eurel     Données sociologiques et juridiques sur la religion en Europe et au-delà

2017

  • Juin 2017 : Vote du Bundestag en faveur du mariage pour les couples de même sexe

Les députés allemands ont adopté le 30 juin un projet de loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe à une large majorité (393 voix pour, 226 contre et 4 abstentions). Début juillet, le Bundesrat, la chambre haute du Parlement, a également donné son feu vert à l’adoption du projet de loi. L’Allemagne rejoint ainsi les vingt pays occidentaux qui ont déjà légalisé le mariage entre personnes de même sexe.
En s’alliant avec les Verts et la gauche radicale (Die Linke), deux partis politiques de l’opposition, et en imposant un vote sur la question du mariage pour tous, le parti social-démocrate (SPD), partenaire de la grande coalition au pouvoir, a pris de vitesse la chancelière Angela Merkel, qui avait envisagé initialement un vote après les prochaines élections législatives de fin septembre. Cette dernière a confirmé qu’elle avait voté contre le projet de loi.
En reconnaissant aux couples homosexuels les mêmes droits que les couples hétérosexuels, le projet de loi ouvre le droit à l’adoption par les couples homosexuels qui n’était guère possible jusqu’à présent. Le Bundestag avait adopté en 2001 une union civile offrant des droits équivalents au mariage, sauf pour certains avantages fiscaux et en matière d’adoption. L’Eglise protestante a salué le vote du Bundestag en faveur du mariage pour tous, tandis que l’Eglise catholique l’a déploré.

Pour en savoir plus : Spiegel.de, Faz.de, Zeit.de.

  • Juin 2017 : Inauguration d’une mosquée « libérale » à Berlin

Le 16 juin dernier, la mosquée Ibn-Rushd-Goethe a ouvert ses portes à Berlin. Le nom de cette mosquée fait référence à Ibn Rushd (1126-1198), Averroès de son nom latin, médecin, juriste et philosophe, qui incarne un islam éclairé, marqué par la volonté de concilier la foi et la raison, la philosophie et la Révélation, Aristote et le Coran, ainsi qu’à Goethe (1749-1832), dont l’engouement pour l’Orient est bien connu, comme en témoigne une de ses dernières œuvres, Le Divan occidental-oriental.
Cette mosquée « libérale » se veut ouverte à tous les courants religieux de l’islam, aux chiites comme aux sunnites, aux alévis et aux soufis. Hommes et femmes y prient côte à côte, les femmes peuvent y venir voilées ou non. Elle est provisoirement hébergée dans une ancienne salle de théâtre de la paroisse protestante St Johannis du quartier de Moabit. C’est Seyran Ates, une avocate germano-turque, née à Istanbul et ayant grandi en Allemagne, connue pour son combat en faveur des droits des femmes musulmanes, qui est à l’origine de ce projet. De 2006 à 2009, elle a participé en tant que personnalité musulmane indépendante à la Conférence allemande sur l’islam (Deutsche Islamkonferenz), une instance de dialogue entre acteurs étatiques et acteurs musulmans, créée en 2006 à l’initiative de Wolfgang Schäuble, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. Le jour de l’inauguration de la mosquée, Seyran Ates a assuré le prêche du vendredi. Ayant reçu des centaines de menaces de mort depuis lors, elle bénéficie d’une protection policière.
L’inauguration de cette mosquée a suscité des réactions d’hostilité parmi les musulmans. Le Président du Conseil islamique de RFA (Islamrat für die Bundesrepublik Deutschland), Burhan Kesici, a déclaré que la mosquée Ibn-Rushd-Goethe n’était pas une mosquée (le Conseil islamique de RFA, créé en 1986 à Berlin, rassemblait initialement des associations islamiques liées à la Turquie).
En Turquie, la Direction des affaires religieuses, le Diyanet, a tenté de jeter le discrédit sur la mosquée fondée par Seyran Ates, l’accusant d’être affiliée au mouvement Gülen. L’initiative est également source de divisions au sein de la paroisse protestante St Johannis, comme en témoigne la distribution de tracts hostiles au projet de mosquée, le jour de l’inauguration, par un groupe constitué de paroissiens « Citoyens actifs pour une Allemagne chrétienne » (Aktive Bürger Christliches Deutschland).

Pour en savoir plus : Der Tagesspiegel, Evangelische Kirchengemeinde Tiergarten, Spiegel.de.

  • Juin 2017 : Les conséquences de la décision de la Cour constitutionnelle fédérale du 27 janvier 2015 pour le Land de Berlin

Dans une décision du 27 janvier 2015, rendue publique en mars 2015, la Cour constitutionnelle fédérale a estimé que l’interdiction générale du foulard islamique n’était pas compatible avec la liberté de croyance et de religion inscrite dans la Loi fondamentale (Article 4, §1-2). Elle a ainsi réaffirmé l’importance des libertés et droits fondamentaux individuels et s’est prononcée en faveur du traitement égalitaire des religions et de la pluralité religieuse. Les juges de Karlsruhe ont estimé toutefois qu’une prohibition du foulard pouvait s’appliquer s’il existait un « danger concret » de remise en cause de la neutralité de l’Etat ou si le port du foulard venait perturber la paix scolaire ou le bon fonctionnement d’un établissement.
Loin de clore le débat ou de mettre fin à des conflits, la décision de la Cour constitutionnelle de janvier 2015 a soulevé des incertitudes et des questions quant à son application et ouvert la voie à une vague de recours devant les tribunaux, dans la mesure où huit Länder ont adopté depuis 2004 des législations prohibitives sur le port des signes religieux à l’école ou dans la fonction publique. Le Land de Berlin a fait savoir en 2015 qu’il ne voulait rien changer à sa loi de neutralité de 2005 interdisant à tous les agents de la fonction publique le port de signes religieux ostensibles. Il se voit néanmoins contraint à verser deux mois de salaire de dédommagement à des enseignantes berlinoises de confession musulmane en vertu de jugements rendus en 2017 par la juridiction du travail de Berlin. Depuis 2015, plusieurs enseignantes ont porté plainte contre le Land de Berlin, s’estimant discriminées pour des motifs religieux pour n’avoir pas été recrutées dans des écoles publiques berlinoises en raison de leur intention affichée de garder leur foulard dans le cadre scolaire.
La question de la révision de la loi de neutralité de 2005 divise aujourd’hui les différentes formations de la coalition gouvernementale berlinoise. Une coalition formée du SPD, des Verts et de la gauche radicale Die Linke est au pouvoir à Berlin depuis 2016. Si les sociaux-démocrates (SPD) se montrent farouchement attachés à une séparation stricte entre l’Etat et les religions et hostiles à toute révision de la loi de 2005, les autres partenaires de la coalition actuellement au pouvoir à Berlin (Verts et Die Linke) ne voient pas les choses ainsi et se sont exprimés en faveur d’une modification de la loi de neutralité berlinoise, tout comme les Eglises chrétiennes, qui avaient salué la décision de la Cour constitutionnelle du 27 janvier 2015.

Pour en savoir plus : Die Zeit, Faz.de, Taz.de.

D 7 août 2017    ASylvie Toscer-Angot

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