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2017

  • 10 janvier 2017 : Pour la CEDH, l’obligation de suivre des cours de natation mixtes ne viole pas la liberté de religion

A l’origine de l’affaire Osmanoğlu et Kocabaş c. Suisse, des parents de confession musulmane refusent que leurs deux filles mineures participent à des cours de natation mixtes dans le cadre scolaire. Dans le canton de Bâle-Ville, les cours de natation font partie des cours obligatoires dont seuls les élèves pubères peuvent être dispensés. La direction de l’école a rencontré les parents à plusieurs reprises et leur a notamment proposé le port du burkini pour leurs filles. Aucun accord n’a cependant pu être trouvé et une amende de 1 400 CHF (environ 1 292 €) a été infligée aux parents pour manquement à leurs responsabilités parentales.
Les requérants allèguent que l’obligation pour leurs filles de suivre les cours de natation mixtes dans le cadre scolaire est contraire à leurs convictions religieuses. Ils estiment par ailleurs que le refus des autorités compétentes de leur accorder une dispense et les amendes qui leur ont été infligées constituent une ingérence dans leur droit à la liberté de religion.
La Cour européenne des droits de l’homme estime que l’on se trouve en l’espèce dans une situation où le droit des requérants de manifester leur religion est en jeu et que le refus des autorités d’exempter leurs filles des cours de natation mixtes obligatoires est une ingérence dans l’exercice de leur droit à leur liberté de religion (pt. 42). Elle juge cependant que la mesure litigieuse était fondée sur une base légale suffisante et elle « partage l’avis du Gouvernement selon lequel cette mesure avait pour but l’intégration des enfants étrangers de différentes cultures et religions, ainsi que le bon déroulement de l’enseignement, le respect de la scolarité obligatoire et l’égalité entre les sexes. La mesure visait tout particulièrement à protéger les élèves étrangers contre tout phénomène d’exclusion sociale » (pt. 64). Il s’ensuit que le refus de dispenser les filles des requérants des cours de natation obligatoires poursuivait des buts légitimes au sens de l’article 9§2 de la Convention.
La Cour relève en outre que les autorités ont offert des aménagements significatifs aux requérants, dont les filles avaient notamment la possibilité de couvrir leurs corps pendant les cours de natation en revêtant un burkini. Elle note, par ailleurs, qu’elles pouvaient se dévêtir et se doucher hors de la présence des garçons. Elle considère que « ces mesures d’accompagnement étaient à même de réduire l’impact litigieux de la participation des enfants aux cours de natation mixtes sur les convictions religieuses de leurs parents » (pt. 101).
Compte tenu de ce qui précède, « la Cour estime que, en faisant primer l’obligation pour les enfants de suivre intégralement la scolarité et la réussite de leur intégration sur l’intérêt privé des requérants de voir leurs filles dispensées des cours de natation mixtes pour des raisons religieuses, les autorités internes n’ont pas outrepassé la marge d’appréciation considérable dont elles jouissaient dans la présente affaire, qui porte sur l’instruction obligatoire » (pt. 105).

D 18 janvier 2017    AFrançoise Curtit

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