2022
- Janvier 2022 : Votation sur le « Mariage pour tous » en Suisse : une faible opposition religieuse
Le référendum sur le « mariage civil pour tous » en Suisse a eu lieu le 26 septembre 2021. Il était demandé à la population de se prononcer sur une modification du Code civil visant à légaliser le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe, et la « procréation médicalement assistée » pour les couples de femmes (mais pas pour les femmes seules). Il a été approuvé à une large majorité de 64,10 % des suffrages exprimés et à l’unanimité des cantons. Son entrée en vigueur aura lieu le 1er juillet 2022. Avec ce « oui » dans les urnes, la Suisse rejoint la trentaine de pays dans le monde qui a déjà ouvert le mariage civil aux couples homosexuels, et les 7 pays européens qui autorise la PMA pour les couples lesbiens.
En Suisse, toute modification de la loi fédérale peut être sujette à une consultation populaire. Lorsqu’une nouvelle loi ou une révision législative est votée à la majorité du parlement et publiée, toute personne opposée à son entrée en vigueur dispose d’un délai de cent jours pour récolter 50 000 signatures de citoyen-ne-s suisses contre. Le cas échéant, la loi est soumise à un référendum et n’entre en vigueur que si la majorité des votant-e-s se prononce favorablement.
Le texte de loi voté par le parlement fédéral le 18 décembre 2020 est publié dans la Feuille fédérale le 31, déclenchant ainsi le délai de cent jours pour la récolte des signatures. Deux comités distincts sont à l’initiative : le premier, mené par l’Union Démocratique Fédérale, s’intitule « Non au mariage pour tous » et le second, mené par des parlementaires de l’Union démocratique du centre (UDC) et du parti Le Centre, rejoints par le Parti Evangélique Suisse, s’intitule « Non au don de sperme pour les couples de même sexe ». Un troisième comité se lance plus tard, intitulé « Non à l’enfant-marchandise », constitué essentiellement de députés UDC valaisans. Le 12 avril 2021, les opposants au « mariage civil pour tous » annoncent déposer à la Chancellerie fédérale 59 176 signatures certifiées. Le 27 avril 2021, celle-ci constate formellement l’aboutissement du processus, déclenchant la mise à la votation de la loi adoptée par le parlement. Le 19 mai, le Conseil fédéral fixe la date de la votation au 26 septembre 2021.
En discussion au parlement fédéral depuis 2013 à l’initiative du parti des Vert’libéraux, ce projet de loi s’est vu opposé les principaux partis se revendiquant d’inspiration chrétienne du pays. Mais durant la campagne référendaire, les organisations chrétiennes se sont, quant à elles, révélées peu mobilisées et aucune n’a menacé de prendre la rue. Si la démarche référendaire a été ouvertement soutenue par le Réseau évangélique suisse, l’Église évangélique réformée s’est prononcée pour le « oui » (certaines de ses composantes pratiquant déjà les bénédictions des couples de même sexe), quant à la Conférence des évêques suisses, elle s’est faite discrète dans son opposition, contrairement à l’épiscopat français 9 ans plus tôt. « C’était notre hantise que cela se passe comme ça s’est passé en France » déclare Mehdi Künzle, président de l’association vaudoise Vogay mobilisée en faveur du « oui », au magazine Têtu. Le contre-exemple français, l’habitude du pluralisme religieux, le fait que les grandes organisations chrétiennes soient tenues par leur reconnaissance publique dans la majorité des cantons, une tradition protestante historiquement hégémonique beaucoup moins crispée sur les questions de genre et de sexualité que le catholicisme, et une certaine idée du respect des droits individuels dans un pays libéral-conservateur, ont sans doute joué en faveur de cette relative acceptation religieuse de ce nouveau pas vers l’égalité entre les sexes et les sexualités.