eurel     Données sociologiques et juridiques sur la religion en Europe et au-delà

2016

  • Mars 2016 : Vers la fin de la "culture de l’accueil" (Willkommenskultur) en Allemagne ?

On se souvient des images de l’élan de solidarité et de générosité de la population allemande - signe de cette culture de l’accueil (Willkommenskultur) - accueillant des flots de réfugiés en gare de Munich au cours de l’été 2015, alors même que d’autres pays européens s’apprêtaient déjà à fermer leurs frontières. Le gouvernement allemand annonçait dès le mois de septembre 2015 qu’il allait débloquer six milliards d’euros supplémentaires pour la prise en charge des demandeurs d’asile et des réfugiés en 2016. Cet engagement massif de l’Allemagne pour accueillir des migrants, majoritairement originaires de Syrie et d’Irak, peut s’expliquer notamment par des motifs économiques et démographiques, mais il est aussi pour la chancelière Angela Merkel une obligation morale. On ne saurait ignorer cependant que le flux ininterrompu des migrants nourrit les doutes grandissants d’une partie de la population sur la politique migratoire de la chancelière et sur la capacité de l’Allemagne à intégrer socialement, économiquement et culturellement ces migrants. On ne peut non plus ignorer que les attaques et les violences xénophobes récurrentes contre les centres d’accueil de demandeurs d’asile ou de foyers de migrants n’ont cessé de se multiplier au cours des derniers mois.

Dans ce contexte de plus en plus explosif, il est légitime de se demander si les vols, les violences et les agressions sexuelles dont ont été victimes des centaines de femmes allemandes dans la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne et dans d’autres grandes villes du pays n’ont pas sonné le glas de la Willkommenskultur en Allemagne. Bien des questions relatives à ces agressions n’ont pas été élucidées à ce jour, mais le procureur général de Cologne a néanmoins révélé en février que plus de 1000 plaintes ont été enregistrées (dont près de la moitié pour délits sexuels), et que parmi les 73 suspects mis en examen la police aurait identifié 30 Algériens, 27 Marocains, 4 Irakiens, 3 Tunisiens, 3 Allemands, 3 Syriens, un Libyen, un Iranien et un Monténégrin, arrivés pour une très grande majorité d’entre eux en 2015 en Allemagne. L’origine étrangère des agresseurs et leur appartenance confessionnelle à l’islam, invoquées pour expliquer les violences survenues dans la nuit du nouvel an, ont déclenché de violentes polémiques dans les médias et sur les réseaux sociaux. Au-delà du traumatisme que représente un tel événement dans la ville très multiculturelle de Cologne et plus largement en Allemagne, on peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles ces événements ont dans un premier temps été étouffés ou minimisés par la police de Cologne (voir Presseportal) ou par certains médias. A force de s’autocensurer, de se taire pour éviter d’être accusé d’islamophobie et de nier que les problèmes en matière d’intégration ne sont pas seulement d’ordre économique, le risque n’est-il pas de faire le jeu d’individus ou de groupes xénophobes, du mouvement anti-musulman Pegida (« patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident ») ou du parti populiste AfD (« Alternative pour l’Allemagne ») dont l’essor ne semble pas prêt de s’arrêter à la veille d’élections régionales dans trois Länder le 13 mars prochain ?

Face au défi immense que représente la crise des réfugiés, il importe de ne pas se contenter de postures morales ni de céder aux invectives, mais de faire en sorte que les débats sur les questions économiques, démographiques, culturelles (religion, valeurs…) puissent se dérouler en toute liberté.

Pour en savoir plus, voir Die Zeit et Die Welt.

  • Février 2016 : Impôt d’Eglise et sorties d’Eglise

Depuis 2010, on observe une augmentation des « sorties d’Eglise », c’est-à-dire du nombre de membres des Eglises protestantes ou de l’Eglise catholique qui déclarent vouloir quitter cette institution (en 2012, ce phénomène avait suscité un décret de la Conférence épiscopale et à une décision de la Cour administrative fédérale, voir les débats actuels 2012).
Une « sortie d’Eglise », Kirchenaustritt, est un acte purement administratif. Pour être rayé des registres des croyants, il suffit de se rendre, selon le Land, au bureau de l’état civil ou au tribunal d’instance. Il faut rappeler qu’en Allemagne, les communautés religieuses peuvent faire payer un impôt religieux, Kirchensteuer, qui est prélevé à la source sur le revenu et reversé à l’Eglise correspondante par le service des impôts. En 2013, les Eglises auraient ainsi perçu près de 10 milliards d’impôts. Des chiffres records ont été atteints en 2014 avec plus de 217 000 départs du côté catholique et quelque 270 000 du côté protestant (en 2012, on avait enregistré respectivement 118 000 et 138 000 sorties). Selon les explications avancées, certains membres des Eglises auraient anticipé dès 2014 la nouvelle réglementation fiscale entrée en vigueur au 1er janvier 2015, qui étend l’impôt d’Eglise aux revenus du capital pour des gains supérieurs à 801 euros pour une personne célibataire et à 1602 euros pour un couple. Cette réforme passe mal auprès des fidèles, beaucoup y voyant une collusion entre les Eglises et les banques, car ce sont ces dernières qui prélèvent directement l’impôt sur le compte de leurs clients membres d’une Eglise selon une procédure de recouvrement automatique, d’après les renseignements pris auprès du fisc sur l’appartenance religieuse de leurs clients. Sans doute ne faut-il voir toutefois dans cette mesure qu’un élément déclencheur, qui révèle les liens de plus en plus distendus entre les fidèles et les Eglises institutionnelles.

Pour en savoir plus, voir : Frankfurter Allgemeine Zeitung et Westdeutsche Allgemeine Zeitung.

D 5 avril 2016    ASylvie Toscer-Angot

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