eurel     Données sociologiques et juridiques sur la religion en Europe et au-delà

2018

  • Octobre 2018 : Naturalisation refusée pour une poignée de main

En juillet 2018, un couple de religion musulmane s’est vu refuser la nationalité suisse en raison de leur refus de serrer la main et de leur réticence à s’adresser à une personne du sexe opposé lors de leur audition. En effet, en Suisse, la procédure de naturalisation implique un entretien avec des officiels de la municipalité, visant à évaluer si les critères d’« intégration » dans le pays sont remplis. La municipalité de Lausanne, représentée par le syndic de Lausanne, a estimé que « ne pas serrer la main à des personnes de sexe opposé ni répondre à leurs questions s’inscrivait en contradiction avec le principe d’égalité entre les hommes et les femmes ».

La décision de la municipalité a provoqué de vives réactions, tant au niveau national que dans la presse internationale, que ce soit pour contester ce choix ou l’applaudir. Les commentaires gravitent autour de la question de la place des convictions religieuses (et plus spécifiquement musulmanes) et de leur tolérance dans les procédures de naturalisation. Les critères pour l’obtention de la nationalité suisse laissent en effet une marge d’interprétation passablement importante pour les examinateurs.

Anaïd Lindemann
  • Septembre 2018 : Cartographie de la diversité religieuse dans le canton de Vaud

Le Centre intercantonal d’information sur les croyances (CIC) a mené entre 2017 et 2018 un projet visant à localiser les communautés religieuses et spirituelles du canton de Vaud. L’équipe de sociologues y participant a ainsi recensé et documenté près de 800 communautés. Ce projet de cartographie permet de dresser un état des lieux de la présence religieuse et spirituelle sur le territoire.

Les résultats ne sont pas encore disponibles mais une exposition de photographies prises par des étudiant-e-s de l’Ecole d’art de Lausanne occupe actuellement les salles de l’espace Arlaud. Un projet identique avait déjà été mené entre 2012 et 2014 dans le canton de Genève, dont les résultats sont accessibles sur le site internet. Tout comme la cartographie genevoise, un site internet vaudois comprendra notamment une carte interactive du canton avec la possibilité de localiser les lieux de culte accompagnée d’informations sur celles-ci.

Anaïd Lindemann
  • Août 2018 : L’Université de Genève propose une formation pour les imams

A l’automne 2018, l’Université de Genève proposera pour la seconde année consécutive une formation sélective d’un an destinée aux imams suisses et principalement axée sur la connaissance du contexte dans lequel ils travaillent.

Sur l’année 2017, seuls 2 participants sur six ont validé cette formation exigeante. Structurée en deux semestres (langue française et décodage socio-culturel puis culture et société suisses), elle implique une validation du premier pour pouvoir être admis au second. Tout l’enjeu de la première partie de la formation est de permettre aux participants de comprendre la pluralité des sens de certains termes selon les contextes et les langues, et de trouver les enseignants capables de maîtriser ces différents contextes. La seconde partie de la formation n’a pas pour but de fournir des cours de théologie islamique mais davantage de permettre aux participants de comprendre avec quelle méthodologie celle-ci se construit en Suisse, à l’image notamment de la théologie protestante.
Le défi consiste à la fois à stabiliser l’équipe enseignante et à recruter des participants disponibles et intéressés par ce qui s’apparente pour eux davantage à ouverture mais aussi une profonde remise en question, parfois peu facile à mettre en oeuvre au sein de leurs propres communautés, encore très traditionnelles.
La formation a été largement scrutée à l’étranger, notamment en France, avec qui des synergies pourraient être mises en place. En Suisse, pays pour le moment encore préservé des attentats islamistes, le projet a principalement été vu et présenté comme une manière de lutter contre l’extrémisme.

Camille Andres
  • Février 2018 : Zurich : engagement d’aumonier.ère.s musulman.e.s

En Suisse, l’aumônerie chrétienne est assurée et financée par les Eglises nationales. En revanche, les services d’aumônerie musulmane devant être dispensés par les organisations musulmanes (non reconnues), ils sont généralement accomplis de manière bénévoles et à temps partiel. Deux développements en 2018 ouvrent la question du statut de ces aumôneries musulmanes.

D’une part, un aumônier musulman a été engagé à plein temps par un pénitencier à Zurich (Pöschwies) pour la première fois en Suisse. Ce premier imam fonctionnaire est également le premier étudiant musulman inscrit au Certificate of Advanced Studies (CAS) en aumônerie à l’Université de Berne, jusqu’alors réservé aux étudiant.e.s chrétien.ne.s.

D’autre part, un projet pilote d’aumôniers musulmans a été lancé dans un centre fédéral pour requérant.e.s d’asile, également à Zurich (Juch). Deux aumoniers et une aumonière musulmans travaillent dans ce centre hébergeant 300 requérant.e.s d’asile. Le projet pilote, lancé en 2016 par le Secrétariat d’Etat aux Migration (SEM), a été évalué très positivement en 2018 : le SEM recommande d’étendre cette nouvelle aumônerie à échelle nationale. Cependant, le projet a dû être interrompu, la base légale ne permettant pas de le financer.

La question du rôle des aumôniers musulmans dans certains établissements est donc relancée. Selon des experts, ces derniers remplissent trois rôles principaux : intermédiaires entre les cultures de part leur proximité linguistique et culturelle ; modèles incarnant un « islam compatible avec un Etat séculier » ; et prévenir la « radicalisation ».

Source principale : Le Temps.

Anaïd Lindemann
  • Février 2018 : Berne : un label pour les communautés religieuses

Dans le canton de Berne, le socialiste Mohamed Hamdaoui a déposé un postulat en février 2018 proposant l’instauration d’une charte religieuse. Non contraignante, elle serait signée par les communautés religieuses non soumises à la loi sur les Eglises nationales bernoises. La signature de ce document pourrait déboucher sur l’attribution d’un label ou d’un certificat qui atteste de l’engagement des signataires à respecter différentes règles, telles que :

 respecter strictement l’ordre juridique ;
 l’égalité entre hommes et femmes ;
 la transparence financière ;
 les ministres officiants connaissent au moins une langue nationale ;
 les ministres officiants aient suivi des cours d’instruction civique ;
 bannir toute forme d’appel à la haine ;
 favoriser l’intégration des fidèles dans la collectivité.

Cette proposition vise notamment à atténuer le climat de méfiance à l’égard de certaines communautés religieuses, et plus particulièrement musulmanes, ainsi qu’à faciliter les contacts avec la population.

Le Conseil exécutif bernois a accepté d’étudier cette proposition.

Source principale : cath.ch.

Anaïd Lindemann
  • Mars 2018 : Projet genevois de loi sur la laïcité

En raison du système fédéral suisse, chaque canton décide de la manière de régler la relation entre Etat et religions, tout en respectant les limites données par la Constitution. Dans le canton de Genève, considéré comme le plus laïc en Suisse, l’article 3.3 de la nouvelle constitution de 2012 dispose que « les autorités entretiennent des relations avec les communautés religieuses ». Des acteurs politiques ayant jugé cet article problématique, un groupe de travail sur la laïcité (GTL) s’est constitué en 2013 et a conclu que la relation entre Etat et religion ne respectait pas la laïcité. La Commission des droits de l’homme du Grand Conseil de Genève a alors soumis un projet de loi, débattu depuis le mois de février 2018.

Le projet de loi vise à donner une base légale de la laïcité de l’Etat et régler ses relations avec les différentes communautés religieuses. Ce projet a été débattu, article par article, à la session de février, débouchant sur 31 amendements de la part des membres du Grand Conseil. Il faudra probablement attendre deux autres sessions pour que chacun de ces amendements soit voté et le projet de loi adopté. Deux amendements sont particulièrement sensibles :

 Interdiction pour les élu.e.s du Grand Conseil (législatif cantonal) et des Conseils municipaux (délibérants communaux) de porter des « signes religieux ostentatoires » : dans le projet de loi, l’interdiction ne devait toucher que le pouvoir exécutif. La modification demandée a soulevé des débats, notamment parce que deux conseillères communales portent le voile. L’amendement a été accepté à la majorité.
 Suppression de la contribution religieuse volontaire organisée par les services de l’Etat dès l’entrée en vigueur de la Loi sur la laïcité : le projet de loi propose de la supprimer au bout de 10 ou 20 ans, afin de laisser le temps aux Eglises bénéficiaires de trouver d’autres modalités de perception. L’amendement proposant de la supprimer dès l’entrée en vigueur de la loi a été refusé par la majorité. Quant à la suppression dans 10 ou 20 ans, elle sera débattue à la prochaine session du Grand Conseil.

Source principale : Protestinfo.

Anaïd Lindemann

D 3 octobre 2018    AAnaïd Lindemann ACamille Andres

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