2016
- Octobre 2016 : Rapport du Diyanet sur le terrorisme
La Direction des affaires religieuses de la Turquie (le Diyanet) est une unité administrative laïque créée en 1924, avant la mise en œuvre du code de la laïcité en 1937. Dans la Constitution de 1924, la religion de l’État turc est l’islam. Cette mention a été retirée de la Constitution en 1928. En 1937, le principe de Laiklik (laïcité) a été ajouté à la Constitution. La mission du Diyanet est d’exécuter des services concernant la foi islamique et ses pratiques, d’éclairer la société sur la religion, et de gérer les lieux de prière. Depuis 1983, elle a également le devoir de fournir des services religieux aux Turcs vivant à l’étranger par le biais de la DITIB (Diyanet Isleri türk Islam Birligi [Union turco-islamique pour les affaires religieuses]). Bien que le poste attribué au Diyanet soit lié à la religion, ses mécanismes structurels et juridiques sont laïques, et il a récemment gagné une position de plus en plus politique, en particulier pendant la période de pouvoir Parti de la justice et du développement (AKP).
Par ailleurs, le Diyanet s’est doté d’une nouvelle posture, en phase avec les discours et les actions du parti au pouvoir. À cet égard, alors que le monde subit les activités terroristes de DAESH/ISIS, le Diyanet vient de publier un rapport, au moment où la Turquie participe à des opérations transfrontalières avec les forces de la coalition internationale pour s’opposer aux forces terroristes, sur sa mentalité, ses activités et ses relations avec l’islam. En outre, selon le Diyanet, l’un des objectifs de ce rapport est de contribuer au processus de sensibilisation.
Le rapport souligne quatre points importants :
1) Il explique l’idéologie et l’état d’esprit de l’organisation terroriste, du point de vue du bureau administratif religieux de la Turquie.
2) Il examine la compréhension islamique de l’organisation appelée DAESH/ISIS et leur approche des textes religieux, et fournit des informations sur ses processus de formation.
3) Il donne une réponse explicative à la revendication de DAESH/ISIS d’être le califat de l’islam.
4) Il classe différents groupes qui ont été poursuivis par DAESH/ISIS, comme Ahl-Al-Kitab (les gens du Livre, c’est-à-dire les chrétiens ou les juifs), les Yézidis, les femmes et les enfants.
Ahmet Erdi Öztürk
- Septembre 2016 : La gestion de la religion en Turquie
Il existe aujourd’hui un débat en Turquie sur la laïcité et le Diyanet (Diyanet Işleri Başkanlığı, direction des affaires religieuses). Deux articles peuvent aider à comprendre le contexte de ces discussions, en soulignant l’importance du Diyanet et en expliquant la compréhension turque de la laïcité.
Tout d’abord, un rapport sur La gestion de la religion en Turquie (The Management of Religion in Turkey), publié par le Turkey Institute en 2014, décrit la relation entre religion et politique dans un pays à majorité musulmane. Cette relation a des implications plus larges pour la région voisine, en raison du fait que la Turquie se caractérise par une structure étatique laïque et une population majoritairement musulmane. En outre, les implications pour les minorités, le contrôle de la religion par l’État et la liberté de religion ou de croyance ont une grande importance non seulement pour la recherche universitaire et la discussion, mais aussi pour la prise de décision politique quotidienne. Cette analyse est très pertinente par rapport aux développements récents en Turquie, actuellement gouvernée par l’AKP (Parti de la justice et du développement), qui utilise la rhétorique religieuse et attire le public avec et par la sensibilité religieuse. Enfin, la gestion de la religion en Turquie a également un impact sur la démocratie, les droits de l’homme, l’égalité et la bonne gouvernance de la Turquie. En ce sens, elle sera suivie de près par l’Union européenne, comme l’indique son rapport sur la Turquie récemment publié.
Un article de Murat Somer, de l’université de Koç, « Moderate Islam and Secularist Opposition in Turkey » (« Islam modéré et opposition laïque en Turquie »), peut également intéresser, bien qu’ayant été publié en 2007. Tout en développant un argument basé sur des théories de consolidation démocratique et de concurrence religieuse et en discutant des raisons de l’opposition laïque au gouvernement, cet article analyse la façon dont le gouvernement d’un parti ancré dans l’islamisme modéré peut affecter la démocratie laïque particulière de la Turquie, le développement et les relations extérieures, ainsi que la façon dont les musulmans dans le monde se rapportent à la modernisation et à la démocratie.
Source : Istar Gozaydın and Ahmet Erdi Ozturk, The Management of Religion in Turkey, Turkey Institute, November 2014 ;
Murat Somer, "Moderate Islam and Secularist Opposition in Turkey", Third World Quarterly Vol. 28, No. 7, 2007, p. 1271–1289.
Ahmet Erdi Öztürk
- Juillet 2016 : la tentative de coup d’Etat et la question religieuse
Durant la soirée du 15 juillet 2016, la Turquie a connu une tentative de coup d’Etat militaire, avortée. Dans l’histoire contemporaine de la Turquie, l’armée a pris le pouvoir quatre fois, directement en 1960 et 1980, et indirectement, en imposant une administration aux ordres, en 1971 et 1997. Ainsi, la tentative de juillet 2016 s’inscrit dans la « tradition » politique du pays où l’armée fut toujours la plus importante des forces politiques. Comme lors des précédents coups d’Etat militaires, là aussi le « religieux » était au cœur des débats, et l’est toujours.
Durant la nuit même de la tentative du putsch, le gouvernement du Parti de la Justice et de Développement (AKP) et surtout son leader incontesté, le Président de la République Recep Tayyip Erdogan, ont pointé du doigt leur ancien allié, le mouvement Hizmet, et son fondateur Fethullah Gülen, exilé aux Etats Unis depuis 1999.
Le mouvement Hizmet a été créé par cet ancien imam turc à la fin des années 1970 à Izmir, sur les bases de l’enseignement de Said-i Nursi. Le mouvement Hizmet (ce qui signifie service) a investi depuis les années 1990 deux secteurs-clé de la société, les médias et l’éducation, en Turquie mais également à travers le monde. Il est souvent comparé aux jésuites (ou à l’Opus Dei par ses détracteurs). Les sympathisants du mouvement, issus de milieux modestes, éduqués dans les écoles de Hizmet grâce à des bourses d’étude et au soutien de l’empire financier qu’est le mouvement, ont pu pénétrer l’appareil étatique dès les années 1990. Ils ont reçu l’aide et le soutien des divers gouvernements, mais leur ascension fulgurante coïncide avec l’arrivée au pouvoir des islamistes de l’AKP (Parti de la justice et du développement) en 2002. Au début des années 2000, l’AKP manquait cruellement de personnel éduqué pour conquérir l’appareil étatique, alors principalement laïciste et sous contrôle de l’armée. Pendant une décennie, le gouvernement AKP d’une part et le mouvement Hizmet de l’autre ont ainsi collaboré pour reformater le personnel fonctionnaire dans tous les ministères, y compris l’armée à travers les procès-fleuves Ergenekon dans les années 2007-2011. La coalition a volé en éclat, une fois que l’AKP a pu maîtriser tous les pans du pouvoir. En 2013, les scandales de corruption, révélés à travers les écoutes téléphoniques opérées par les policiers, accusés d’être proches de Hizmet, ont approfondi le divorce et depuis, une purge à l’envers a commencé. Justice, éducation, universités, médias, banques… tous les secteurs publics ou privés ont fait objet d’une chasse aux sorcières.
Celle-ci a pris des proportions phénoménales depuis la tentative de coup d’Etat. Mise sur le dos des officiers gulenistes (partisans de Fethullah Gülen), qui, dit la presse sous contrôle strict du gouvernement, avaient fomenté ce coup de peur d’être prochainement évincés de l’armée. D’autre y voient une manipulation du pouvoir, d’autres encore y décèlent une coalition contre nature entre gulenistes et laïcistes pour évincer Erdogan du pouvoir.
Quoi qu’il en soit, cette tentative de coup a créé une atmosphère mystique ultrareligieuse (pendant 48 heures, les mosquées ont appelé à tue-tête à la prière) et ultranationaliste (des rassemblements géants ont été organisés, avec la participation du parti kémaliste-nationaliste et du parti d’extrême droite, qui craignaient d’être sinon associés aux putschistes).
Depuis, la purge de l’Etat et du secteur privé continue à grande vitesse. Près de 200 000 fonctionnaires ont été déchus de leur statut. Des centaines d’écoles et universités ont été fermées, des dizaines de journaux et chaines télévisées interdites. Il s’agit d’un putsch, instrumentalisée par le pouvoir pour compléter la mutation d’un régime vers un système ultra-présidentiel où l’ensemble des pouvoirs sont regroupés entre les mains du Président, Recep Tayyip Erdogan. Depuis le 15 juillet, la moindre critique ou opposition est immédiatement accusée de putschisme et/ou de gulenisme. Les seuls à ne pas être inclus dans ce « Front National » à la turque est le parti proche des Kurdes et des démocrates, réduit à peau de chagrin, et coincé entre le marteau (une junte militaire doublée d’une confrérie ésotérique) et l’enclume (un régime autoritaire islamiste et nationaliste).
Samim Akgönül
- 25 avril 2016 : Le président du Parlement turc voudrait une constitution religieuse
Le 25 avril 2016, Ismail Kahraman, le président du Parlement turc, a plaidé pour l’abandon du principe de laïcité dans le cadre de la réforme constitutionnelle souhaitée par le président Recep Tayyip Erdoğan. Kahraman estime que la prochaine constitution de la Turquie doit être religieuse puisque c’est un pays musulman.
Cette affirmation controversée a suscité de nombreuses réactions. Des manifestations contre le risque d’une constitution religieuse ont éclaté dans les grandes villes du pays (Istanbul, Ankara, Izmir), et ont été réprimées violemment par la police. Les partis de l’opposition (CHP, HDP) ont appelé à la démission du président du Parlement.
Toutefois, le projet de nouvelle constitution conserve l’idée de la laïcité, l’AKP n’a même pas évoqué l’éventualité de l’en retirer, a affirmé le 26 avril le chef de la commission constitutionnelle et député de l’AKP Mustafa Sentop.
Le Premier ministre Ahmet Davutoğlu a assuré le 27 avril que la nouvelle constitution turque maintiendrait le caractère laïque de l’Etat.
Sources : Habertürk, Cumhuriyet, Hürriyet, France 24.
Nihal Durmaz
- Janvier 2016 : L’emploi du temps des fonctionnaires turcs aménagé pour la prière du vendredi
Le Premier ministre turc Ahmet Davutoğlu a annoncé mardi 5 janvier, lors d’une réunion du groupe parlementaire de son Parti de la justice et du développement (AKP), sa volonté de publier un décret qui aménagerait pour les fonctionnaires qui le souhaitent les horaires des pauses déjeuner, afin de pratiquer la prière du vendredi sans empiéter sur le temps de travail.
Source : Le petit journal-Istanbul.
Nihal Durmaz