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France

  • Février 2022 : Abus sexuels et Eglise catholique romaine - suite

Huit membres de l’Académie catholique ont publié en novembre 2021 un rapport critiquant le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) d’octobre 2021. Fondée en 2008 par des intellectuels catholiques français, l’Académie catholique de France vise à favoriser la rencontre des universitaires attachés au catholicisme et à promouvoir leurs idées.
Le journal La Croix indique que plusieurs membres de l’Académie, dont Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, et sœur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref), ont annoncé leur démission à la suite de la publication du rapport contestataire par Le Figaro. Jean-Marc Sauvé, président de la CIASE et lui-même membre de l’Académie catholique, a exprimé sa "tristesse" à la suite de ces critiques.
En février 2022, Jean-Marc Sauvé a publié une réponse détaillée aux critiques de l’Académie catholique, comprenant une réponse des membres de la commission, les conclusions de cinq spécialistes reconnus des enquêtes et des sondages ainsi qu’une note du démographe François Héran, qui confirment la pertinence des résultats du rapport et des recommandations émises par la CIASE.
L’Eglise catholique n’en finit pas d’être agitée par cette difficile question des abus sexuels.

Anne-Laure Zwilling
  • Décembre 2021 : 1400 actes antireligieux en 2021

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a communiqué les chiffres des actes antireligieux commis en France en 2021 (de janvier à octobre). Les actes antichrétiens sont les plus nombreux - 686 actions ou menaces, mais en baisse de 25 % par rapport à 2019 (l’année 2020 n’est pas prise en compte dans le comparatif, en raison des nombreux confinements qui se sont produits et qui rendent impossible la comparaison des données). Viennent ensuite les actes antisémites – 523, mais en baisse de 15 %. Enfin, 171 actes antimusulmans sont recensés, chiffre en hausse de 32 % par rapport à 2019.

Une fois ce constat dressé, il apparaît nécessaire d’éclairer quelque peu ces chiffres. Les actes antichrétiens tout d’abord : ils concernent avant tout des dégradations matérielles. Or 95 % des édifices de culte en France sont catholiques. L’Observatoire du patrimoine religieux recense ainsi 45 000 églises dans le pays, 2220 mosquées et 500 synagogues (voir patrimoine-religieux.fr). Les lieux de culte musulmans ou juifs subissent donc proportionnellement davantage de dégradations. Notons également que la communauté catholique est de plus en plus touchée par des attaques visant des personnes. Le travail de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) a pu jouer un rôle dans cette augmentation (voir La Croix). Concernant les actes antisémites, ils relèvent pour moitié d’atteintes à la personne. Ils sont en baisse cette année, après trois années consécutives de hausse. Enfin, les actes antimusulmans touchent avant tout des biens. La hausse constatée en 2021 confirme une tendance observée depuis plusieurs années (100 actes en 2018).
En outre, il paraît nécessaire de distinguer ces actes antireligieux de leurs motivations aux fondements très divers : un vol d’œuvre d’art dans une église n’est pas systématiquement une profanation. La Commission consultative des droits de l’homme (CNCDH) le soulignait en 2019 : « le lien existant entre ces actes et les phénomènes de racisme est difficile à établir avec certitude, puisqu’il est extrêmement délicat de différencier les actes qui ont une réelle motivation raciste, des vols ou actes de pur vandalisme, ou encore des actes commis par des groupes se réclamant du ’satanisme’ ». De nombreuses agressions ne sont ainsi pas recensées comme antireligieuses.
Afin de mieux comprendre la nature de ces actes, leur évolution et leurs motivations, le gouvernement a chargé les députés Isabelle Florennes (MoDem) et Ludovic Mendès (LREM) d’en dresser un état des lieux pour la fin du mois de février 2022.

Voir aussi la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la politique de prévention et de lutte contre les profanations dans les lieux de culte et les cimetières en France, texte n° 330 (2021-2022) de Mme Valérie BOYER, déposé au Sénat le 7 janvier 2022.

Anne Lancien
  • Décembre 2021 : Thérapies de conversion

En 2019, la chaîne de télévision Arte avait diffusé une enquête intitulée « Homothérapies, conversion forcée », réalisée par Bernard Nicolas. Les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, le plus souvent dans des groupes religieux et appelées thérapies de réorientation sexuelle ou thérapies de conversion, sont ainsi devenues l’objet de l’attention du public.
En juillet 2019, une mission flash sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle et l’identité de genre avait été créée, avec pour co-rapporteurs Laurence Vanceunebrock-Mialon (députée La République en Marche de l’Allier) et Bastien Lachaud (député La France insoumise de Seine-Saint-Denis). La mission a publié en décembre 2019 une communication et une synthèse.

En mars 2021, Laurence Vanceunebrock a déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. De son côté, la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie a déposé au Sénat une proposition de loi en juin 2021.
Adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 5 octobre, le projet Vanceunebrock a été adopté par le Sénat après d’intenses débats. Le Sénat a voté la proposition mardi 7 décembre, par 305 voix en faveur du texte et 28 voix contre.
La loi adoptée crée un délit punissant de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende « les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale ».
Une Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi a été convoquée le 8 décembre 2021.
La ministre chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, a annoncé ensuite confier à la Miviludes une mission sur ces “thérapies de conversion”, pour “expliciter, exemplifier et quantifier le phénomène, en analysant en particulier sa dimension de dérive sectaire”, selon un communiqué, et devra d’ici à un mois formuler des “propositions opérationnelles pour parfaire les moyens de lutte mis en place contre ces pratiques”. La Miviludes, organe de lutte contre les dérives sectaires rattaché au ministère de l’Intérieur, sera aidée par la cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires (CAIMADES), rattachée à l’Office central pour la répression des violences aux personnes (ORCVP), et par l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP).

Une table ronde sur les thérapies de conversion a eu lieu en novembre 2021 à l’EHESS ; l’enregistrement vidéo des débats est en ligne.

Anne-Laure Zwilling
  • Octobre 2021 : Abus sexuels sur mineurs et secret de la confession

La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) a rendu son rapport début octobre 2021. Le nombre élevé de victimes, la part importante d’ecclésiastiques parmi les abuseurs, et la logique systémique des violences sexuelles, mis en évidence par la CIASE, ont soulevé de vives réactions dont il n’est pas possible de rendre compte ici dans leur intégralité.
L’un des points les plus débattus concerne la question du secret de la confession. La commission soutient que ce dernier ne saurait dispenser les ecclésiastiques de signaler les agressions sexuelles sur des mineurs. Interrogé sur le sujet, le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Éric de Moulins-Beaufort, a déclaré le 6 octobre que « la confession s’impose » aux religieux et que son secret « est plus fort que la loi de la République ; elle ouvre un espace de parole, libre, qui se fait devant Dieu ».
Le secret de la confession n’est pas au-dessus de la loi de la République, contrairement à ce que semble suggérer le propos de l’évêque ; mais il demeure malgré tout conforme à celle-ci. En effet, il renvoie au secret professionnel, régi par l’article 226 du Code pénal, qui sanctionne la « révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession » d’une peine d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Cette sanction peut être levée en cas de dénonciation de sévices sur mineur, mais n’oblige pas la révélation de crime, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles de mineurs de quinze lorsque ceux-ci ont été confiés lors du sacrement de la confession (exceptions aux articles 434-1 et 434-3 du code pénal).
La Cour de cassation a reconnu le caractère absolu du secret de la confession depuis un arrêt rendu en 1891 et confirmé en 1966. Émile Garçon, pénaliste, explique ainsi le fondement du secret professionnel : « Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholique un confesseur, mais ni le médecin, ni l’avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission, si les confidences qui leur sont faites n’étaient assurées d’un secret inviolable. Il importe donc à l’ordre social que ces confidents nécessaires soient astreints à la discrétion, et que le silence leur soit imposé, sans condition ni réserve, car personne n’oserait plus s’adresser à eux si on pouvait craindre la divulgation d’un secret confié » (Code pénal annoté, T2, Sirey 1956, Art. 358, n° 7).
Cette question soulève plus globalement celle du périmètre du secret professionnel, interprété de façon de plus en plus restrictive par les tribunaux : si celui de la confession n’est pas – encore ? – remis en cause dans la jurisprudence, aucun crime, mauvais traitement ou atteinte sexuelle de mineurs confié à un ecclésiastique en dehors de ce sacrement n’est considéré comme relevant du secret professionnel, ainsi que l’illustre la condamnation de Pierre Pican, évêque de Bayeux et Lisieux, en 2001 pour non-dénonciation des agissements du prêtre René Bissey. De même, un évêque ne peut refuser de communiquer le dossier d’un prêtre en se fondant sur la violation du secret professionnel. En effet, en mai 2019, le tribunal de Bourg-en-Bresse a exigé que l’évêque du diocèse concerné communique l’ensemble du dossier de l’ancien prêtre Félix Hutin à sa victime, dans un délai de quinze jours.
Au regard de l’émotion suscitée par les abus sexuels sur mineurs et par la révélation de la logique systémique de l’Église sur cette question, il est probable que le secret professionnel voie son périmètre se réduire encore davantage et que les crimes et atteintes sexuelles sur mineurs confiées lors de la confession ne soient plus considérés comme relevant de cette clause d’exceptionnalité. Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, ne dit-elle pas à ce titre que « sauver une vie l’emporte sur tout secret » ?

Anne Lancien
  • Octobre 2021 : Rapport sur les violences et abus sexuels dans l’Eglise catholique

Les révélations sur les viols, abus, violences sexuelles et actes de pédophilie commis dans l’Église catholique mettent l’institution en situation difficile depuis de nombreuses années. La Conférence des évêques de France a déjà réalisé plusieurs rapports sur la lutte contre la pédophilie dans l’Église.
En février 2019, la Conférence des évêques de France (CEF) et la Conférence des Religieux et Religieuses de France (CORREF) avaient mandaté une commission, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique (CIASE).
Composée de 22 personnes aux opinions philosophiques et religieuses diverses (croyants de différentes confessions, incroyants, agnostiques ou athées), ne comportant pas de religieux et présidée par Jean-Marc Sauvé, vice-président honoraire du Conseil d’État, la commission a rendu public son rapport le 5 octobre.
La commission estime que 216 000 mineurs ont été victimes d’abus sexuels de clercs ou religieux depuis 1950, et 330 000 si l’on inclut les personnes agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l’Église (enseignants, surveillants, cadres de mouvements de jeunesse...). Ces chiffres résultent d’une estimation statistique comprenant une marge de plus ou moins 50 000 personnes.
La Commission a d’abord recueilli 6 500 appels de victimes ou de proches, et a ensuite procédé à environ 250 auditions longues ou entretiens de recherche. Elle a également analysé les archives, pour tenter de découvrir les mécanismes, institutionnels et culturels qui ont pu favoriser la pédocriminalité.
Le rapport de la Commission se termine par une quarantaine de préconisations.
Ce rapport a suscité de très nombreuses réactions : par la révélation de l’ampleur du problème, mais également en révélant que l’Église a fréquemment refuser de prendre en compte les dossiers dont elle a eu connaissance, ce rapport semble assez accablant pour l’institution ecclésiale.

Pour en savoir plus :
 Rapport final de la CIASE, Les violences sexuelles dans l’Église catholique, France 1050-2020
 Résumé du rapport
 Recueil de témoignages de victimes, De victimes à témoins
 Entretien avec Jean-Marc Sauvé, Études, octobre 2021

  • Novembre 2020 : Laïcité, liberté d’expression et liberté de religion

Les débats sur une question qui suscite fréquemment les passions en France, les religions et la laïcité, ont à nouveau été très vifs au mois de novembre. Ils sont également complexes et très enchevêtrés, tant ils se trouvent mêlés à d’autres éléments discutés de la vie sociale et politique française, et tant les passions sont fortes autour des convictions personnelles. A cela s’ajoutent le confinement et les restrictions dues à la crise sanitaire qui rendent le climat social particulièrement difficile.
Le débat a d’abord été tourné vers la question de la liberté d’expression. Il a été amplifié, au moment même où se tient le procès des auteurs de l’attentat commis contre la rédaction du journal Charlie Hebdo en 2015, par plusieurs événements tragiques.
Le premier de ces événements a été un attentat commis le 25 septembre par un jeune Pakistanais qui blesse grièvement à l’arme blanche deux personnes se tenant près des anciens locaux de Charlie Hebdo.
Cette attaque a été suivie le 16 octobre par l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire géographie au collège de Conflans-Sainte-Honorine (grande banlieue parisienne). Quelques jours après un cours sur la liberté d’expression, pendant lequel l’enseignant aurait montré aux élèves diverses caricatures dont certaines du prophète Muhammad, Samuel Paty a été tué puis décapité, lorsqu’il rentrait du collège, par un individu ayant affirmé agir au nom du prophète de l’islam.
Très vite, la discussion a opposé, pour le dire de façon simple mais évidemment réductrice, partisans de la liberté d’expression en toutes circonstances et tenants du respect des convictions religieuses.
Ainsi, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, a-t-il suscité la polémique en appelant à "encadrer" l’utilisation des caricatures de Mahomet dans l’enseignement. Il reviendra d’ailleurs sur ses propos quelques jours plus tard, déplorant ce qu’il appelle une maladresse. Certains évêques catholiques (par exemple Nicolas Brouwet, évêque de Tarbes et Lourdes) ont tenu un discours semblable, de même que le Haut représentant pour l’Alliance des civilisations des Nations Unies, l’Espagnol Miguel Angel Moratinos, qui a appelé dans un communiqué "au respect mutuel de toutes les religions et croyances".
De façon générale, la position française a été assez mal perçue à l’étranger (voir par exemple la Bulgarie), notamment aux Etats-Unis, dont la presse a été fortement critiquée en France pour leur façon de présenter la situation : le New York Times a ainsi beaucoup choqué en intitulant son article "La police française tire et tue un homme après une attaque meurtrière au couteau" (titre qui a été changé depuis). Il est fréquent que les Américains peinent à comprendre la situation française.
Mais le président Macron, qui a défendu le droit à la caricature lors de l’hommage national rendu à Samuel Paty le 26 octobre, a suscité les critiques et les appels à boycott dans de nombreux pays à majorité musulmane. Le président s’est employé ensuite à expliquer sa position, défendant la liberté d’expression, disant comprendre que les caricatures puissent choquer mais réaffirmant que cela ne justifie aucune violence. Le ministère des Affaires étrangères a appelé de son côté à faire "cesser" ces manifestations qui proviennent d’une "minorité radicale".
Emmanuel Macron semble refléter l’opinion des Français sur le droit à caricaturer les personnages religieux, qui a évolué ces dernières années : 59% des Français estiment que les journaux avaient « raison » de publier ce type de caricatures « au nom de la liberté d’expression », alors qu’ils n’étaient que 38% de cet avis en février 2006 (enquête IFOP Les Français sont-ils encore Charlie ?).
Le 29 octobre, quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, une attaque au couteau dans une basilique de Nice a fait 3 morts.
Ces événements ont été le déclencheur d’actions fortes menées par l’Etat français, mesures qui s’inscrivent dans ce que le président Emmanuel Macron appelle la lutte contre les séparatismes dont il avait exposé les grandes lignes le 2 octobre dans un discours sur les séparatismes et la laïcité.
Ainsi, plus d’une cinquantaine de structures associatives accusées de liens avec le salafisme ou les Frères musulmans, dont le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France, association se donnant pour objectif de lutter contre les actes islamophobes), et l’ONG Baraka City, ont été dissous, ainsi qu’une cinquantaine de structures associatives. La mosquée de Pantin, accusée par les autorités d’avoir relayé des propos ayant conduit à l’assassinat de Samuel Paty, a été fermée pour 6 mois.
Un élément de l’assassinat de Samuel Paty passe de ce fait au second plan, alors qu’il soulève des questions tout aussi importantes : le rôle des réseaux sociaux. C’est en effet à la suite d’une dénonciation devenue virale sur les réseaux sociaux, accusation qui s’est révélée mensongère, que l’enseignant est devenu une cible.
Le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, a soumis mercredi 18 novembre au Conseil d’Etat une nouvelle proposition destinée à réprimer plus rapidement la diffusion de messages de haine dans l’espace public, notamment au travers des réseaux sociaux, ce que certains voient là encore comme une restriction de la liberté d’expression.
Liberté d’expression et liberté de religion, les questions soulevées par ces libertés ne semblent pas près de cesser.

Anne-Laure Zwilling
  • Novembre 2020 : Les évêques de l’Eglise catholique de France contre la pédophilie

La Conférence des évêques de France publie un 3e rapport sur ses actions de lutte et de prévention contre la pédophilie dans l’Église en France, à partir des données fournies par les diocèses. Les deux premiers étaient parus en janvier 2017 et octobre 2018.
En 2016, la Conférence des évêques avait ouvert un site dédié à la lutte contre la pédophilie dans l’Eglise catholique, scandale majeur depuis des années (voir les débats actuels d’Eurel en 2016 et 2019).

Télécharger le rapport

Anne-Laure Zwilling
  • Février 2020, "l’affaire Mila"

Au début de l’année 2020, un incident a embrasé les réseaux sociaux, suscitant un court mais intense débat national.
A l’origine de cela, les propos d’une adolescente, Mila, contre l’islam et les musulmans. La jeune fille, qui s’affiche comme lesbienne rejette les avances d’un autre adolescent dans un échange sur son compte Instagram. Il l’insulte alors de façon raciste et homophobe. Les menaces ayant pris un tour religieux, Mila publie un message affirmant son rejet de toutes les religions. Cela suscite une vague de messages d’internautes furieux de cette « insulte à la religion ». Mila met alors en ligne une vidéo dans laquelle, en termes très crus, elle affirme son rejet et son mépris de l’islam.
A la suite de cela, l’adolescente a reçu une pluie d’insultes et de menaces, dont des menaces de mort, envoyées par des milliers d’utilisateurs d’Instagram, Twitter, et Snapchat. Ses informations personnelles, nom, adresse et numéro de téléphone, ont été rendues publiques. Les responsables de son établissement scolaire ont indiqué qu’il valait mieux, dans ces conditions et pour sa sécurité, que Mila ne se présente pas à son lycée les jours suivants. Mila changera ensuite d’établissement scolaire.

Le délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM) Abdallah Zekri a tenu sur Sud Radio des propos qui ont suscité une forte réprobation, notamment en disant "Qui sème le vent récolte la tempête". Peu après, le président du CFCM Mohammed Moussaoui apaise les tensions en tweetant que « rien ne saurait justifier les menaces de mort à l’égard d’une personne, quelle que soit la gravité des propos tenus. C’est la justice qui doit prononcer les sanctions prévues par la loi s’il y a provocation et incitation à la haine. » Il ajoutera dans un communiqué : « Nous devons accepter que l’islam soit critiqué y compris dans ses principes et fondements. […] La liberté d’expression est fondamentale. Elle est source d’enrichissement et de progrès par la diffusion d’idées et d’opinions qu’elle permet. Elle est le fondement de notre démocratie et le rempart contre toutes les formes d’aliénation. »
Plusieurs personnalités politiques s’expriment à leur tour sur ce sujet. La ministre de la Justice Nicole Belloubet veut soutenir Mila, en affirmant que les menaces de mort sont inacceptables en démocratie, mais a la maladresse de dire que "l’insulte à la religion est évidemment une atteinte à la liberté de conscience". Ceci est contraire à la loi française, comme le fera remarquer l’avocat Richard Malka : "le fondement de la liberté de conscience n’est pas d’interdire la critique ou même l’injure mais de protéger la liberté d’expression".
Le président de la République Emmanuel Macron réaffirmera à son tour le droit au blasphème et à critiquer les religions (voir par exemple Le Monde).

L’affaire a été abondamment médiatisée. De très nombreux internautes se sont également exprimés sur la question, certains condamnant les propos tenus par Mila avec le mot-clé #JeNeSuisPasMila, d’autres lui déclarant leur soutien avec #JeSuisMila.
En cela, ils sont l’illustration des résultats d’une enquête de l’institut IFOP, Les Français, l’affaire Mila et le droit au blasphème, qui révèle un pays partagé en deux sur cette possibilité de critiquer les religions : (50% des interviewés se disent favorables au droit de critiquer sans limites la religion, l’autre moitié y est opposée - voir FranceTv info).
Deux variables ont une importance particulière : l’âge et la religion. Ainsi, 59% des 18-24 ans et 51% des 25-34 ans estiment que l’insulte à la religion est une atteinte à la liberté de conscience, alors que cette opinion est minoritaire chez les plus de 35 ans. En ce qui concerne la religion, les musulmans sont 68% à assimiler l’injure envers une religion à une atteinte à la liberté de conscience, dont 46% sont "tout à fait d’accord".
C’est chez les 18-24 ans que l’opposition à la critique des croyances et des dogmes est la plus forte : seuls 41% défendent le "blasphème" (contre 31% dans les autres catégories d’âge). On peut y voir l’influence de la manière américaine de voir les choses ; l’importance des jeunes dans l’appartenance religieuse musulmane joue probablement également un rôle.
Selon l’enquête de l’IFOP, 30% de Français seraient d’accord avec l’affirmation d’Abdallah Zekri ("Qui sème le vent récolte la tempête"), 44% avec la ministre de la Justice ("l’insulte à la religion est évidemment une atteinte à la liberté de conscience").

A la suite de cette affaire, deux enquêtes ont été ouvertes : l’une contre Mila, pour appel à la haine, sera classée sans suite. Selon le procureur de la République, les propos diffusés exprimaient une opinion personnelle à l’égard d’une religion, mais sans volonté d’exhorter à la haine ou à la violence. L’autre plainte, pour appel au meurtre, est en cours.

La question de fond que soulève l’affaire Mila, comme l’avaient fait les caricatures de Mahomet et l’attaque terroriste du journal Charlie Hebdo (ou encore d’autres affaires plus anciennes et peut-être moins médiatiques, une publicité de Volkswagen pour la Golf en 1998 de l’agence DDB Paris, ou la publicité de Benetton montrant deux religieux s’embrassant sur la bouche), est celle de ce que l’on appelle le droit au blasphème, de façon impropre puisqu’en réalité, seuls les croyants peuvent évoquer un blasphème, et que cette notion n’existe plus en droit français. Il s’agit en réalité du droit de critiquer les religions, leurs symboles ou leurs convictions, même si c’est de manière extrême et choquante. Il semblerait qu’en France, l’unanimité soit loin d’être faite sur cette question.

À consulter sur ce sujet :
 des articles de journaux : Francetv info, Marianne, 20 minutes, Le Monde.
 L’enquête de IFOP pour Charlie Hebdo, février 2020, Les Français, l’affaire Mila et le droit au blasphème
 Un livre : #JeSuisMila #JeSuisCharlie #NousSommesLaRépublique, 50 personnalités s’expriment sur la laïcité et la liberté d’expression, Seramis, 2020

Anne-Laure Zwilling
  • Janvier 2020 : l’antisémitisme en France

Au cours de l’année 2019, différentes agressions et insultes antisémites, des cimetières israélites profanés en Alsace, ont rappelé que l’antisémitisme est loin d’avoir disparu en France.
Il apparaît pourtant que, dans l’ensemble, les préjugés diminuent : une enquête de 2016 (Ipsos pour la CNCDH) révèle que, bien que les stéréotypes négatifs persistent, les juifs sont la minorité la mieux acceptée en France : 85 % des sondés estiment que les juifs sont "des Français comme les autres" ; en 1946, seulement un tiers des sondés exprimaient leur accord avec cette idée. 86 % des sondés estiment qu’il faut condamner les propos antisémites. Un autre sondage (Ifop pour l’Union des étudiants juifs de France et Sos racisme), qui exprime des résultats analogues, montre également que seulement 2 % des interviewés réagissaient négativement en apprenant qu’une personne de leur entourage était juive. La tolérance religieuse a globalement progressé.
Même si l’on peut se réjouir du progrès réalisé, il faut constater qu’une part de la population demeure dans l’intolérance. Il est problématique que 14 % de personnes trouvent normal d’exprimer des propos antisémites, ou même que quiconque puisse considérer un membre d’une minorité quelle qu’elle soit autrement que comme un-e Français-e "comme un-e autre".
Les attentats de 2015 avaient attiré l’attention sur les agressions commises envers les juifs, qui ne suscitent peut-être pas toujours autant d’indignation qu’ils ne le méritent. Ces actes antisémites, après avoir connu une hausse sensible depuis les années 2000, avaient marqué en 2017 une légère diminution, pour augmenter à nouveau en 2019. Chaque année, un certain nombre de personnes de confession juive préfèrent de ce fait émigrer en Israël, bien que les chiffres fournis soient à interpréter avec précaution.
Les motivations des agresseurs ne sont pas toujours faciles à cerner : il peut y avoir une combinaison à des degrés divers de conviction politique, haine religieuse, ou recherche de célébrité.
Il serait faux de croire, cependant, qu’une hausse généralisée d’actes et d’opinions racistes et xénophobes se fait en France dans l’indifférence générale une. En 2014, il a été créé une Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme et l’Antisémitisme (DILCRA) ; et les récentes déclaration du ministre de l’Intérieur Christophe Castaner annonçant la création d’un office national de lutte contre la haine auprès du directeur général de la gendarmerie nationale témoignent de la volonté du gouvernement de s’engager contre les intolérances.
En février 2019, les profanations de synagogues avaient suscité de nombreuses réactions, notamment des marches contre l’antisémitisme, et les responsables des cultes avaient publié une Déclaration commune des religions et spiritualités contre l’antisémitisme. En Alsace, des bénévoles (souvent membres du réseau Veilleurs de mémoire créé par l’ancien pasteur Philippe Ichter aujourd’hui chargé des relations avec les cultes pour les départements alsaciens), se mobilisent pour tenter de lutter contre ces actes chargés de haine.

- Eric Keslassy, De l’antisémitisme en France. Institut Diderot, 2015.
 Jérôme Fourquet, Sylvain Manternach et Michel Wieviorka, L’an prochain à Jérusalem ? Les Juifs de France face à l’antisémitisme. Paris : Fondation Jean Jaurès, 2016.
 Emmanuel Debono, Le racisme dans le prétoire. Antisémitisme, racisme et xénophobie devant la loi. Paris : P.U.F., 2019.
 Georges Benayoun, documentaire Chronique d’un antisémitisme aujourd’hui, 2020.

Anne-Laure Zwilling
  • Mars 2019 : L’Eglise catholique en difficulté du fait d’affaires de violence et d’abus sexuels

L’Eglise catholique romaine est confrontée depuis plusieurs décennies, dans de nombreux pays, à une situation difficile, celle des révélations sur les viols, abus, violences sexuelles et actes de pédophilie commis dans l’Eglise. De nombreuses révélations ont récemment donné encore plus d’ampleur à ces questions, et l’Eglise catholique romaine a d’ailleurs consacré un sommet à ces questions au Vatican le 24 février 2019.
En France, le sujet est présent dans les débats sociaux depuis plusieurs années déjà. La Conférence des évêques de France a réalisé en 2017 et actualisé en 2018 un rapport sur la lutte contre la pédophilie dans l’Église.
Ces dernières semaines, le débat a pris une nouvelle ampleur, avec plusieurs nouvelles révélations : une institution d’éducation gérée par une communauté catholique traditionaliste (village d’enfants de Riaumont, à Liévin, Pas-de-Calais), est soupçonnée de maltraitances sur des enfants (voir l’article dans Libération). L’ouvrage Sodoma de Frédéric Martel, consacré à l’homosexualité dans le clergé catholique, et plus récemment, un documentaire intitulé Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Eglise (Eric Quitin et Marie-Pierre Raimbaud), ont ajouté de nouvelles questions. Enfin, tout récemment, le cardinal Barbarin, archevêque de Lyon, a été condamné à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les agressions d’un prêtre sur des enfants (Le Monde). Le cardinal a annoncé qu’il allait remettre sa démission au Pape (Le Figaro).
Une commission a été chargée en novembre dernier par la Conférence des évêques de France d’enquêter sur les abus sexuels sur mineurs dans l’Eglise catholique française depuis les années 1950. La Commission comprend 22 membres, 10 femmes et 12 hommes comprend des croyants de différentes confessions ou des non-croyants, athées ou agnostique, mais ni prêtre ni religieux, ni aucune personnalité impliquée (France Inter, Le Figaro, La Vie).

Anne-Laure Zwilling
  • Février 2019 : L’antisémitisme en France

La France connaît depuis plusieurs mois un important mouvement de contestation sociale (mouvement dit des « gilets jaunes »). Il apparaît de plus en plus que ce mouvement est l’occasion pour certains de formuler des messages de haine contre les juifs.
Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a indiqué lundi 11 février qu’en 2018, le nombre des actes antisémites avait augmenté de 74 %, passant de 311 à 541 (Le Monde). Bien que la réalité de ces actes soit difficile à mesurer précisément (Le Monde), il reste clair que la proportion d’actes violents devient plus importante que celle des insultes et menaces, et que les préjugés antisémites sont malheureusement répandus (voir l’enquête IFOP de 2016).
Le gouvernement avait pourtant affirmé son intention de mieux s’impliquer dans le combat contre le racisme et l’antisémitisme, notamment sur internet. Les responsables des cultes et des organisations laïques ont appelé à une marche contre l’antisémitisme le mardi 19 février (Francetv info).

Référence : Avia Laetitia, Amellal Karim, Taieb Gil, Rapport au Premier ministre sur le renforcement de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet, 21 Septembre 2018.

Anne-Laure Zwilling
  • Avril 2016 : L’Église catholique et les affaires d’agressions sexuelles sur mineurs

Une affaire de pédophilie a suscité récemment en France une importante agitation médiatique ; au-delà de l’indignation légitime suscitée par ces informations, cette affaire pose la question de la responsabilité de la hiérarchie de l’Église.
Le prêtre Bernard P., qui a reconnu avoir commis des agressions sexuelles entre 1986 et 1991, a été mis en examen en janvier 2016 ; les magistrats ayant jugé que ces fait de pédophilie n’étaient pas prescrits. Une association de victimes a alors porté plainte, affirmant que Mgr Barbarin, nommé en 2002 cardinal-archevêque de Lyon, avait eu connaissance des agissements pédophiles de ce prêtre de son diocèse sans le signaler à la justice, et l’a laissé continué d’exercer en contact avec des enfants. On évoque aussi des agissements de même ordre commis par un autre prêtre, Jérôme B., dont Mgr Barbarin aurait également eu connaissance entre 2007 et 2009. Mgr Barbarin est donc sous le coup d’une enquête préliminaire pour non-dénonciation d’atteintes sexuelles sur mineur (voir Le Monde et Libération).
Depuis, d’autres affaires de religieux accusés de pédophilie ou d’agressions sexuelles sont venues ou revenues à la surface dans le diocèse de Lyon. L’agitation médiatique a été augmentée par les déclarations du Premier ministre Manuel Valls appelant l’archevêque de Lyon à « prendre ses responsabilités », et celles de la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem. Le cardinal Philippe Barbarin a affirmé en réponse qu’il n’avait « jamais couvert le moindre acte de pédophilie ».
Cette polémique affecte l’image de l’Église catholique, notamment en révélant que des mécanismes défensifs peuvent y être encore à l’œuvre, faisant parfois primer la protection de l’institution sur la prise en compte des victimes. Pourtant, la non-dénonciation de tels faits fait encourir une peine de trois ans de prison ; en 2001, l’évêque d’un prêtre condamné pour viols et agressions sur mineurs avait été condamné pour sa part à trois mois de prison avec sursis pour  non-dénonciation de crime et d’atteinte sexuelle sur mineurs de 15  ans. La Conférence des évêques de France avait affirmé dès 2003 l’obligation pour tous, y compris les responsables de l’Église, de dénoncer un fait d’agression sexuelle dont ils auraient connaissance, dans une broche intitulée Lutter contre la pédophilie rééditée en 2010. Des progrès sont cependant encore à faire et le conseil permanent de la Conférence des évêques de France s’est saisi du problème. Elle a annoncé en avril un ensemble de mesures destinées à prévenir les dérives pédophiles dans l’Église catholique et à améliorer la prise en charge de ces faits. Une commission nationale d’expertise contre la pédophilie a également été créée par l’Église catholique.

Voir sur ce sujet un article de Stéphane Joulain, "La pédophilie dans l’Eglise catholique : un point de vue interne", Esprit, octobre 2011, p. 28-39.

Anne-Laure Zwilling
  • 11 octobre 2010 : Promulgation de la loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public

La loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public est publiée au Journal officiel.
Faisant suite aux travaux de la la Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national (voir débats actuels automne 2009), cette loi vise notamment à interdire le voile intégral dans tous les espaces publics (voies publiques, lieux ouverts au public et lieux affectés à un service public).
Le non respect de cette interdiction sera sanctionné d’une amende d’un montant maximal de 150 euros, à laquelle peut s’ajouter ou se substituer l’obligation d’effectuer un stage de citoyenneté.
La loi réprime par ailleurs le fait pour toute personne "d’imposer à une ou plusieurs autres personnes de dissimuler leur visage par menace, violence, contrainte, abus d’autorité ou abus de pouvoir, en raison de leur sexe" (un an d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende).

D 19 octobre 2023    AAnne Lancien AAnne-Laure Zwilling


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