eurel     Données sociologiques et juridiques sur la religion en Europe et au-delà
Vous êtes ici : Accueil » Espagne » Repères historiques » Parcours historique » De la Reconquête à l’unité par la foi

De la Reconquête à l’unité par la foi

La Reconquista, reconquête du territoire par les chrétiens sur les berbères, est un processus multiséculaire et complexe qui s’achève le 2 janvier 1492 avec la prise de Grenade.
Animée par différentes motivations, allant de la pression démographique aux croyances religieuses, elle fut dotée d’une dimension mythique supplémentaire en acquérant le statut de croisade, concernant de ce fait toute la chrétienté. Ce phénomène se produisit principalement à partir du XIe siècle, quand le pape Alexandre Ier accorda aux participants à la Reconquista les mêmes indulgences plus tard concédées aux Croisés.
Pour autant, la période de la Reconquista est marquée par une forte originalité. En effet, l’Espagne, comme la plupart des pays européens, hérite du Moyen Age et porte dans les siècles suivants un principe quasi-universellement accepté : la foi chrétienne est un élément essentiel de la réalité de la communauté politique ; seuls les catholiques peuvent être sujets du roi, puisqu’eux seuls constituent le règne. En France ou en Angleterre, on ne pensait pas différemment alors. Mais la situation espagnole était particulière, du fait de l’existence sur son sol de deux fortes communautés religieuses protégées, pour les juifs, par une législation ancienne, pour les musulmans, par des contrats de capitulation passés pendant la Reconquête, et donc dotées d’une organisation spécifique, et reliées directement au souverain.
Pourtant, au XVe siècle, les relations entre monarque et sujets subissent une évolution qui trouve son aboutissement avec la politique menée par Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille Un processus de transformation des institutions va aboutir à la constitution de la nation espagnole, par identification entre le roi, la reine, le territoire et la communauté. Le facteur fondamental d’une telle communauté, sans lequel elle ne peut ou cesse d’exister, c’est sa religion, sa foi. En s’identifiant avec elle, le monarque devient la concentration, le sommet et la synthèse de la communauté elle-même, qu’il est inexorablement réduit à servir. Hors de la communauté, pas de souverain, et hors du christianisme, pas de communauté.
C’est pourquoi la période des Rois catholiques et de la politique d’unification par la foi qu’ils mettent en place est si importante pour comprendre l’Etat espagnol. Le retard de la nation moderne y tient en effet, entre autres facteurs, à ce qu’ils ont constitué l’unité de la Péninsule en expulsant les juifs (décret du 31 mars 1492), puis les musulmans, cette phase étant achevée par Charles Quint lorsqu’il fut délié par le pape du serment de ne pas inquiéter les derniers maures d’Espagne. C’est là le « maximum religieux » auquel l’Espagne restera fidèle au moins jusqu’au XVIIIe siècle, à travers en particulier la notion de limpieza de sangre, de pureté de sang, au nom de laquelle on éliminera également les nouveaux chrétiens. La communauté hispanique est intégrée dans une seule foi, et met toutes ses institutions en relation de dépendance avec elle.

D 13 septembre 2012    AClaude Proeschel

CNRS Unistra Dres Gsrl

Suivez nous :
© 2002-2024 eurel - Contact