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2019

  • Premier semestre 2019 : les relations entre l’Église et l’État en Grèce.

En Grèce, de nombreuses personnes s’attendaient à ce que l’accord entre le Premier ministre Tsipras et l’archevêque Hieronymus sur la rémunération des 10 000 prêtres orthodoxes mette fin au statut de fonctionnaire des ecclésiastiques, et apporte également des changements dans les relations entre l’Église et l’État. En outre, une première étape a été franchie pour la création d’un fonds qui serait établi par l’Église orthodoxe de Grèce et l’État grec pour administrer les biens fonciers, dont le statut de propriété a été contesté entre l’État et l’Église. Globalement, cet accord est considéré comme un premier pas vers la séparation de l’Église et de l’État en Grèce, en relation avec la révision constitutionnelle actuellement en discussion. L’article 3 de la Constitution grecque fait référence à l’Église orthodoxe orientale comme étant la "religion dominante en Grèce". L’administration Syriza a proposé de réformer l’article 3 en établissant la clause suivante : "L’expression ’religion dominante’ ne reconnaît pas de religion d’État officielle". Cependant, la réunion de toute la hiérarchie de l’Église de Grèce a rejeté l’accord Tsipras-Hieronymus et le Saint-Synode a décidé de poursuivre le dialogue État-Église.

Le changement de statut des prêtres travailleurs orthodoxes reste toujours une ligne rouge pour l’Église orthodoxe. En outre, la hiérarchie souhaite poursuivre le dialogue sur les biens ecclésiastiques d’une manière différente : l’Église estime en effet qu’elle n’a pas été pleinement indemnisée pour ses propriétés expropriées dans le passé. L’Église orthodoxe de Grèce souhaite également poursuivre le dialogue sur le statut de fonctionnaire des prêtres, ainsi que sur l’augmentation du nombre de clercs.

Enfin, l’Église orthodoxe exprime son opposition aux propositions constitutionnelles du gouvernement sur la neutralité religieuse. Le ministre de l’Éducation n’a pas promis que le gouvernement procéderait unilatéralement au dépôt d’un projet de loi. En revanche, il a attaqué l’association du Saint-Clergé qui a laissé entendre que les choix du gouvernement Syriza affecteraient le vote du clergé lors des prochaines élections nationales.

Une autre question qui mérite d’être mentionnée est celle de la crémation en Grèce. L’archevêque Hieronymos a déclaré que l’Église a le devoir de sauvegarder la foi orthodoxe et a assuré que les inhumations auront toujours lieu. La crémation a été légalisée en Grèce en 2006. Plus de 10 ans plus tard, cependant, aucune crémation n’a eu lieu en Grèce, car aucun crématorium n’a encore été construit. Toutefois, malgré l’opposition de l’Église de Grèce, le premier crématorium de Thessalonique est en cours de construction dans le premier cimetière municipal de Thermi (Thessalonique).

Enfin, les modifications du Code pénal ont créé un nouveau conflit entre l’Église et l’État en Grèce, même si le ministre de la Justice Michalis Kalogirou a insisté sur le fait que les projets de code ne sont pas des textes définitifs. L’Église semi-autonome de Crète a exprimé sa forte opposition aux changements, en particulier à l’abolition proposée des articles 198, 199 [200] et 201. L’article 198 fait référence au blasphème malveillant. Il énonce au paragraphe 1 que "quiconque blasphème Dieu publiquement et malicieusement, par quelque moyen que ce soit, sera puni d’une peine d’emprisonnement de deux ans au maximum". En outre, selon l’article 199, "quiconque blasphème publiquement et avec malveillance, par quelque moyen que ce soit, l’Église orthodoxe orientale ou toute autre religion tolérée en Grèce, est passible d’une peine d’emprisonnement de deux ans au maximum". L’article 200 dispose, au paragraphe 1, que "quiconque tente malicieusement d’entraver ou perturbe intentionnellement une assemblée religieuse pour un service ou une cérémonie autorisés [...] est passible d’une peine d’emprisonnement de deux ans maximum". Enfin, l’article 201 sur la profanation des cadavres dit que "celui qui enlève volontairement un cadavre, des parties de cadavre ou les cendres des morts à ceux qui en ont la garde légitime, ou celui qui commet un délit contre un cadavre ou agit de façon blasphématoire et inconvenante envers une tombe sera puni d’un emprisonnement de deux ans maximum".

Sources :
 Parlement hellénique, Commission des affaires culturelles et éducatives, Actes (2019).
 Déclarations du Saint Synode de l’Église de Grèce (2019).
 Déclarations du Saint synode éparchial de l’Église de Crète (2019).

Emmanouil Chalkiadakis
  • Février 2019 : Accord Tsipras - Hiéronymus sur la rémunération des prêtres orthodoxes.

En cas de mise en œuvre, le projet d’accord entre le Premier ministre grec Alexis Tsipras et l’archevêque Hiéronymus de l’Église orthodoxe de Grèce (EOG) mettra fin au statut de fonctionnaire des clercs et apportera des changements dans les relations entre l’Église et l’État en Grèce. En particulier, près de 10 000 prêtres orthodoxes et 100 métropolitains et évêques ne seront plus considérés comme des fonctionnaires. Toutefois, l’État grec continuera à payer indirectement le salaire du clergé, conformément à un accord de 1939. Celui-ci est interprété comme indiquant que l’État grec a rémunéré l’Église pour l’expropriation de ses biens. D’autre part, l’État pourra embaucher le nombre dit d’employés dans divers bureaux, couvrant ainsi les besoins importants de l’administration en capital humain, tout en réduisant les lourds taux de chômage. Selon le projet d’accord, les prêtres seront payés à partir d’un fonds de 200 millions d’euros, que l’EOG recevra annuellement de l’État grec. L’Église de Grèce sera responsable de la distribution des salaires. En bref, l’État continuera à subventionner les salaires de 10 000 ecclésiastiques, mais ceux-ci ne seront plus officiellement inscrits sur la liste des salariés de l’État avec le statut de fonctionnaires. En outre, un nouveau fonds sera créé par l’EOG et l’État grec pour administrer les propriétés foncières, dont le statut de propriété a été contesté entre l’État et l’EOG. Ce fonds est censé être dirigé par un conseil de cinq membres (deux nommés par l’EOG, deux par l’État et un en consultation).
Dans l’ensemble, cet accord est considéré comme un premier pas vers la séparation de l’Église et de l’État en Grèce, étant lié à la révision constitutionnelle actuellement en discussion. L’article 3 de la Constitution grecque fait référence à l’Église orthodoxe orientale comme étant la "religion dominante en Grèce". L’administration Syriza a proposé de réformer l’article 3 en ajoutant la clause suivante : "le terme ’religion dominante’ ne reconnaît pas de religion d’État officielle".
Cependant, la réunion de toute la hiérarchie de l’Église de Grèce a rejeté l’accord Tsipras-Hieronymus et le Saint-Synode a décidé de poursuivre le dialogue État-Église. En particulier, un segment important de la hiérarchie a présenté ses objections, fondées sur la perception que certains des clercs ne seront plus payés par l’État, et rejette la participation de l’État dans le fonds qui utilisera les biens de la prétendue Église. Il a été suggéré que la position de certains des prélats opposants était motivée par des considérations politiques.
Le principal problème de l’accord Tsipras-Hieronymus est qu’il ignore le statut ecclésiastique particulier de l’Église orthodoxe en Grèce, car l’archevêque Hieronymus n’est pas le seul représentant de l’Église orthodoxe dans l’État grec. Il existe plusieurs diocèses en Grèce, dans les territoires qui ont fait partie de l’État grec après les guerres des Balkans (1912-1913), connus sous le nom de "Nouvelles terres". La plupart de ces diocèses sont administrés comme faisant partie de l’Église de Grèce pour des raisons pratiques, mais le Patriarcat œcuménique a une juridiction ecclésiastique sur ces "Nouvelles terres". En général, la Crète (Église semi-autonome, depuis 1900), le Dodécanèse, le Mont Athos et les diocèses de la Grèce du Nord sont sous la juridiction du Patriarcat œcuménique de Constantinople. Le patriarche œcuménique Bartholomée s’est inquiété de cet accord, car il n’en a pas été informé à l’avance.
Actuellement, l’administration Syriza poursuit le dialogue avec les parties intéressées, y compris le Patriarcat de Constantinople. Les principales questions en discussion sont les suivantes :
1. L’inclusion du Patriarcat de Constantinople et de l’Église de Crète dans l’accord, c’est-à-dire la manière de subventionner les salaires du clergé sous leur juridiction.
2. La gestion du fonds créé et l’établissement d’un cadre réglementaire qui garantirait le paiement du clergé, tout en bloquant la possibilité d’une mauvaise administration par la haute hiérarchie.
3. La gestion du fonds immobilier, c’est-à-dire son cadre réglementaire, les propriétés sous sa supervision, etc.
La réalisation d’un accord final, du moins dans un avenir proche, est une question ouverte. Cela est principalement dû au fait que les élections générales sont prévues pour 2019, et qu’il est très improbable que l’administration Syriza choisisse d’établir l’agenda électoral sur une question, qui est considérée comme une "signature" du parti de droite conservateur de Nouvelle Démocratie.

Emmanouil Chalkiadakis, Konstantinos Papastathis

D 3 juin 2019    AEmmanouil Chalkiadakis AKonstantinos Papastathis

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