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Financement des religions

Parcours historique

Au Portugal, jusqu’à l’avènement du libéralisme dans le premier quart du XIXe siècle, les registres historiques témoignent que l’Église catholique (dorénavant, Église) possédait environ la (...)

Au Portugal, jusqu’à l’avènement du libéralisme dans le premier quart du XIXe siècle, les registres historiques témoignent que l’Église catholique (dorénavant, Église) possédait environ la moitié de la richesse nationale. Ses biens étaient inaliénables et étaient pratiquement exonérés de toute charge fiscale. L’Église recevait encore des dîmes et d’autres revenus, libres d’impôt. Pourtant, avec les avancées du libéralisme et du républicanisme entre 1832 et 1910 et, notamment, avec les lois de désamortissement (1834) – l’aliénation du patrimoine de l’Église et l’expulsion des ordres religieux – une grande partie des biens ecclésiastiques a été nationalisée. Les clercs se sont retrouvés sans moyens de subsistance et l’État leur a alors accordé des pensions, en faisant ainsi des fonctionnaires d’État.

Cette politique a été poursuivie toute au long de la monarchie constitutionnelle (1820-1910) et pendant le régime de séparation établi par la Première République (1911). La loi de séparation a nationalisé tous les biens de l’Église et les paroisses ont initié un procès de restructuration avec la création des associations cultuelles.

En 1918, ce contexte commence à changer, spécialement avec le mandat du Président de la République, Sidónio Pais, qui permit aux fidèles de toutes les communautés religieuses de créer des corporations, conformément à leurs règlements internes. La fin de la Première République (1926), l’ascension d’António Salazar au pouvoir (1933) et le Concordat de 1940 ont confirmé le principe de libre organisation de l’Église et, par conséquent, la création d’organismes religieuses auxquels l’État a reconnu la personnalité juridique. Le Concordat a permis à l’Église de récupérer certains biens immeubles et lui a garanti l’exemption d’impôts sur la propriété ecclésiastique, sur la rémunération des prêtres et sur l’occupation de plusieurs positions dans l’éducation et dans le soutien spirituel (subventionnées par l’État).

L’avènement de la démocratie en 1974 et la Constitution de la troisième République portugaise en 1976 ne concédait aucun système de subvention aux religions (article 41). Néanmoins, la conservation du Concordat de 1940 et de toutes les dispositions financières et fiscales à l’Église, après la transition démocratique, les phénomènes d’immigration (africaine, musulmane ; de l’Europe de l’Est, orthodoxe ; brésilienne, évangélique) et la croissance des minorités religieuses ont conduit le gouvernement portugais à promulguer une LLR - Loi de la Liberté Religieuse en 2001. Dans cette LLR, toutes les institutions religieuses inscrites au Portugal bénéficient du régime de contributions non imposables et des avantages fiscaux des articles 31 et 32. Cette loi a conduit Portugal à un nouveau Concordat avec le Vatican, en 2004. Les dispositions de ce nouveau Concordat sont similaires à la LLR en ce qui concerne le soutien financier de l’Église (article 26), les exonérations et les avantages fiscaux. Pourtant, il existe certaines spécificités réservées à l’Église, notamment son éventuelle inclusion dans le système de perception de recettes fiscales (article 27), l’exemption fiscale de l’organisme ecclésiastique responsable des sommes destinées à l’Église (article 26/4) ou le soutien à l’Université catholique portugaise (article 21/3).

Voir aussi :
 BRITO, José de Sousa e, « Le financement des communautés religieuses au Portugal", in Brigitte Basdevant-Gaudemet et Salvatore Berlingò (eds.), The Financing of Religious Communities in the European Union, 1ère ed., Trier, Institute for European Constitutional Law, 2009, p. 287-294.
 MONIZ, Jorge Botelho, “O financiamento público da religião na Europa católica pós-crise”, Ius Ecclesiae, Rivista internazionale di Diritto Canonico, 28, 1, 2016, p. 79-112.
 PIRES, Manuel, “Aspectos fiscais”, in Manuel Saturnino Gomes (coord.), Estudos sobre a Nova Concordata. Santa Sé – República Portuguesa, 18 de Maio de 2004, col. Lusitânia Canónica, 11, 1ª ed., Lisboa : Universidade Católica Editora, 2006, p.120-147.

D 19 décembre 2017    AHelena Vilaça AJorge Botelho Moniz

Aspects juridiques généraux

Il n’est pas prévu, au niveau constitutionnel, une quelconque subvention aux religions. En fait, la Constitution de la République portugaise (1976) a bien défini le régime de séparation entre (...)

Il n’est pas prévu, au niveau constitutionnel, une quelconque subvention aux religions. En fait, la Constitution de la République portugaise (1976) a bien défini le régime de séparation entre État et Églises et communautés religieuses (article 41/3).

Toutefois, au niveau interne et international, notamment dans la LLR - Loi de la Liberté Religieuse (2001) et dans le Concordat (2004), l’État portugais ouvre la possibilité de soutenir les églises et les communautés religieuses enregistrées, par le biais d’exonérations et d’avantages fiscaux. Ce régime de séparation – aussi évoqué dans la LLR sous les principes d’égalité, de neutralité et de non confessionnalité (articles 2, 3 et 4) – est concilié avec le principe de coopération État-religions en matière d’intérêt commun (par exemple, l’éducation, la paix ou les droits humains), qui est prévu dans l’article 5 de la LLR et dans l’article 1 du Concordat. C’est dans la logique de séparation avec coopération que nous devons interpréter les avantages fiscaux que l’État offre aux églises et communautés religieuses inscrites au Portugal.

Indépendamment du statut légal de la communauté religieuse, les activités à fin religieuse considérées comme non imposables sont au nombre de trois : i) les donations de fidèles pour l’exercice du culte et des rites à des fins religieuses ; ii) les collectes publiques à des fins religieuses et iii) la distribution gratuite et l’affichage de publications religieuses (LLR, article 31/1).

Les personnes juridiques religieuses enregistrées en tant que telles dans le registre national des personnes juridiques, au-delà des contributions non imposables de l’article 31 de la LLR, jouissent aussi des avantages fiscaux attribués dans l’article 32 de la LLR, par exemple : l’exemption d’impôts sur les lieux de culte et les édifices destinés à des activités à finalité religieuse, sur les établissements destinés à la formation des ministres de culte ou à l’enseignement de la religion, sur l’acquisition d’immeubles à des fins religieuses et sur les donations qui leur sont faites, à concurrence de 15% du revenu imposable des individus.

Les églises et communautés religieuses enracinées dans le pays (l’Église, l’alliance évangélique et les communautés musulmane et israélite) jouissent, au-delà de tous les avantages susmentionnés, de tous les avantages fiscaux attribués dans l’article 32 (n° 4 et suivants) de la LLR et dans l’article 26 du Concordat, par exemple : la perception du 0,5 % de l’impôt sur les revenus des personnes physiques ou l’exemption de toute acquisition à titre gratuit de biens à des fins religieuses.

L’Église catholique : les institutions de l’Église sont remboursées de la TVA en ce qui concerne des activités et des acquisitions destinées à des fins religieuses ou de charité (article 1 du décret-loi 20/90). Le Concordat (article 27) offre à la Conférence épiscopale portugaise la possibilité d’inclure l’Église dans le système de perception de 0,5 % de l’impôt sur le revenu prévu dans la LLR. Cependant, une telle option implique le renoncement à l’exemption de la TVA (LLR, article 65).

L’Imamat Ismaili : l’Imamat Ismaili a signé avec l’État portugais un accord supranational (un deuxième Concordat, même si l’autre contractant n’est pas un Etat) en 2015. Cet accord juridique donne une certaine prééminence par rapport aux autres églises et communautés religieuses non catholiques, notamment au niveau fiscal, avec des bénéfices fiscaux plus importants que ceux prévus dans la LLR (voir article 11 de cet accord). En particulier, les exonérations sur les revenus des donations, sur la rémunération du prince Aga Khan et sur les revenus d’origine étrangère et encore le remboursement de la TVA pour les biens et services destinés à des fonctions officielles.

Voir aussi :
 BRITO, José de Sousa e, “Le financement des communautés religieuses au Portugal”, in Brigitte Basdevant-Gaudemet et Salvatore Berlingò (eds.), The Financing of Religious Communities in the European Union, 1ère ed., Trier : Institute for European Constitutional Law, 2009, p. 287-294.
 MONIZ, Jorge Botelho, “O financiamento público da religião na Europa católica pós-crise”, Ius Ecclesiae, Rivista internazionale di Diritto Canonico, 28, 1, 2016, p. 79-112.
 PIRES, Manuel, “Aspectos fiscais”, in Manuel Saturnino Gomes (coord.), Estudos sobre a Nova Concordata. Santa Sé – República Portuguesa, 18 de Maio de 2004, col. Lusitânia Canónica, 11, 1ª ed., Lisboa : Universidade Católica Editora, 2006, p.120-147.

D 19 décembre 2017    AHelena Vilaça AJorge Botelho Moniz

Aspects juridiques spécifiques

Éducation : la Constitution de la République portugaise (article 43/3) établit que l’enseignement public ne peut pas être confessionnel. Néanmoins, l’État garantit la liberté de l’enseignement (...)

Éducation : la Constitution de la République portugaise (article 43/3) établit que l’enseignement public ne peut pas être confessionnel. Néanmoins, l’État garantit la liberté de l’enseignement de toute religion, à condition qu’elle soit pratiquée dans le cadre de sa confession (article 41/1). Dans les écoles publiques, jusqu’à l’enseignement secondaire, l’État paie un salaire aux enseignants d’éducation morale et religieuse. Il y a trois Églises et communautés religieuses qui bénéficient de ce soutien financier : l’Église catholique, l’alliance évangélique et la communauté bahaïe. Les enseignants de la morale évangélique, contrairement à leurs homologues catholiques, ne sont pas considérés comme des fonctionnaires de l’État et, sont ainsi des agents publics précaires (ils sont rémunérés à l’heure). Il n’est prévu aucun financement pour les écoles supérieures confessionnelles. Toutefois, l’UCP - Université catholique portugaise, selon le décret 307/71, revu par le décret 128/90, peut être soutenue directement par l’État, par le biais de compensations financières. Ce soutien est dû au fait que l’UCP n’est pas une université privée, car elle a le statut légal de personne morale d’utilité publique.

Assistance sociale  : Les institutions de solidarité sociale, incluant les organisations religieuses, peuvent être financées pour leurs services en faveur de la population nécessiteuse. En ce sens, on doit mentionner les IPSS – Institutions Particulières de Solidarité Sociale qui, d’après la norme législative 75/92, dans la poursuite de leurs objectifs de solidarité sociale, on droit à une compensation publique. Pour cette raison, des accords et des protocoles sont établis entre ces personnes juridiques d’utilité publique et l’État (article 8 du décret 119-83 et article 31/3 de la loi 4/2007). Au Portugal, pour divers raisons historiques, politiques et culturelles, par exemple, l’Église catholique possède directement ou indirectement environ 30 % de toutes les IPSS.

Aumôneries : l’État subventionne les Églises et communautés religieuses pour les services que les ministres de culte offre dans le cadre des aumôneries militaires (décret 251/2009), hospitalières (décret 253/2009) et dans les prisons (décret 252/2009). Cette assistance spirituelle est prévue par l’article 17 du Concordat et par l’article 13 de la LLR - Loi de la liberté religieuse. Dans l’exercice de leurs fonctions, les aumôniers sont considérés comme des fonctionnaires (les aumôniers militaires font partie des forces armées) (dans les trois décrets susmentionnés, voir les articles 15) et sont payés par l’État. Les aumôneries militaires comportent, actuellement, une structure d’assistance spirituelle catholique. Les aumôniers évangéliques travaillent quant à eux sous le régime du volontariat. Les aumôneries hospitalières n’ont pas d’aumôniers permanents, mais il est possible de demander l’assistance spirituelle, même dans le cas de confessions religieuses minoritaires, dès que c’est nécessaire.

Édifices religieux : parfois l’État subventionne des initiatives ecclésiastiques ayant une certaine finalité sociale. C’est le cas de la concession de terrains, prévue dans les plans d’urbanisme, pour la construction de nouvelles églises ou temples et du soutien financier pour leur édification. C’est le cas de la mosquée (sunnite) centrale de Lisbonne (entre 1978 et 2004), du temple hindou de Lisbonne (décennie 1980), de la construction d’une école coranique et d’une mosquée à Loures (1999) ou de l’Église de la Sainte Trinité à Oeiras (2015).

Média et communication de masses : le financement public de la diffusion d’émissions religieuses dans les services publics de télévision et de radio est prévu au Portugal pour toutes Églises et communautés religieuses inscrites, pour la poursuite de leurs buts religieux (article 25/1 de la LLR). Nonobstant l’universalité de cette norme, d’après l’article 25/2 l’attribution et la distribution du temps d’émission doit être faite en proportion de la représentativité des confessions religieuses. Pour cette raison, l’Église a une certaine prédominance dans ce domaine, par exemple dans les programmes télédiffusés, “70x7” et “La Foi des Hommes”, en plus des eucharisties dominicales.

L’Accord missionnaire : l’Accord missionnaire de 1940 n’a jamais été formellement abrogé et l’État portugais a donc encore à sa charge les pensions de subsistance des missionnaires portugais des anciennes colonies ultramarines.

D 19 décembre 2017    AHelena Vilaça AJorge Botelho Moniz

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