signer un accord avec elle sur le contrôle des comptes, ce qui empêche toujours la MET et ses services de bénéficier de la fiscalité allégée dont profitent les autres institutions religieuses reconnues et les a forcés à accumuler depuis des années une importante dette fiscale et sociale. La pression administrative s’est accentuée à partir du début 2022, quelques mois avant les élections législatives, en même temps qu’une campagne dans les médias liés au pouvoir affirmait que la MET flouait ses employés.
Dans une de ses tribunes du grand quotidien pro-Orbán Magyar Nemzet, le polémiste Zsolt Bayer accusait alors Iványi (qui a des origines juives) de n’être « ni juif ni chrétien, ni rabbin ni pasteur – juste un mec minable et hypocrite, un pharisien. Qui fait la bonne âme avec le futur de ses employés ». Selon le média en ligne indépendant Magyar Hang, les ressources issues de l’impôt sur le revenu étaient justement en forte hausse cette année pour la MET, 41 % de contribuables supplémentaires l’ayant choisie comme institution religieuse de leur choix, ce qui en fait la cinquième en tout avec 73381 contribuables et 718 millions de forints au lieu de 454 l’année précédente. Au 1er octobre, selon le média en ligne indépendant Telex, la MET avait réussi à récolter 45 millions de forints de dons pour continuer à faire fonctionner ses services.

D 10 octobre 2023    AJean de Saint Blanquat

2022

D 20 juin 2022   

2021

Février 2021 : COVID-19 and exercise of religion in Hungary
Voir l’article de Balázs Schanda, "Religious life in exception. The impact of the COVID-19 pandemic to the exercise of religion in (...)

  • Février 2021 : COVID-19 and exercise of religion in Hungary

Voir l’article de Balázs Schanda, "Religious life in exception. The impact of the COVID-19 pandemic to the exercise of religion in Hungary", Pázmány Law Working Papers 3, 2021.

D 10 février 2021   

2019

Février 2019 : Changement du statut juridique des confessions religieuses
Au lieu des deux catégories juridiques existantes (association religieuse - Église reconnue), en raison de (...)

  • Février 2019 : Changement du statut juridique des confessions religieuses

Au lieu des deux catégories juridiques existantes (association religieuse - Église reconnue), en raison de l’amendement de la loi sur l’Église de 2011 d’avril 2019, il y aura quatre catégories prévues pour les communautés religieuses en Hongrie.

L’entité de base restera l’association religieuse (vallási egyesület), une personne morale jouissant d’une pleine autonomie. La nouveauté de l’amendement réside dans le fait que les associations religieuses auront également le droit de recevoir des affectations fiscales de la part des contribuables qui paient l’impôt sur le revenu. Elles bénéficieront ainsi d’une sorte de subvention publique allant au-delà de l’exonération fiscale. La loi prévoit également la possibilité d’un accord entre l’État et une association religieuse pour des subventions supplémentaires et le soutien d’activités d’intérêt public (comme l’éducation, les soins de santé, etc.).

Une association religieuse peut devenir une Église enregistrée (nyilvátartásba vett egyház) au bout de trois ans si, au cours des trois années précédentes, au moins 1000 contribuables en moyenne ont affecté 1 % de leur impôt sur le revenu à l’association et si celle-ci fonctionne en tant qu’association religieuse depuis au moins cinq ans en Hongrie ou cent ans à l’étranger. Les petites associations religieuses peuvent devenir des Églises enregistrées si elles déclarent ne pas avoir l’intention de recevoir de financement public supplémentaire en dehors du système d’affectation des impôts. Pour obtenir des subventions supplémentaires, l’État peut également établir une relation contractuelle avec les églises enregistrées.

Un statut légèrement supérieur serait celui des Églises constituées (bejegyzett egyház). Une association religieuse peut devenir une Église constituée si, au cours des cinq années précédentes, au moins 4000 contribuables en moyenne ont affecté 1 % de leur impôt sur le revenu à l’association, et si elle fonctionne en tant qu’association religieuse depuis au moins 20 ans en Hongrie ou 100 ans à l’étranger, ou si elle est une Église enregistrée depuis au moins 15 ans. Les associations religieuses comptant au moins 10 000 membres inscrits peuvent également devenir des Églises constituées après 20 ans si elles déclarent qu’elles ne solliciteront plus de subventions publiques. Outre la possibilité d’accords entre une Église constituée et l’État pour des activités d’intérêt public, les églises constituées participent également au système d’affectation des impôts et reçoivent une subvention supplémentaire qui complète les affectations d’impôts, en distribuant la part correspondante de l’impôt non couverte par les affectations (1 % de l’impôt sur le revenu est distribué entre les églises - la part correspondante de celles qui ne font pas usage de leur droit d’affecter 1 % de leur impôt est distribuée selon la proportion établie par celles qui ont affecté ce 1 % de leur impôt).

Les associations religieuses, les Églises enregistrées et les Églises constituées sont enregistrées auprès du tribunal métropolitain de Budapest.

Le statut le plus élevé accordé aux entités religieuses reste celui des Églises reconnues (bevett egyház). Lorsque l’État conclut un accord de coopération global avec une Église constituée en personne morale, il lui accorde la reconnaissance. Ces accords sont promulgués par des lois spéciales du Parlement. Les Églises reconnues bénéficient d’un large éventail de droits spéciaux et d’un soutien public, y compris le financement public de leurs institutions d’intérêt public (comme les écoles, les hôpitaux, etc.).

Les Églises enregistrées, incorporées et reconnues, ainsi que leurs entités internes, sont des personnes morales ecclésiastiques. Toutes les personnes morales ecclésiastiques ont le droit de dispenser un enseignement religieux dans les écoles publiques et de recevoir un financement public pour cet enseignement.

L’ouverture du système d’attribution de l’impôt aux Églises non reconnues est la conséquence d’une décision de la Cour constitutionnelle (17/2017. [VII. 18.] AB) qui a déclaré que, si les distinctions entre les différents types de communautés religieuses peuvent être légitimes en vertu de la Constitution, il ne peut y avoir de différence entre les personnes privées. Les subventions institutionnelles peuvent être différentes (par exemple, l’aide publique à la reconstruction du patrimoine architectural), mais au niveau du croyant ou du contribuable individuel, de telles différences seraient discriminatoires.

Le législateur a mis en place un système très complexe pour assurer un statut adéquat aux différentes communautés. L’amendement a accordé certains droits supplémentaires à toutes les communautés (par exemple, le système d’affectation des impôts). Les étapes intermédiaires entre les associations religieuses et les Églises reconnues pourraient être intéressantes pour certaines communautés (financement supplémentaire, enseignement religieux dans les écoles publiques et, à terme, prestige social plus élevé). Alors que les associations religieuses ont le droit d’être revalorisées et enregistrées en tant qu’Églises constituées si elles remplissent les critères, la décision de devenir une Église reconnue reste une décision discrétionnaire du Parlement : l’État et l’Église doivent tous deux être prêts à coopérer pour le bien public.

D 26 février 2019    ABalázs Schanda

2015

Avril 2015 : intégration contre ségrégation
La Kúria (Cour suprême) de Hongrie a clos un dossier hautement controversé concernant la Sója Miklós Greek-Catholic School (école grecque-catholique (...)

  • Avril 2015 : intégration contre ségrégation

La Kúria (Cour suprême) de Hongrie a clos un dossier hautement controversé concernant la Sója Miklós Greek-Catholic School (école grecque-catholique Sója Miklós) du quartier de Huszár à Nyíregyháza. Le conflit entre l’autonomie religieuse et la politique d’égalité de traitement en matière d’éducation constitue le contexte de cette question juridique.

Dans un quartier défavorisé de Nyíregyháza (une municipalité de l’est de la Hongrie), l’Eglise grecque-catholique a repris une école maternelle et une école primaire qui, autrement, auraient été définitivement fermées. La zone dans laquelle est située l’école est peuplée majoritairement par une communauté rom vivant dans la pauvreté. En 2012, une action en justice est déposée au tribunal de Nyíregyháza par une organisation appelée Chance for Children Foundation (CFCF) qui portait plainte à propos de l’enseignement séparé. La plainte semblait fondée puisque les écoliers sont issus exclusivement de familles rom. CFCF a soutenu que l’Eglise grecque-catholique devait renoncer à l’école, qu’elle ne devait plus accepter de nouveaux élèves en première année. Par conséquent, l’institution serait fermée et les enfants répartis et intégrés parmi des enfants non rom dans d’autres écoles primaires de la ville. Tandis que de nombreux parents ont envoyé leurs enfants dans d’autres écoles, certaines familles de la ville ont insisté pour conserver l’école locale.

Ce litige a soulevé un nombre de questions essentielles. Qu’est-ce qui est dans l’intérêt supérieur de l’enfant ? La CFCF a plaidé en faveur de l’intégration et de l’égalité de traitement. L’Eglise grecque-catholique a souligné le pouvoir d’une éducation attentive, patiente et sur mesure prodiguée par des enseignants charismatiques.

Dans les faits, presque tous les enfants sont Roms. Ceci n’est pas intentionnel mais une simple conséquence de la situation géographique de l’école. Les parents n’ont pas été forcés d’envoyer leurs enfants dans l’école locale (en fait, la majorité a envoyé ses enfants dans d’autres écoles intégrées). L’Eglise a le droit de dispenser un enseignement religieux même si, dans la pratique, seuls les croyants d’un seul groupe ethnique souhaitaient faire usage de cette offre. Nul ne contestait que les enfants issus d’un environnement frappé par la pauvreté devaient être traités avec une attention particulière, et parfois il est extrêmement difficile de mener ceci à bien (certains doivent faire face à des violences familiales au quotidien par exemple). C’est pourquoi, ces problèmes doivent être gérés par une pédagogie professionnelle quelle que soit l’école. Il faut apprendre à ces enfants les règles d’hygiène de base ; d’autres handicaps du même type peuvent aussi compromettre les chances d’intégration dans des écoles mixtes. Fülöp Kocsis, le métropolite de l’Église grecque-catholique hongroise, a déclaré que le plaignant a mal interprété la fonction de l’école. Depuis sa nomination en 2008, l’évêque caresse le rêve que la pastorale rom et l’intégration sociale aillent de pair. Un établissement scolaire religieux constitue la meilleure idée et le meilleur moyen pour atteindre cette objectif. D’autre part, la CFCF a argumenté que lorsque seuls des élèves roms étudient au sein d’un établissement, il s’agit forcément d’un cas de ségrégation. Ni le libre choix des parents, ni la nature religieuse de l’école ne peuvent constituer une excuse à la ségrégation.

En première et en seconde instance, le plaignant a gagné son procès, mais le défendeur s’est pourvu en appel devant la Cour suprême. Finalement, la Cour suprême a rejeté la requête de la CFCF le 22 avril 2015. La Cour suprême n’a trouvé aucun grief à l’encontre de l’école primaire grecque-catholique Sója Miklós et a déclaré que son fonctionnement était légal.

La CFCF recherche désormais des forums européens pour continuer son combat contre l’école grecque-catholique.

Janvier 2015 : la protection du repos dominical est étendue

Avec l’émergence de la liberté de marché après la chute du régime communiste, la fonction de jour de repos universel du dimanche a pratiquement disparu. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, tous les principaux magasins restent ouverts le dimanche. Seul un nombre limité de jours fériés ont été définis comme des dates de fermeture obligatoires.

Dès 2015, la protection du repos dominical universel sera renforcée tandis que la plupart des magasins devront fermer le dimanche. Seules les entreprises familiales seront exemptes, sous réserve que leur surface soit inférieure à 200 m² et que seuls les membres de la famille, et non les employés, travaillent le dimanche. Une dispense est également prévue pour les zones touristiques. Le ministre en charge du commerce a le droit d’octroyer d’autres dispenses. Les employés de ces magasins auront droit à un double salaire pour le travail du dimanche (loi CLXIV/2005, modifiée en 2014). Très peu d’arguments religieux ont été mentionnés lors du débat concernant cette modification. L’accent a été mis sur les droits des employés, le sujet au premier plan des débats.

La nouvelle loi est largement perçue comme une mesure destinée à orienter le commerce vers les petits magasins au lieu des supermarchés. Les arguments religieux ont à peine été exprimés alors que les conséquences possibles sur le commerce, l’emploi et les taxes ont été largement débattues. Les groupes de l’opposition considèrent souvent la mesure comme l’approbation du programme des démocrates chrétiens, le parti mineur présent au gouvernement qui attend un renforcement des liens familiaux grâce au repos dominical. Certains ont même appelé à un référendum sur la question. La nouvelle législation entrera en vigueur le 15 mars 2015. Le renforcement du dimanche en tant jour de repos universel peut être considéré comme un autre rejet de la tendance internationale à la libéralisation par la Hongrie.

D 13 mai 2015    ABalázs Schanda AFlóra Seszták

2014

La CEDH et l’activisme judiciaire de Église chrétienne mennonite hongroise
Vers un affaiblissement du système européen des droits de l’homme ou une victoire de la liberté religieuse ? (...)

  • La CEDH et l’activisme judiciaire de Église chrétienne mennonite hongroise

Vers un affaiblissement du système européen des droits de l’homme ou une victoire de la liberté religieuse ? Observations sur l’affaire Magyar Keresztény Mennonita Egyház et autres c. Hongrie

Dans cette affaire, la majorité est arrivée à la conclusion que la Hongrie a violé l’article 11 de la Convention lu à la lumière de l’article 9. D’autres questions, comme la discrimination entre différentes communautés religieuses, n’ont pas été examinées dans cette procédure. La Cour a laissé six mois au gouvernement et aux requérants pour trouver un accord sur une satisfaction équitable. Cependant, Robert Spagno (juge de la Cour européenne des droits de l’homme) a conclu son opinion dissidente par un avertissement : il a souligné le fait que l’expansion sans retenue de la portée substantielle de la Convention risque de saper le système de supervision européenne des droits de l’homme.

1. Le sujet de l’affaire
La nouvelle réglementation hongroise du statut des communautés religieuses (voir Droit et religion > Cadre juridique > La loi fondamentale du 1er janvier 2012) a apporté une série de changements au cours des dernières années. La première nouvelle loi (loi C/2011) a été abolie par la Cour constitutionnelle pour des raisons formelles (décision 164/2011 (XII. 20) AB), alors que la deuxième nouvelle loi (loi CCVI/2011) est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. La Cour constitutionnelle a toutefois aboli plusieurs dispositions de cette loi quelques mois plus tard (décision 6/2013 (III. 1.) AB). Le Parlement a entrepris une série d’amendements visant à corriger les défaillances de la loi (loi CXXXIII/2013), et a même modifié la Constitution elle-même pour empêcher de nouvelles discussions sur les éléments fondamentaux de la nouvelle loi sur la religion (quatrième amendement le 25 mars 2013, cinquième amendement le 26 septembre 2013). Les requérants se sont plaints de la perte de leur statut d’Églises enregistrées depuis le 1er janvier 2012. Depuis cette date, ils sont simplement considérés comme des associations religieuses et n’ont droit à aucune subvention budgétaire (§ 22 de la décision). Ils ont défendu le fait que le statut d’Église était le seul adapté aux besoins particuliers des communautés religieuses. Ils ont également déclaré que les nouvelles exigences de la procédure de reconnaissance n’étaient ni objectives ni raisonnables, et que la compétence du Parlement a transformé la procédure de reconnaissance en une procédure politique. Ils affirment que l’État a ainsi perdu sa neutralité et son impartialité dans les questions de reconnaissance. L’évolution rapide de la loi hongroise avait causé des difficultés à la Cour. Un certain nombre de droits importants sont maintenant ouverts à toutes les communautés religieuses, mais la Cour les considère toujours comme des droits réservés aux églises reconnues. Par exemple, il s’agit des droits d’entretenir des cimetières, de produire des imprimés religieux, de recevoir des dons ou même des subventions budgétaires (§ 25). Ces droits appartiennent à une longue liste de droits ouverts à toutes les communautés au sein du nouveau système à deux niveaux. Alors que le libre exercice de la religion et l’autonomie sont garantis à tous, certains droits sont encore réservés aux églises reconnues. L’un d’entre eux est le droit de dispenser une éducation religieuse dans les écoles publiques (pratiquement seules les deux ou trois plus grandes confessions ont une possibilité réaliste d’utiliser ce droit). Autre différence notable : les contribuables peuvent affecter 1 % de leur impôt sur le revenu à une église de leur choix, alors que les associations religieuses sont exclues de cette possibilité. En outre, les activités de service public (de gestion des écoles ou des institutions sociales) des églises reconnues bénéficient d’un financement public égal à celui des institutions gérées par l’État, tandis que les autres prestataires de services ne reçoivent qu’un financement partiel et doivent conclure un régime contractuel avec le gouvernement pour recevoir des fonds supplémentaires.

2. Motivation
La Cour a considéré la radiation du registre (requalification) des requérants comme une atteinte à leurs droits consacrés par les articles 9 et 11 (§ 83). La mesure a sans aucun doute été prescrite par la loi et la Cour a également admis que la raison de la mesure était de protéger l’ordre public, et surtout d’éliminer les entités qui prétendent être de nature religieuse mais en fait abusent du système pour bénéficier d’avantages financiers (86). En vertu de la loi de 1990, 406 « Églises » ont été enregistrées et l’État n’a pas été en mesure de filtrer les « églises d’affaires » qui n’ont été créées que pour obtenir des fonds mais n’ont pas effectué de véritables activités religieuses. Le différend portait sur la question de savoir si les mesures introduites étaient proportionnées (nécessaires dans une société démocratique). La Cour a considéré que le cas de l’Église de Scientologie de Moscou c. Russie était pertinent dans le cas donné (§ 44), considérant qu’en Hongrie, les communautés précédemment enregistrées n’étaient ni interdites ni privées de personnalité juridique, mais que leur statut était requalifié. Suite à cette requalification, les requérants ont perdu certains privilèges (§ 55). Plus encore, au-delà des avantages financiers, les distinctions dans le statut juridique peuvent conduire à des préjugés sociaux (§ 92). Le principe de neutralité et d’impartialité doit être observé dans les questions religieuses. La conclusion de la Cour est la suivante : « La Cour conclut qu’en supprimant complètement le statut d’église des requérants plutôt qu’en appliquant des mesures moins strictes, en établissant une procédure de réinscription politiquement entachée, dont la justification est sujette au doute en tant que telle, et enfin, en traitant les requérants différemment des églises incorporées non seulement dans les possibilités de réinscription mais aussi dans l’obtention d’avantages aux fins des activités liées à la foi, les autorités ont négligé leur devoir de neutralité vis-à-vis des communautés requérantes. Ces éléments, solidairement, permettent à la Cour de constater que la mesure contestée ne peut être qualifiée de « besoin social impérieux » (§ 115).

3. Malentendus et possibilités
La formulation du jugement reflète un malentendu dans l’évaluation de la Cour. La Cour se réfère à juste titre aux églises précédemment enregistrées (§§ 6, 17, 22, 62, 69, 81) qui ont obtenu un statut en vertu de la loi de 1990. La loi de 2011 a introduit un système à deux niveaux qui différencie les églises reconnues des associations religieuses. La reconnaissance est faite par le Parlement. 31 communautés ont été reconnues à ce jour. L’enregistrement en vertu de la loi de 1990 et la reconnaissance en vertu de la loi de 2011 peuvent sembler similaires mais sont de nature complètement différente. Contrairement à l’appréciation de la Cour, les « églises précédemment reconnues » (§ 96) n’ont pas été radiées, aucune communauté religieuse n’ayant été reconnue antérieurement. En fait, toutes les communautés religieuses précédemment enregistrées ont perdu leur statut. Certaines d’entre elles ont été reconnues dans le nouveau système tandis que d’autres ont été requalifiées en tant associations religieuses. Dans un paragraphe remarquable, la Cour suggère que les systèmes à deux niveaux et les systèmes État-Église ne sont compatibles avec la Convention que s’ils existaient avant la ratification de la Convention (§ 100). En fait, la Convention prévoit la liberté religieuse, mais pas une forme spécifique de relations État-Église. Étrangement, la Cour n’a ni pointé une mesure spécifique ayant conduit à la violation, ni jugé le système adopté par la Hongrie comme inacceptable. La Cour a estimé que les mesures prises par l’État « de façon conjointe et solidaire » suffisaient à juger que les mesures contestées ne correspondent pas à un besoin social urgent (§ 115). Par conséquent, il est difficile de déterminer quels types de changements législatifs sont nécessaires, au-delà d’un règlement financier avec les requérants. Étant donné que les droits relatifs au libre exercice de la religion sont également garantis aux églises et associations religieuses reconnues, les différences qui persistent doivent être réévaluées. L’une d’entre elles pourrait être d’étendre le système d’affectation fiscale aux associations religieuses.

Balázs Schanda
  • Le passage des établissements scolaires sous l’autorité administrative des Églises

Les observateurs attentifs à l’investissement des Églises de Hongrie dans le domaine de l’éducation ou de l’action sociale ont pu constater, récemment, un changement radical dans les statistiques. En effet, les trois dernières années ont permis de constater une croissance encore jamais observée du nombre d’établissements scolaires passés sous la tutelle des Églises.

Pendant l’année académique 2009/2010, qui a précédé le retour de l’alliance démocrate (Fidesz et chrétiens démocrates) au pouvoir, l’État a administré directement ou indirectement 2133 écoles maternelles, 2019 écoles primaires, 442 écoles professionnelles, 467 écoles secondaires professionnelles et 407 lycées. Pendant ce temps, les différentes Églises administraient 139 écoles maternelles, 194 écoles primaires, 33 écoles professionnelles, 31 écoles professionnelles et 104 lycées. En comparaison, pendant l’année scolaire 2002/2003, il y avait alors 3421 écoles primaires publiques et 150 écoles confessionnelles. Avant les élections du printemps 2014 qui ont reconduit le gouvernement de droite, le nombre d’établissements scolaires dépendant des Églises a augmenté de plus de 50 %. Durant quelques années après le changement de régime, les Églises n’ont assuré l’éducation que de quelques milliers d’élèves ; ce nombre atteint aujourd’hui les 250 000 (sur une population de 10 millions d’habitants).
Si certains considèrent que les Églises en Hongrie font simplement « main basse sur les écoles publiques », la situation est bien plus complexe. Le principal moteur de ce changement dans la délégation de service dans le domaine éducatif est une volonté de centralisation de toutes les écoles relevant des autorités municipales/territoriales. Conformément aux règlements entrés en vigueur le 1er janvier 2013, du point de vue de la direction professionnelle, toutes les écoles administrées par des instances territoriales passent sous le contrôle du Centre de gérance de l’Institut Klebelsberg (KLIK). Si pour le fonctionnement quotidien, cela n’apporte, en principe, pas de modification fondamentale, un des pouvoirs majeurs des directeurs d’établissement, à savoir la nomination et le licenciement des enseignants, est transféré aux compétences du KLIK, tandis que la nomination des directeurs relève du ministre de l’Éducation nationale. Le personnel enseignant, les parents et les communautés d’élèves, ainsi que le conseil municipal du lieu, donnent leur avis quant aux candidats aux postes, mais celui-ci n’est que consultatif. Dès 2013, le droit à l’autogestion des écoles a également été aboli. Cependant, la passation sous la tutelle de l’État n’a déchargé la municipalité que de la salarisation du personnel. L’entretien des bâtiments et les coûts opérationnels sont restés à leur charge.
Le passage des établissements scolaires sous la tutelle de l’État, d’après nombre de directeurs d’établissement - qui rejoignent ainsi Zoltan Pokorni, président de la Commission de l’éducation à l’Assemblée nationale et ancien ministre de l’Éducation - présente l’inconvénient d’alourdir les procédures. En effet, chaque décision doit désormais être approuvée par la direction centrale, processus long au vu des obstacles hiérarchiques. La moindre dépense est soumise à une autorisation nécessitant une longue démarche, puisque chaque école est désormais gérée par deux entités distinctes. Le KLIK (créé pour prendre en charge plus de 7 000 écoles générales, lycées, lycées professionnels et écoles de formation professionnelle de Hongrie) a la responsabilité de tout ce qui est du domaine professionnel, tandis que les administrations locales ou territoriales s’occupent du fonctionnement. Des désaccords naissent quant aux dépenses, alors que les fonds reçus pour le fonctionnement restent très faibles. La perte d’autonomie des établissements est perçue négativement. Considérant que désormais leur rôle s’est réduit à assurer le budget d’entretien des bâtiments, sans possibilité réelle d’intervenir dans les affaires de l’école, plusieurs administrations locales ont décidé de faire passer les établissements scolaires sous l’administration des Églises. Les autorités locales sont ainsi totalement libérées des dépenses liées au fonctionnement des écoles. La motivation des autorités pour « fuir » la centralisation était si forte que, lorsque les Églises « historiques » n’ont pas accepté ce rôle d’administrateur avec les coûts y afférant, les autorités locales se sont tournées vers d’autres groupes religieux. Toutefois, d’après les représentants des Églises principales, les différentes confessions ont été obligées de refuser un grand nombre des établissements proposés. Les critères d’acceptation de ces établissements varient selon les différentes Églises. L’Église catholique a accepté des offres sur tout le territoire de la Hongrie, en sauvant dans certains cas des établissements menacés de fermeture (par ex. une école élémentaire accueillant plus de 100 enfants roms à Pécs). Pour l’Église luthérienne, le critère principal est d’avoir déjà sur place des communautés luthériennes, qui soutiennent l’initiative du transfert et le projet existant. Quant à l’Église réformée, elle a accepté des écoles là où elle a déjà prévu d’assumer une mission éducative dans le cadre d’un établissement public.
Le passage de ce grand nombre d’écoles sous l’administration des Églises s’explique aussi bien par des raisons rationnelles que par des préjugés contre l’administration centrale. Par le biais des relations locales, les élus locaux et les municipalités espèrent qu’en transférant les établissements à telle ou telle confession, ils auront, au moins indirectement, un droit de regard. En raison de la législation sur les Églises et leur financement, la perspective de la confessionnalisation des écoles offre une certaine stabilité. Depuis l’Accord du Vatican (1997), malgré des désaccords entre les gouvernements et les cultes dans le domaine de l’éducation, on constate que les écoles confessionnelles offrent un enseignement de meilleure qualité avec des finances plus équilibrées. L’Église, en tant qu’administrateur, a droit à des subventions complémentaires prévues par la loi (en 2013, 7 milliards de Forint). Par ailleurs, beaucoup de réductions et d’exonérations fiscales améliorent la stabilité et la liberté des établissements. Dans de nombreux cas, les écoles religieuses sont dispensées de certaines exigences réglementaires (nomination de la direction, programme scolaire, sélection des manuels, etc.) et il y a moins de risques de réorganisation ou de fermeture. Le financement important est accompagné d’une grande liberté. En comparaison, la liberté des grandes institutions éducatives privées est synonyme de mauvaise condition financière. Pour ce qui est des écoles publiques, la récente centralisation fait que tant leur financement que leur liberté sont limités. D’après le journaliste hongrois Levente Teleki, la différence entre les établissements publics et confessionnaux ne s’explique pas par l’amélioration des conditions de ces derniers, mais par le fait que sans que leurs conditions ne changent, la situation des écoles relevant des administrations locales s’est détériorée (par ex. stagnation ou diminution des salaires des enseignants depuis la centralisation).
Le transfert de tutelle des établissements éducatifs (ou sociaux) soulève également des problèmes autres que financiers. Lors de la conférence de presse du 4 décembre 2014, le président de la Conférence épiscopale de Hongrie a souligné qu’il considère comme contraire à la neutralité religieuse de l’État que le gouvernement ou des administrations locales offrent des établissements librement à une Église de leur choix. Dans ce cas, en effet, leur décision va déterminer de quel environnement religieux peuvent ou doivent bénéficier les personnes ou les services sociaux ou éducatifs.

Voir l’article hongrois "Egyházi iskolák : menekülés az állam elől".

Rozalia Horvath

D 10 décembre 2014    ABalázs Schanda ARozalia Horvath

2013

Annulation partielle de la loi controversée sur les religions
Fin février 2013, la Cour constitutionnelle a prononcé l’annulation partielle de la loi CCVI de 2011 (voir Débats actuels (...)

Annulation partielle de la loi controversée sur les religions

Fin février 2013, la Cour constitutionnelle a prononcé l’annulation partielle de la loi CCVI de 2011 (voir Débats actuels d’automne 2011) sur la liberté de conscience et le statut juridique des Eglises. La cour a déclaré anticonstitutionnels deux aspects de cette loi : l’absence de critères juridiques clairs permettant l’obtention de la reconnaissance du statut de « religion reconnue » par le parlement et l’impossibilité de faire appel de la décision.
Cette loi organique établit notamment la liste des Eglises, communautés et mouvements religieux reconnus officiellement par l’Etat hongrois. La liste mentionne 32 communautés religieuses reconnues contre plus de 300 précédemment (voir France Diplomatie). Les critères retenus pour établir cette liste posent problème dans la mesure où seules les Eglises et minorités nationales sont reconnues. Les communautés musulmanes, bouddhistes ou encore hindoues en sont exclues.
Alors qu’elle marque une rupture majeure avec la législation du régime communiste en restaurant celle qui était en vigueur jusqu’en 1947, son adoption est controversée non seulement en Hongrie (voir l’article de Gabor Sonkoly, historien à l’Université de Budapest) mais également en Europe. Le Conseil de l’Europe a voulu connaître les motivations de l’Etat hongrois : en mars 2012, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) a rendu un avis sur cette loi. Soucieuse du respect de la démocratie et de la liberté de conscience et de religion, la Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (Commission de suivi) a par ailleurs fait une demande d’ouverture d’une procédure de suivi pour la Hongrie au sujet de la Loi fondamentale et de plusieurs lois, dont la loi CCVI.

D 5 septembre 2013   

2011

Une nouvelle loi sur la liberté de religion
A la suite de la nouvelle Constitution, le Parlement hongrois a adopté en juillet 2011 une nouvelle loi sur le statut des communautés religieuses (...)

  • Une nouvelle loi sur la liberté de religion

A la suite de la nouvelle Constitution, le Parlement hongrois a adopté en juillet 2011 une nouvelle loi sur le statut des communautés religieuses qui entrera en vigueur le 1er janvier 2012 en remplacement de la loi IV/1990.

Une version en anglais de la loi est disponible sur le site de l’Ambassade de Hongrie à Washington.

  • Une nouvelle constitution

Au 1er janvier 2012, une nouvelle Constitution (Loi fondamentale) entrera en vigueur en Hongrie.

Voir l’article sous la rubrique "Statut juridique des religions".

D 28 décembre 2011   

2007

"Commission d’experts" sur l’accord de 1997 avec le Saint Siège
Un accord sur les questions financières a été conclu en 1997 entre la coalition sociale-libérale et le Saint-Siège. Comme (...)

  • "Commission d’experts" sur l’accord de 1997 avec le Saint Siège

Un accord sur les questions financières a été conclu en 1997 entre la coalition sociale-libérale et le Saint-Siège. Comme certains éléments de l’accord ont été critiqués pour leurs aspects libéraux d’une part et que la mise en œuvre de l’accord a maintes fois été contestée d’autre part, le Premier ministre de l’actuel gouvernement social-libéral a formé une "commission d’experts" pour réviser cet accord.
La commission est composée de scientifiques qui n’ont pas encore été impliqués dans des’affaires religieuses et de laïcs catholiques généralement qualifiés de libéraux. De façon surprenante, le rapport présenté par la commission en septembre 2006 est plutôt favorable à l’accord : il en fait l’éloge comme apportant une contribution significative à la sécurité et à la stabilité juridiques, et comme représentant un modèle pour les accords conclus par d’autres confessions. La commission a demandé à la commission mixte, composée de représentants du gouvernement et du Saint-Siège, de démarrer l’examen des questions litigieuses.
Suite à ce rapport, la commission mixte s’est réunie en janvier 2007 et la décision a été prise de résoudre une série de questions litigieuses. Le principal sujet de controverse entre l’Eglise et l’Etat est probablement le financement des écoles ecclésiastiques. Parvenir à un consensus sur la méthode de calcul du financement de l’Etat pour les écoles ecclésiastiques est une véritable nécessité.

D 14 septembre 2007    ABalázs Schanda

2006

Avril 2006 : Nouvelle organisation gouvernementale
Une nouvelle structure gouvernementale a été mise en place après les élections parlementaires d’avril 2006. Le secrétariat chargé des (...)

  • Avril 2006 : Nouvelle organisation gouvernementale

Une nouvelle structure gouvernementale a été mise en place après les élections parlementaires d’avril 2006. Le secrétariat chargé des relations entre le gouvernement et les communautés religieuses est maintenant rattaché non plus au cabinet du Premier ministre mais au Ministère de l’éducation et de la culture. Le nouveau responsable du secrétariat est un pasteur luthérien, maître de conférences à l’université luthérienne de théologie (Evangelical Lutheran Theological University), András Csepregi.

  • Avril 2006 : Financement public des écoles gérées par une Eglise

A la suite des élections parlementaires d’avril 2006, la controverse sur l’accord signé avec le Saint-Siège en 1997 par le gouvernement socialo-libéral sur les questions financières, gouvernement toujours en place, a été relancée. Certains libéraux réclament la modification ou l’annulation de l’accord, tandis que l’Eglise catholique affirme régulièrement que l’Etat ne respecte pas les obligations de l’accord. Une commission mixte a été établie pour superviser la mise en oeuvre effective de l’accord ; dans le même temps, le gouvernement lance un groupe de recherche pour obtenir des données sociologiques sur la perception de cet accord par la population. Un rapport devrait être publié en septembre 2006.

Une des questions difficiles que soulève l’accord de 1997 est le financement public des écoles gérées par les Eglises. Depuis 1990, la loi garantit le financement égal des écoles publiques et des écoles confessionnelles (afin de permettre le libre choix et d’éviter une double imposition). L’accord établit partiellement les modalités de ce financement. Mais depuis 2005, le budget annuel prévoit de plus en plus de modes de financements excluant les établissements gérés par les Eglises. Les Eglises considèrent donc que ces nouveaux modes de calcul du subventionnement ne sont pas constitutionnels car discriminants, et qu’ils violent les accords conclus.

  • Hiver 2006 : Encore la lustration

Il semble que la gestion des archives des anciens services secrets ne se termine jamais. Un historien, Ungváry Krisztián a publié certains de ses résultats de recherche : selon lui, le précédent primat de Hongrie, le Cardinal László Paskai, a été l’un des collaborateurs des services secrets. Il aurait fourni des rapports alors qu’il était professeur à la Theological Academy de Budapest, dans les années soixante et soixante-dix, avant de devenir évêque. Ungváry affirme cependant que ces rapports n’étaient pas compromettants : tous étaient bien intentionnés et ne pouvaient nuire à personne. On se demande encore, à l’heure actuelle, lorsque l’on étudie l’histoire récente de la Hongrie, si les agents des services secrets ont été des coupables ou bien des victimes. La Conférences des Evêques a créé une fondation destinée à étudier l’histoire de l’Eglise catholique sous le régime communiste.

D 8 septembre 2006    ABalázs Schanda

2005

La lustration
La lustration (átvilágítás, le fait de porter à la connaissance du public la collaboration avec les services secrets communistes) des employés de l’Eglise a été à l’ordre du jour (...)

  • La lustration

La lustration (átvilágítás, le fait de porter à la connaissance du public la collaboration avec les services secrets communistes) des employés de l’Eglise a été à l’ordre du jour à plusieurs reprises depuis la chute du communisme en 1990.
Les dirigeants de l’Eglise pouvaient accéder à cette information pour leurs employés (c’est-à-dire savoir si ceux-ci ont collaboré avec les services secrets pendant le communisme) depuis la Loi sur la lustration des personnalités publiques (Loi XXIII/1994 § 4). Par le biais de cette disposition, le clergé serait devenu le sujet (et non l’objet) de la procédure ; la Cour constitutionnelle a donc abrogé cette clause fin 1994 (Décision 60/1994 - XII 24 AB).
Depuis 2000, un amendement à la loi permet au personnel de l’Eglise (clergé et autre personnel) de demander au bureau de la lustration un certificat de non-implication (§ 18-4 de la Loi XXIII/1994 inséré par l’acte XCIII/2000 § 5). Certains des dirigeants de l’Eglise protestante et tous les pasteurs de l’Eglise unitarienne se sont soumis à la lustration ; mais l’Eglise catholique et la plupart des autres Eglises protestantes n’ont pas manifesté d’intérêt pour ce type d’aide étatique au renouvellement interne de leurs communautés victimes du communisme. La loi ne sera plus applicable à la fin de l’année 2005, et l’intérêt pour cette question diminue ; cependant, la future gestion des archives demeure une question sensible et un objet de débat.
Le Parlement a voté en mai 2005 un amendement prévoyant de rendre publiques la quasi totalité des archives des services secrets (l’agence du régime qui espionnait les citoyens et les activités ecclésiales). A la suite d’un contrôle préliminaire du texte, l’amendement a été cassé par la Cour constitutionnelle, parce qu’il n’est pas possible de garantir que toutes l’exactitude des données, et que la loi ne proposait aucun recours à ceux qui auraient été accusés de collaboration (décision 37/2005 -X. 4 AB). Dans certains cas, la seule "preuve" disponible est un dossier contenant des données personnelles ; il n’est pas possible d’établir si ces données concernent une personne surveillée ou un informateur ; il demeure très difficile de dresser un panorama complet du fonctionnement des systèmes.

*Lustration : ce terme, qui vient du latin "lustratio" et désigne un rituel courant dans la Rome antique de purification et de réconciliation, s’est imposé dans tous les pays pour désigner, dans les pays de l’Est, les démarches visant à réguler l’accès aux dossiers et accompagner la publication de listes de personnes ayant collaboré avec les services secrets des anciens régimes communistes.

  • Egalité de traitement contre liberté religieuse

Les communautés religieuses traditionnelles (l’Eglise catholique, l’Eglise reformée, l’Eglise luthérienne et l’alliance des Communautés juives) ont, dans une initiative commune sans précédent, déposé une demande à la Cour constitutionnelle en 2004, affirmant que la nouvelle loi sur l’égalité de traitement votée par le Parlement fin 2003 n’était pas conforme à la constitution.
Les communautés religieuses considèrent que l’autonomie des Eglises est mise en danger par cette nouvelle loi, particulièrement en ce qui concerne le droit du travail. En effet, l’appartenance religieuse ne pourrait être prise en compte que pour les ministres du culte qualifiés comme tels par les pouvoirs publics, et non pour les autres personnels. Le cas est en débat.

L’émotion a été à son comble lorsque des membres du gouvernement ont formulé de vives critiques à l’encontre d’une université qui a exclu de sa faculté de théologie un étudiant affirmant être homosexuel (Károli Gáspár Reformed University). Les juridictions compétentes ont débouté les associations militant pour les droits des homosexuels elles affirmaient que l’université avait violé la loi sur l’égalité de traitement.

  • Financement public des institutions gérées par les Eglises

Les Eglises sont libres de mettre en œuvre toute activité publique qui n’est pas de la compétence exclusive de l’Etat. Les Eglises accomplissant des activités publiques (gestion des écoles ou engagement dans l’aide sociale) reçoivent une aide financière théoriquement équivalente à celle accordée à une institution publique accomplissant le même objectif (acte IV/1990, section 19 -1).
La grande majorité des services publics est prise en charge par les municipalités (gestion locale autonome) qui reçoivent pour ces services une subvention par habitant prise sur le budget national. Ces fonds étant habituellement insuffisants, les municipalités les complètent généralement à partir de leurs ressources propres (les impôts locaux par exemple). Les Eglises sont censées recevoir du buget national l’équivalent de la moyenne, calculée au niveau national, de la totalité des dépenses locales. Ainsi, par exemple, une Eglise gérant une école recevra une subvention par étudiant d’un montant égal à la moyenne de la somme totale dépensée par l’ensemble des municipalités pour l’éducation. Dans le cas d’un hôpital géré par une Eglise, la sécurité sociale offre le même financement que pour un hôpital public.
Le principe de l’égalité en matière de financement des activités publiques est garanti par la loi et a été renforcé par la Cour constitutionnelle, qui a jugé que l’égalité en matière de financement était une conséquence découlant nécessairement de la liberté religieuse garantie par la cconstitution ainsi que du principe de non discrimination (décision 22/1997 - IV. 25 AB). L’accord avec le Saint-Siège et les accords avec les autres principales Eglises ont également renforcé ce principe. Il faut noter que, dans les circonstances sociales et financières présentes, seul ce principe permet la présence effective d’institutions gérées par les Eglises dans le service public. Par ailleurs, le financement étant garanti et automatiquement accordé, il ne contrevient pas à l’indépendance de ces établissements.
Le principe de l’égalité en matière de financement des établissements publics gérés par les Eglises ne semble actuellement pas contesté ; des polémiques surgissent cependant régulièrement à propos de sa mise en œuvre. Le gouvernement a d’abord tenté d’empêcher les Eglises d’ouvrir des établissements sociaux de soin sans le consentement de la municipalité. Ceci représentait une violation du droit fondamental des Eglises, et la décision a été cassée par la Cour constitutionnelle (décision 15/2004 - V. 14 AB). Mais le budget 2005 a mis en place un nouveau calcul du financement des écoles gérées par une Eglise, qui s’est opposé à certains financements publics. La commission mixte, établie pour assurer l’exécution de l’accord de 1997 entre le Saint-Siège et la Hongrie sur les questions financières, n’a pas encore pu résoudre le conflit.

  • Controverses politiques

Certains membres du gouvernement – y compris le premier ministre Ferenc Gyurcsány lors de son audience avec le pape Jean Paul II en décembre 2004 – ont critiqué à plusieurs reprises les Eglises, affirmant que certaines déclarations morales faites lors de débats publics récents constituent une implication politique excessive (il visait notamment un rapport encourageant à voter pour accorder la citoyenneté aux descendants de Hongrois vivant à l’étranger, lors du référendum du 5 décembre 2004). Il faut se souvenir que, le régime communiste ne tolérait de la part des Eglises qu’une activité cultuelle, mais aucune activité publique.
Des élections auront à nouveau lieu en 2006, la relation des Eglises et de la politique peut redevenir un sujet de controverse.

D 23 septembre 2005    ABalázs Schanda

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