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Allemagne

  • Mai 2018 : Des croix dans les bâtiments publics en Bavière

A partir du 1er juin 2018, une croix devrait être accrochée dans le hall d’entrée des bâtiments publics en Bavière en signe de reconnaissance de l’identité bavaroise. Cette mesure, dont l’initiative revient au ministre-président de Bavière, Markus Söder, a été décidée le 24 avril 2018 par l’ensemble du gouvernement bavarois, sans qu’elle nécessite de vote par le parlement régional de Bavière. Elle ne s’appliquera qu’aux bâtiments dont l’Etat bavarois est propriétaire et non à ceux de l’Etat fédéral (Bund) ou des municipalités.

La ministre des Sciences de Bavière, Marion Kiechle, a toutefois pris ses distances vis-à-vis de la décision du chef du gouvernement bavarois d’imposer une croix dans l’entrée des bâtiments publics en Bavière, estimant qu’il ne s’agissait pas d’« une idée particulièrement intelligente ». Le gouvernement bavarois a essuyé de nombreuses critiques de la part des Verts et notamment des libéraux. Le chef du parti libéral (FDP), Christian Lindner, a ainsi déclaré : « La façon dont Markus Söder et la CSU instrumentalisent les religions à des fins partisanes fait penser au président turc Erdogan. La Loi fondamentale n’a pas de religion » (Die Welt). Le chef du gouvernement bavarois, Markus Söder, a balayé toutes les critiques, estimant que la croix était avant tout un « symbole décisif de l’identité culturelle chrétienne-occidentale ».

Au début des années 1990, dans une école publique de Bavière, des parents anthroposophes avaient demandé que soient retirés les crucifix des salles de classe fréquentées par leurs enfants. Leur plainte ayant été rejetée par les instances de la jurisprudence administrative de Bavière, ils s’étaient alors tournés vers la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe, qui avait rendu sa décision le 16 mai 1995, précisant que l’obligation, inscrite dans le règlement des écoles publiques bavaroises, d’accrocher des croix dans les salles de classe était une atteinte au principe fondamental de liberté de conscience et de religion (art. 4 de la Loi fondamentale) et au principe de neutralité de l’Etat. Les juges avaient estimé que la croix n’était pas seulement un symbole culturel traditionnel, mais avaient insisté sur son caractère confessionnel. La présence de crucifix dans les classes bavaroises ayant étant jugée incompatible avec la Loi fondamentale, le Land de Bavière avait été invité à ne plus rendre obligatoires les crucifix dans les salles de classe des écoles publiques. Le parlement bavarois avait finalement adopté en décembre 1995 une loi réaffirmant la présence d’une croix dans chaque salle de classe des écoles publiques et prévoyait une procédure de conciliation en cas de contestation. Depuis l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle en mai 1995, les croix peuvent être retirées des salles de classe bavaroises sur demande individuelle.

Voir : Zeit online, Spiegel online, Die Welt.

  • Mars 2015 : la Cour constitutionnelle allemande révise son jugement de 2003 sur le port du foulard par des enseignantes musulmanes

La Cour constitutionnelle allemande vient de réviser son jugement de septembre 2003 sur le port du foulard par les enseignantes musulmanes dans les écoles publiques. L’arrêt des juges de Karlsruhe de 2003 stipulait qu’une interdiction n’était possible que sur une base législative, ouvrant ainsi la voie à des lois prohibitives à l’échelle des Länder. Depuis 2004, la moitié des Länder ont interdit le port du foulard pour les enseignantes musulmanes. A Berlin, ce sont tous les signes d’appartenance religieuse sans exception qui sont interdits dans les écoles et dans la fonction publique depuis 2005.
Or, dans son jugement du 13 mars 2015, la Cour constitutionnelle donne raison à deux enseignantes musulmanes de Rhénanie du Nord-Westphalie qui attendaient depuis près de cinq ans la décision des juges de Karlsruhe sur le port du foulard à l’école. Ces derniers ont estimé qu’une interdiction globale du foulard pour les enseignantes musulmanes représentait une atteinte au principe de liberté religieuse inscrit dans la Loi fondamentale. Une prohibition reste toutefois possible si le port du foulard trouble la paix scolaire de façon concrète ou s’il menace la neutralité de l’Etat. Le Conseil central des musulmans d’Allemagne, par la voix de sa secrétaire générale Nurhan Soykan, a salué l’arrêt de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, y voyant "un signal positif".
Si ce jugement ne signifie pas une autorisation générale du port du foulard, il devrait entraîner une vague de recours devant les tribunaux. Plusieurs Länder devront donc revoir ou adapter leur législation.

Pour en savoir plus : Die Zeit, Mediendienst-integration et Der Spiegel.

  • Avril 2014 :

A la suite de la plainte d’une élève musulmane, la cour administrative d’appel de Bavière a stipulé, dans son jugement du 22 avril 2014, que l’interdiction du port du niqab en cours par les autorités scolaires ne peut être considérée comme une violation de la liberté religieuse, au motif que le niqab entrave la communication non verbale entre l’enseignant et l’élève.

Pour en savoir plus : Süddeutsche.

  • Janvier 2013 : Le débat sur la circoncision en Allemagne

Une loi fixant un cadre légal pour la circoncision rituelle a été adoptée le 20 décembre 2012, afin de mettre un terme à plusieurs mois de polémiques et d’incertitude juridique créée par l’interdiction, par le tribunal de grande instance de Cologne en juin 2012, de cette pratique à des fins religieuses. L’affaire remontait à 2010, et avait été provoquée par une circoncision pratiquée sur un jeune Tunisien de 4 ans, qui avait dû être envoyé aux urgences en raison de complications survenues deux jours après l’opération. Le parquet avait alors porté plainte contre le médecin devant le tribunal d’instance de Cologne. Ce dernier avait jugé l’opération conforme au "bien-être de l’enfant". Le procureur avait alors fait appel auprès du tribunal de grande instance qui avait relaxé le médecin en raison d’une situation juridique peu claire, tout en déclarant en même temps que la circoncision représentait "une blessure corporelle, passible de poursuites pénales" et une atteinte au "droit d’un enfant au respect de son intégrité physique". L’affaire a suscité un fort émoi en Allemagne parmi les musulmans et les juifs qui y avaient vu une violation de la liberté de conscience.

Pour information : article dans Die Zeit et Die Süddeutsche Zeitung.

  • 13 novembre 2012 : Hambourg signe deux accords avec des associations musulmanes et alévie.

Après plusieurs années de discussions, la ville-État de Hambourg a conclu deux accords, d’une part avec trois organisations musulmanes (DITIB – Landesverband Hamburg ; SHURA – Rat der islamischen Gemeinschaften in Hamburg ; VIKZ – Verband der islamischen Kulturzentren) et d’autre part avec la communauté alévie (Alevistische Gemeinde Deutschland). Ces accords ont été signés le 13 novembre 2012 par le Sénat de la ville-État et devront encore être approuvés par la chambre basse (Bürgerschaft) avant de pouvoir entrer en vigueur.

Les deux accords dont le contenu est quasi identique confirment pour l’essentiel des droits et obligations constitutionnels et légaux déjà garantis. La principale innovation concerne la reconnaissance juridique de certains jours fériés musulmans ou alévis qui obtiennent le statut de fêtes religieuses.

Les accords réaffirment la liberté de religion pour les croyants musulmans ou alévis et le droit pour leurs communautés de s’organiser librement dans les limites de la loi (art.1). Ils rappellent que les parties sont attachées aux valeurs fondamentales communes de l’ordre juridique constitutionnel, en particulier à la garantie des droits fondamentaux et à la tolérance envers les autres cultures. Les parties condamnent par ailleurs la violence et la discrimination fondée sur l’origine ethnique, le sexe, l’orientation sexuelle, les convictions ou les croyances religieuses et politiques (art. 2 §1).

Elles s’engagent en particulier à garantir l’égalité des sexes et la pleine participation des femmes et des jeunes filles dans la société et dans la sphère politique, scolaire et professionnelle. Celles-ci ne peuvent par exemple voir leurs possibilités professionnelles restreintes de façon injustifiée à cause de tenues vestimentaires liées à leurs convictions religieuses (art. 2 §2).

Trois jours fériés sont reconnus comme des fêtes religieuses au sens de la loi sur les jours fériés de Hambourg (Feiertagsgesetz) : Fête du Sacrifice, Ramadan et Achoura pour les musulmans ; Achoura, Nevruz (21 mars) et Hizir-Lokmasi (16 février) pour les alévis (art. 3).

Les accords réaffirment par ailleurs le droit pour ces communautés de créer leurs propres établissements d’enseignement (art. 4) et de participer aux cours d’enseignement religieux dans les écoles publiques, un groupe de travail étant constitué afin de réfléchir au contenu des programmes et à l’organisation de cet enseignement (art. 4 – musulmans, art. 5 – alévis).

La ville-État de Hambourg encouragera par ailleurs la création d’un centre de formation de théologie musulmane et de pédagogie religieuse à l’Université de Hambourg, afin de former notamment des enseignants pour l’enseignement religieux (art. 5 – musulmans, art. 6 – alévis).

Les autres dispositions des accords concernent l’assistance spirituelle dans les établissements spécialisés (art. 7), la participation dans les médias audiovisuels (art. 8), la garantie des droits de propriété, de construction et d’exploitation de lieux de culte et autres établissements (art. 9), les cimetières et inhumations (art. 10).

Le maire de Hambourg, Olaf Scholz, a salué la conclusion de ces accords comme constituant un succès de la politique d’intégration et le signal d’une volonté forte de coopération. De leur côté, les organisations musulmanes et alévie ont affirmé que ces accords sont d’une importance historique en ce qu’ils marquent la reconnaissance explicite des musulmans de Hambourg comme des citoyens à part entière faisant partie intégrante de la société et reconnus comme des partenaires institutionnels de l’Etat.

Pour en savoir plus :
 Vertrag zwischen der Freien und Hansestadt Hamburg, dem DITIB-Landesverband Hamburg,
SCHURA – Rat der Islamischen Gemeinschaften in Hamburg und dem Verband der Islamischen Kulturzentren
 Vertrag zwischen der Freien und Hansestadt Hamburg und der Alevitischen Gemeinde Deutschland e.V.

  • 20 septembre 2012 : Sorties de l’Eglise, décret de la Conférence épiscopale et décision de la Cour administrative fédérale

En Allemagne, l’Église catholique et les Eglises protestantes perçoivent un impôt cultuel dû par les personnes physiques qui sont imposables sur le revenu, lequel représente 8% à 10% de l’impôt sur le revenu selon les Länder. Le principe constitutionnel de liberté de religion permet à chaque citoyen d’effectuer une déclaration de sortie de l’Eglise auprès du tribunal d’instance afin de décliner toute appartenance religieuse et ne pas acquitter cet impôt.

Le nombre de personnes qui décident de quitter l’Eglise catholique est relativement élevé ces dernières années, en réaction notamment aux affaires de pédophilie. 126 488 personnes sont ainsi sorties de l’Église en 2011 selon les chiffres de la Conférence épiscopale.

En réaction à ce phénomène, la Conférence épiscopale allemande a publié le 20 septembre 2012 un décret relatif à la sortie de l’Église (Kirchenaustritt) qui considère que la démarche de retrait constitue une prise de distance délibérée et volontaire avec l’Eglise et une grave offense à la communauté ecclésiale. Les évêques considèrent qu’il n’est pas possible de séparer l’Eglise-communauté spirituelle de l’Eglise-institution. Le retrait de l’Eglise ne peut donc être partiel et s’accompagne des conséquences juridiques suivantes pour l’individu concerné :

 il ne peut recevoir les sacrements de la confession, l’eucharistie et l’onction des malades - sauf en cas de danger de mort
 il ne peut occuper aucun office ou charge ecclésiastique dans l’Église
 il ne peut être parrain ou marraine
 il ne peut être membre de la paroisse ou des conseils diocésains
 il perd ses droits de vote actif et passif dans l’Eglise
 il ne peut être membre d’une association cultuelle publique
 il doit demander une autorisation à l’ordinaire du lieu s’il souhaite se marier religieusement
 il peut se voir refuser des funérailles religieuses

Le décret prévoit que le ministre du culte compétent doit entrer en contact avec chaque personne ayant annoncé sa sortie de l’Eglise, par l’intermédiaire d’une lettre pastorale et éventuellement lors d’une entrevue, pour l’informer des conséquences de ce retrait, mais également pour l’inciter à réintégrer la communauté ecclésiale avec le plein exercice de ses droits et devoirs.

Textes du décret et de la lettre pastorale sur le site de la Conférence épiscopale allemande.

*La cour administrative fédérale (Bundesverwaltungsgericht) a par ailleurs estimé dans un jugement du 26 septembre 2012 (BVerwG 6 C 7.12) qu’une personne ayant effectué une déclaration de sortie de l’Eglise catholique ne peut se retirer de la seule structure associative et demeurer au sein de communauté de foi. L’appartenance à une communauté religieuse avec un statut public, telle l’Église catholique romaine, a des effets en matière religieuse et également des conséquences en droit étatique liées, par exemple, à l’impôt cultuel. La décision de retrait ne peut concerner les seuls effets juridiques.

Communiqué de presse de la Cour administrative fédérale allemande.

  • 7 mai 2012 : Un jugement d’un tribunal allemand condamne la circoncision pour motifs religieux

Dans une décision du 7 mai 2012, le tribunal de grande instance de Cologne a jugé que la circoncision d’un enfant violait son droit fondamental à l’intégrité physique.

Dans cette affaire, un médecin avait procédé à la circoncision d’un enfant musulman motivée par des motifs religieux, à la demande de ses parents. Quelques jours après l’intervention, l’enfant avait dû être admis dans un autre l’hôpital pour des saignements qui ont été soignés, sans conséquences à plus long terme.

Le médecin a alors été poursuivi pénalement par cet hôpital et acquitté par le tribunal d’instance (Amtsgericht Köln). Le ministère public (Staatsanwaltschaft Köln) a alors interjeté appel et l’acquittement a été confirmé par le tribunal de grande instance (Landgericht Köln), sur le motif d’une erreur de droit invincible ("unvermeidbarer Verbotsirrtum", art. 17 du Code pénal allemand) : la question de la légalité de la circoncision des garçons sur la base du consentement des parents n’étant pas clairement définie par le droit allemand, le médecin ne peut être tenu pour responsable.

Le tribunal a fait observer cependant qu’il existe une limite constitutionnelle aux droits religieux des parents, et que cette limite a été atteinte en la matière. Le tribunal a notamment accordé une attention particulière au fait que la circoncision a durablement et irrémédiablement changé ("dauerhaft und irreparabel verändert") le corps de l’enfant et considéré que cela affecte en outre sa faculté de décider ultérieurement de son appartenance religieuse.

Les cours allemandes ne sont pas liées par le jugement d’un tribunal de grande instance, mais le droit en la matière ayant été ainsi précisé, cette décision pourrait faire jurisprudence et des médecins pourraient à l’avenir être condamnés pour avoir effectué des circoncisions.

Ce jugement a déclenché de vifs débats en Allemagne et plus largement en Europe. Le gouvernement allemand a tenu à réaffirmer son souhait de garantir la liberté des activités religieuses et des parlementaires demandent le vote d’une loi visant à protéger les rituels religieux traditionnels. Pour leur part, les rabbins européens réunis en conférence à Berlin le 12 juillet 2012 ont dénoncé ce jugement et appelé à continuer les circoncisions des enfants en Allemagne.

Pour en savoir plus : la décision du Landgericht Köln (en allemand).

D 11 janvier 2017    ASylvie Toscer-Angot

CNRS Unistra Dres Gsrl

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