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2021

  • Mai 2021 : L’archevêque croate demande le pardon des personnes homosexuelles

Mate Uzinić, l’archevêque coadjuteur de Rijeka (et évêque de Dubrovnik de 2011 à 2020), a publié un communiqué sur sa page Facebook personnelle le 17 mai 2021, Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, dans lequel il cite l’exhortation apostolique Amoris Laetitia. Partant de la première phrase du paragraphe 250, qui dit que "l’Église fait sienne l’attitude du Seigneur Jésus, qui offre son amour sans limite à chaque personne sans exception", il a souligné qu’Amoris Laetitia demande que "chaque personne, quelle que soit son orientation sexuelle, soit respectée dans sa dignité et traitée avec considération, tandis que "tout signe de discrimination injuste" doit être soigneusement évité, en particulier toute forme d’agression et de violence". Il a également souligné que, selon Amoris Laetitia, ces personnes et leurs familles "doivent bénéficier d’un accompagnement pastoral respectueux, afin que ceux qui manifestent une orientation homosexuelle puissent recevoir l’aide dont ils ont besoin pour comprendre et accomplir pleinement la volonté de Dieu dans leur vie". Après avoir cité les principaux messages de cette exhortation apostolique, l’archevêque Uzinić a conclu qu’il regrettait que de nombreux catholiques ne soient pas d’accord avec cela, en particulier ceux qui pensent servir le Christ et l’Église par la discrimination, l’agression, la violence, les insultes et les commentaires désobligeants à l’égard des personnes homosexuelles. Il a conclu en demandant pardon aux gays qui se sentent encore rejetés par l’Église et qui, avec leurs familles, ne bénéficient pas de l’attention pastorale respectueuse qu’Amoris Laetitia leur garantit.

Compte tenu de certaines de ses déclarations antérieures sur les homosexuels, la maltraitance des enfants ou les réfugiés, il n’est pas particulièrement étrange que l’archevêque Uzinić ait publié un tel message. Néanmoins, on peut considérer qu’il s’agit là d’une voix qui sort du lot parmi les évêques catholiques croates qui partagent un point de vue beaucoup plus conservateur sur les personnes LGBTQI et s’opposent aux tentatives de leur accorder l’égalité des droits, par exemple dans le domaine des droits de la famille. La défense de la famille traditionnelle et la lutte contre la soi-disant idéologie du genre constituent un élément essentiel des enseignements officiels de l’Église, dont l’effet secondaire est l’insensibilité à l’égard de diverses paroles et actions discriminatoires.

Les réactions ont été mitigées jusqu’à présent. De nombreux commentateurs de la page Facebook ont accusé l’archevêque de répandre le flou sur les enseignements de l’Église concernant les homosexuels. Certains craignent que les "conseils pastoraux respectueux" ne finissent par faire l’éloge de l’homosexualité et de la pleine intégration des homosexuels dans la vie de l’Église, comme c’est le cas dans certains pays occidentaux. Parmi le clergé, l’accusation la plus virulente est venue de Ratko Perić, évêque catholique retraité de Bosnie-Herzégovine. En revanche, les médias et les acteurs de la société civile du côté libéral ont salué sa déclaration. Du point de vue des sciences sociales, il convient d’analyser cette situation dans le contexte de la montée des clivages idéologiques dans un pays où le taux d’appartenance religieuse est élevé, mais où la participation religieuse est en baisse. Selon les données de l’enquête European Value Survey, la part des personnes qui se déclarent religieuses est très stable (79,9 % en 1999 et 78,3 % en 2017), mais la part de la participation régulière (au moins mensuelle) à l’Église a diminué, passant de 52,5 % (1999) à 34,9 % (2017). Comme dans d’autres pays post-communistes, l’acceptation des gays est plus faible en Croatie qu’en Europe occidentale, mais plus élevée que dans la plupart des pays d’Europe de l’Est à majorité orthodoxe. En général, l’acceptation sociale de la communauté LGBTQI progresse lentement, mais elle est contrecarrée par les débats idéologiques qui mettent leurs droits sur un pied d’égalité avec les menaces croissantes de l’"idéologie du genre".

D 27 mai 2021    ASiniša Zrinščak

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