Polémiques autour du port de l’abaya à l’école
Le 27 août dernier, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal a annoncé au Journal télévisé de TF1 que l’abaya serait interdite dans les écoles, collèges et lycées publics. L’abaya est une robe longue et ample, c’est un vêtement culturel venant de la péninsule arabique.
La polémique autour du port de l’abaya dans les établissements d’enseignement secondaire a été récurrente ces derniers mois concernant les collégiennes et les lycéennes. Quelques jours avant la rentrée 2023, le ministre de l’Éducation nationale s’est positionné et a indiqué qu’il interdirait dès la rentrée le port de cette tenue. Si cette annonce a réenclenché des polémiques et des prises de parole autour de cette question, elle a également engendré des interrogations chez les juristes.
Le débat sur la façon dont les élèves s’habillent provient du principe que l’école publique doit être, du fait du principe de la laïcité, un lieu de neutralité religieuse. Si cette neutralité religieuse ne concernait initialement que les agents du service public, la loi du 15 mars 2004 étend cette neutralité aux usagers du service public de l’éducation nationale : les élèves. La loi du 15 mars 2004 interdit le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse dans les écoles, les collèges et les lycées publics. Si les signes objectivement religieux sont ainsi interdits – voile, kippa, grande croix – d’autres signes ont posé question au juge ces dernières années. Ainsi en est-il du port d’un bandana ou d’une jupe longue par exemple. Pour appréhender dans quelle mesure ce type de signes entre ou non dans le champ d’application de la loi de 2004, le Conseil d’État retient que le port de ces signes ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu’en raison du comportement de l’élève – l’appréciation se fait donc au cas par cas.
La note de service du ministre, publiée au Bulletin officiel de l’Éducation nationale le 31 août dernier, intègre l’abaya dans le champ d’application de la loi du 15 mars 2004. Son prédécesseur, Pap Ndiaye avait d’ores et déjà publié une circulaire en 2022 tendant à préciser le cadre juridique applicable, entre autres, aux abayas. Pour certains juristes, cette annonce n’est donc ni plus ni moins qu’un exercice de communication politique.
En France, les débats autour de la place de la religion dans l’espace public sont fréquents – notamment concernant les signes religieux portés par les femmes musulmanes : le voile, le burkini, le voile intégral, aujourd’hui l’abaya. Cette dernière polémique emporte de nombreuses interrogations. D’une part, sur la base de quelles informations le gouvernement, malgré l’opinion contraire du CFCM, déclare-t-il que l’abaya est un vêtement religieux ? Si ce vêtement permet de répondre aux exigences de pudeur religieuse, il est cependant avant tout culturel ; le gouvernement semble donc ici adopter la définition de l’abaya qu’en ont quelques acteurs d’un certain courant de l’islam, et quelques acteurs d’un certain courant de la laïcité. Le Conseil d’État s’est également inscrit en ce sens.
D’autre part, cette polémique questionne une nouvelle fois la définition de la laïcité : s’agit-il d’un principe juridique libéral ou la neutralité religieuse finira-t-elle par remplacer définitivement la laïcité, juridiquement garante de liberté religieuse ?