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Danemark

  • Mai 2019 : abattage rituel

Le débat sur l’abattage rituel au Danemark s’inscrit dans une double perspective. D’une part, le Danemark est un important producteur de produits carnés pour plusieurs pays musulmans (Émirats arabes unis, Iran, Malaisie, Indonésie, Arabie Saoudite, ainsi que plusieurs pays d’Afrique du Nord). D’autre part, le débat sur le bien-être animal est très ancré au sein de cet État membre de l’UE, où le règlement n° 1099/2009 du 24 septembre 2009 vise à « éviter la douleur et atténuer [...] la détresse et la souffrance des animaux pendant l’abattage ou la mise à mort » (article 2). Pour répondre à cette préoccupation, l’abattage sans étourdissement a été interdit par le décret 135 publié le 14 février 2014, en vertu duquel :
 l’abattage des bovins, moutons, chèvres et poulets doit avoir lieu dans un abattoir ;
 l’abattage doit être signalé à l’administration vétérinaire et alimentaire du Danemark ;
 l’abattage doit comprendre la section manuelle ou mécanique des deux veines jugulaires et des artères carotides à l’aide d’un outil tranchant immédiatement après l’étourdissement de l’animal, pour lui permettre de mourir d’une hémorragie.

Un certain nombre d’exigences plus spécifiques existent, notamment l’autorisation sous certaines conditions d’un instrument d’étourdissement non pénétrant (par exemple, pas pour les bovins de moins de 8 mois et les taureaux de plus de 24 mois) et l’immobilisation des bovins debout dans un box. Le règlement n’a pas modifié les conditions de base de l’abattage des poulets, pour lesquels l’étourdissement était déjà obligatoire en vertu du règlement 583 du 6 juin 2007, bien que l’abattage des poulets sans étourdissement ait été autorisé par le précédent règlement 1037 du 14 décembre 1994.

Le décret 135 a été perçu par certains comme interdisant l’abattage casher et halal, de sorte qu’il a été vivement critiqué par un certain nombre d’organisations musulmanes importantes, notamment Danish Halal, qui dit représenter 53 organisations musulmanes, ainsi que par la communauté juive. Plusieurs médias internationaux se sont fait le relais de cette critique (voir The Independant et The Guardian), mais la plupart des articles publiés par la presse ont omis deux détails importants. D’abord, si l’abattage de bovins et d’ovins sans étourdissement pouvait être pratiqué avant la publication du décret 135, ce n’était qu’en vertu d’une exception à la loi générale, et personne n’avait demandé à bénéficier de cette dérogation depuis de nombreuses années. En fait, aucun abattage sans étourdissement n’a été pratiqué depuis la faillite en 2004 d’un abattoir de Slagelse, qui abattait de la viande halal et casher.

Ensuite, le décret établit en réalité des règles pour l’abattage religieux, soulignant que celui-ci requiert un étourdissement préalable et que la viande provenant d’animaux abattus conformément à la réglementation sur les rituels religieux est censée être vendue à une population qui demande de la viande abattue conformément à des rituels religieux.

Le décret 135 tente ainsi de trouver un compromis entre les intérêts du Danemark en matière d’exportation et les considérations quant au bien-être animal. Il interdit de manière efficace l’abattage selon les règles casher, mais se place au milieu d’un conflit de longue date entre les musulmans danois sur ce qui constitue la viande halal.

Conflits sur la définition du terme « halal »

Danish Halal est une entité créée il y a quelques années, sous prétexte que le contrôle effectué par le Islamic Cultural Center, l’organisation musulmane de certification halal pour les exportations danoises visant à s’assurer que la viande halal l’était bien, n’était pas légitime. Le problème était qu’à plusieurs reprises, Islamic Cultural Center avait accepté le recours à des instruments d’étourdissement pénétrants. L’organisation a par la suite modifié sa description des procédures halal valables pour préciser que seul l’étourdissement non pénétrant est acceptable dans l’islam. Le décret 135 a remis cette discussion au cœur des débats. Ben Yones Essabar, président de Danish Halal et membre du conseil d’administration d’Islamisk Trossamfund, l’une des plus grandes mosquées du Danemark, a en effet affirmé que si l’animal est étourdi, il ne s’agit pas d’un abattage halal et que les musulmans ne devraient pas manger cette viande. L’imam de l’Islamic Cultural Center, Khalil Jaffar Mushib, a pour sa part déclaré que ce type d’étourdissement est acceptable et respecte les règles de l’abattage halal, soulignant qu’une fatwa rendant l’abattage avec étourdissement acceptable comme halal avait été émise il y a plusieurs années. Danish Halal a recueilli 20 000 signatures (sur une population d’environ 300 000 personnes) contre le décret 135, mais en vain. L’histoire de la prétendue interdiction de l’abattage rituel au Danemark a fait le tour du monde.

La reprise de l’article en 2015 dans le Times Magazine, qui l’a présenté par erreur comme un nouvel article (Andreasen 2015), reflète la grande importance émotionnelle et symbolique que revêt l’interprétation de l’abattage rituel.

Source : Andreassen, Andreas Marckmann 2015 ”TIME retter fejl om dansk halal- og kosher-forbud”, Journalisten, 31.07.2015.

D 17 mai 2019    ALene Kühle

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