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Financement des religions

Financement des cultes en Europe

Voir l’article de Miguel Allo, "Financement des cultes en Europe : quelles différences avec la Belgique ?", RTBF, 7 octobre 2023.

Voir l’article de Miguel Allo, "Financement des cultes en Europe : quelles différences avec la Belgique ?", RTBF, 7 octobre 2023.

D 9 octobre 2023    ARomain Mertens

Financement public des cultes : les principes établis par la Cour européenne des droits de l’homme

Les modalités du financement des cultes
On peut classer les systèmes de financement des cultes qui existent en Europe en trois grandes catégories (voy. F. Messner). Tout d’abord, certains (...)

Les modalités du financement des cultes

On peut classer les systèmes de financement des cultes qui existent en Europe en trois grandes catégories (voy. F. Messner). Tout d’abord, certains pays, comme le Royaume-Uni, ont maintenu un système « bénéficial », dans lequel l’église majoritaire historique continue à vivre des rentes de ses biens mobiliers et immobiliers. Ensuite, de nombreux pays européens ont un système de financement des cultes de la part des pouvoirs publics plus ou moins abouti. On retrouve notamment la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, le Danemark ou encore l’Espagne. Enfin, certains États prévoient une interdiction du financement public des cultes, comme la France et l’Irlande.

On distingue généralement le financement « direct » et le financement « indirect » (voy. S. Wattier). Le premier prend la forme d’argent directement versé aux organisations religieuses. Il peut par exemple s’agir du paiement des traitements des ministres du culte, comme c’est le cas en Belgique. Le financement indirect, quant à lui, se manifeste entre autres par le biais d’exonérations ou de déductions fiscales.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme

La Cour européenne des droits de l’homme considère que les États ne sont pas tenus d’accorder un statut privilégié aux cultes et de mettre en place un financement public. En revanche, si tel est le cas, les modalités d’octroi de ce statut et de ce financement public doivent être non-discriminatoires (voy. G. Gonzalez).

Selon les mots de la Cour, « la liberté de religion, telle qu’elle est garantie par l’article 9 de la Convention, n’astreint pas les États contractants à créer un cadre juridique déterminé pour accorder aux communautés religieuses un statut spécial impliquant des privilèges particuliers, un État qui a créé un tel statut doit cependant veiller à ce que les critères fixés pour bénéficier de ce statut ne soient pas discriminatoires » (Cour eur. D.H., arrêt Assemblée chrétienne des témoins de Jéhovah d’Anderlecht et autres c. Belgique, 5 avril 2022, § 33). Ainsi, si une organisation religieuse bénéficie d’un statut spécial en vertu d’un accord passé avec les pouvoirs publics, il faut qu’il soit « possible de conclure des accords similaires avec d’autres Églises qui en exprimeraient le souhait » (Cour eur. D.H., déc. José Alujer Fernandez et Rosa Caballero Garcia c. Espagne, 14 juin 2001).

Dans sa jurisprudence, la Cour a eu l’occasion de valider plusieurs systèmes. Ainsi, elle a accepté le statut spécial dont jouit l’Église catholique en Espagne, en raison notamment du fait que le concordat signé avec le Saint-Siège prévoit que « l’Église catholique s’engage à mettre au service de la société son patrimoine historique, artistique et documentaire » (Cour eur. D.H., déc. José Alujer Fernandez et Rosa Caballero Garcia c. Espagne, 14 juin 2001). Elle a également jugé que le système italien d’affectation d’une partie de l’impôt à une organisation religieuse reconnue ou, à défaut, à l’État, est conforme à la Convention (Cour eur. D.H., déc. Carlo Spampinato c. Italie, 29 mars 2007). Il en va de même pour le système qui existe en Allemagne. Comme « la carte d’imposition [qui renseigne le choix effectué par le contribuable] n’est en principe pas utilisée en public car elle est destinée à être présentée à l’employeur et n’a pas vocation à être utilisée en dehors des relations avec l’employeur ou les autorités fiscales » (Cour eur. D.H., arrêt Wasmuth c. Allemagne, 17 février 2011, § 59), la Cour juge que l’ingérence dans la liberté de religion est proportionnée.

En revanche, elle a estimé que le système de financement des cultes tel qu’il existe en Belgique est contraire à la Convention (voy. S. Wattier). Elle observe en particulier que « ni les critères de reconnaissance, ni la procédure au terme de laquelle un culte peut être reconnu par l’autorité fédérale, ne sont prévus par un texte satisfaisant aux exigences d’accessibilité et de prévisibilité » (Cour eur. D.H., arrêt Assemblée chrétienne des témoins de Jéhovah d’Anderlecht et autres c. Belgique, 5 avril 2022, § 51). Elle souligne également que « la procédure relative à la reconnaissance des cultes n’est pas davantage encadrée par un texte, qu’il soit législatif ou même réglementaire. Il en résulte notamment que l’examen d’une demande de reconnaissance ne s’accompagne d’aucune garantie, tant en ce qui concerne l’adoption même de la décision statuant sur pareille demande qu’en ce qui concerne le processus précédant cette décision et le recours qui pourrait, le cas échéant, être exercé ultérieurement contre celle-ci » (Cour eur. D.H., arrêt Assemblée chrétienne des témoins de Jéhovah d’Anderlecht et autres c. Belgique, 5 avril 2022, § 53).

En synthèse, l’on peut retenir que les États du Conseil de l’Europe connaissent différents systèmes de financement des cultes. Cette diversité est acceptée par la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci requiert néanmoins que, lorsqu’un tel système de financement existe, il réponde aux exigences de légalité et de sécurité juridique, et que les conditions pour en bénéficier soient non-discriminatoires.

D 13 septembre 2024    ARomain Mertens

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