Le financement des cultes
Le financement des organisations religieuses se fait en fonction de leur statut juridique. La loi 489/2006 sur la liberté religieuse et le régime général des cultes prévoit une classification à trois niveaux :
– Confessions religieuses reconnues
– Associations religieuses
– Associations et fondations à but religieux, enregistrées sous O.G. non. 26/2000 sur les associations et fondations. Il s’agit généralement d’organisations culturelles, sociales et/ou caritatives appartenant à des confessions religieuses reconnues ou d’organisations autonomes d’individus partageant une croyance religieuse commune.
L’État roumain traite les confessions religieuses reconnues comme des entités de droit privé d’utilité publique. 18 confessions religieuses sont officiellement reconnues en Roumanie. Elles sont égales devant la loi et les pouvoirs publics, gèrent leur organisation et fonctionnent de manière autonome selon leurs statuts, code canonique et règlements, dans le respect de la Constitution et des lois du pays. L’État roumain affirme sa neutralité en matière de religions, dans le sens où il ne favorise pas les unes par rapport aux autres, mais entretient une relation de coopération et de partenariat social avec les confessions reconnues.
En Roumanie, chaque culte a son propre système de gestion financière Il n’y a pas d’imposition spécifique relative aux cultes. Les 18 confessions religieuses reconnues sont toutes égales en termes de droits de financement de la part de l’État ou des autorités publiques centrales et locales, dans le respect du principe de proportionnalité.
Les associations religieuses ne reçoivent pas automatiquement le statut d’utilité publique mais peuvent bénéficier de certaines facilités ou exonérations fiscales.
Les différentes sources de financement des confessions religieuses reconnues peuvent être classées comme suit :
A. Le soutien financier de l’État
L’État roumain s’engage, par la Constitution (art. 29), à soutenir les activités des organisations religieuses. Ce soutien financier fait partie de la tradition juridique roumaine et prend également en compte les modèles européens existants. Depuis la fondation de l’État roumain moderne jusqu’à nos jours, tous les régimes politiques ont fourni des formes de soutien financier à l’activité des organisations religieuses. Cela était nécessaire surtout après la sécularisation des biens de l’Église, lorsque l’Église orthodoxe s’est retrouvée sans moyens financiers pour soutenir ses activités, et l’État roumain a assumé une compensation partielle des pertes subies en prenant en charge une partie des dépenses de soutien des activités cultuelles.
1. Financement direct
Après la chute du régime communiste, l’État participe à la rémunération partielle du personnel religieux, favorisant les confessions qui rencontrent des difficultés financières. Progressivement, il appuie aussi la rémunération du personnel non administratif nécessaire au bon fonctionnement des unités de culte. Concernant la grande majorité du personnel religieux, ce n’est qu’en 1999 qu’une loi a été adoptée (loi n° 142/1999) sur le soutien de l’État aux salaires du clergé. Le principe du double financement des salaires a été maintenu – par leurs ressources propres et par la contribution de l’État. Les grades cléricaux ont été assimilés aux grades professionnels des enseignants, les unités cultuelles à faible revenu pouvaient bénéficier d’un soutien supplémentaire, et les indemnités des dirigeants de culte ont été fixées, les hiérarques des cultes (à commencer par le grade épiscopal et les positions assimilées) ayant un statut salarial assimilé à celui des dignitaires. La loi, avec les modifications ultérieures, déterminera le cadre juridique de la rémunération du clergé jusqu’en 2010, date à laquelle elle sera remplacée par la loi-cadre n° 284/2010 sur le salaire unitaire du personnel payé sur fonds publics. Selon celle-ci, la subvention accordée pour les salaires du personnel religieux est généralement de 65 % du salaire. Cela peut atteindre 80 % du salaire pour les paroisses à faible revenu.
Cependant, il existe également des catégories de personnel religieux dont la rémunération est encadrée par un régime juridique différent. Le salaire du clergé militaire (de l’Armée, de la Police, de la Gendarmerie et des services spéciaux, ainsi que du système pénitentiaire) est entièrement pris en charge par les institutions dans lesquelles ils remplissent la fonction d’aumônier. La rémunération des aumôniers dans les hôpitaux et les unités d’aide sociale se fait de façon non unitaire (contribution de l’État et autres sources), comme nous l’avons montré plus haut. Le personnel des unités cultuelles hors des frontières du pays connaît également une situation particulière, le Gouvernement lui allouant un forfait global. Les professeurs de religion de l’enseignement public ainsi que le personnel enseignant et non enseignant des facultés de théologie de l’enseignement public sont intégralement rémunérés par l’intermédiaire du ministère de l’Éducation, dont ils sont les agents.
La loi 489/2006 dispose que le financement public des salaires du clergé n’est effectué que « sur demande, par des subventions, en fonction du nombre de citoyens roumains fidèles et des besoins réels de subsistance et d’activité ».
En plus de ces facilités, les confessions religieuses bénéficient également de la possibilité d’obtenir des financements supplémentaires, parmi lesquels la possibilité d’obtenir une aide pour la construction ou la réparation de certains lieux de culte. Dans cette optique, le soutien financier des groupes religieux est réalisé principalement par le Secrétariat d’État aux cultes. Les confessions reconnues peuvent également obtenir des financements auprès des autorités locales, avec différentes finalités, à la fois pour la construction et/ou la réparation de lieux de culte et pour divers projets sociaux.
Cependant, l’État se réserve le droit de contrôler l’utilisation des fonds alloués aux groupes religieux.
2. Formes de financement indirect
a) Avantages fiscaux
Les activités des cultes peuvent être regroupées en activités spécifiques (activités cultuelles, activités missionnaires pastorales, sociales-philanthropiques, culturelles-éducatives), et en activités de soutien des activités spécifiques : activités économiques. Les activités spécifiques ont le caractère d’utilité publique et les activités économiques ont le caractère d’activités de soutien.
Il existe des exonérations de taxes/frais qui concernent exclusivement les confessions reconnues en vertu du droit à la liberté religieuse (exonération concernant les lieux de culte, respectivement la non-imposition des produits nécessaires au culte) et des exonérations concernant l’exercice d’activités d’utilité publique par les confessions religieuses, celles-ci étant accordées aussi à d’autres entités (notamment les associations religieuses, ONG).
Les avantages fiscaux relatifs aux confessions reconnues incluent l’exonération de l’impôt sur le revenu. Les groupes confessionnels reconnus sont exonérés de cet impôt dans la mesure où ils entendent utiliser les revenus obtenus pour l’entretien et le fonctionnement des établissements religieux, pour la construction, la réparation et la consolidation des lieux de culte et de leurs annexes.
La nature des revenus pris en compte est identique à celle des exonérations liées aux ONG, s’y ajoutent les revenus issus de la production et de la capitalisation des objets et produits nécessaires à l’activité cultuelle, les revenus propres des groupes religieux.
En outre, les confessions reconnues peuvent recevoir en usage (ou même en propriété) des propriétés du domaine public, utilisées à des fins religieuses ou sociales. Dans la limite de 15 000 euros (avec un plafond de 10 % du revenu total), les unités religieuses sont également exonérées de l’impôt sur le revenu pour leurs activités économiques. Elles sont exonérées de TVA pour la fourniture de biens et d’objets de culte ou l’impression de livres religieux qui tombent sous le coup de la loi n° 103/1992 (monopole des cultes sur la vente des biens cultuels) (art. 141 i)), la construction, l’entretien ou l’extension de lieux de culte et d’édifices cultuels (art. 143 m).
Il y a exonération du paiement des cotisations sociales obligatoires des employés des confessions qui ne dégagent pas de revenus. En ce qui concerne les taxes et redevances locales, les confessions reconnues sont exonérées exclusivement, en vertu du droit à la liberté religieuse, de la taxe d’habitation pour les lieux de culte et leurs annexes, les maisons paroissiales, et pour les bâtiments classés monuments historiques ou dédiés aux activités d’utilité publique. Étant donné le statut juridique particulier des lieux de culte, ils bénéficient, comme les autres bâtiments d’utilité publique, des exonérations pour les produits énergétiques et d’électricité, et de l’exonération de la taxe de délivrance des certificats, agréments et autorisations.
Parallèlement, les confessions reconnues bénéficient de l’exonération de la taxe foncière, tant pour les terrains soumis aux règles d’urbanisme que pour les terrains agricoles. Un autre avantage accordé aux cultes par l’État roumain par les dispositions du Code fiscal consiste dans la possibilité de déduire de l’impôt sur les subventions accordées aux unités de culte.
Comme autre aide financière indirecte, la loi permet d’attribuer 2 % de l’impôt sur le revenu aux associations à but non lucratif ou aux groupes religieux.
Une disposition particulière pour le financement des activités des cultes est prévue par la loi n° 103/1992 qui accorde aux cultes religieux le monopole de la production et de la capitalisation des objets de culte (objets liturgiques, icônes, objets de colportage, calendriers religieux, bougies, vêtements de culte, livres de culte, etc.). Le but de cette loi était de fournir une source stable de revenus pour les cultes religieux après la chute du régime communiste.
Compte tenu du principe de proportionnalité, l’Église orthodoxe roumaine est le principal bénéficiaire de l’aide de l’État, puisque 86,45 % de la population du pays s’est déclarée chrétienne-orthodoxe. Ce principe, en termes fiscaux, ne signifie pas que l’Église orthodoxe roumaine a un quelconque avantage sur les autres confessions, mais simplement que les exonérations spécifiques aux confessions religieuses lui profitent davantage sur un plan quantitatif.
b) Financement de projets
L’État s’est engagé à soutenir les confessions reconnues en tant que prestataires de services sociaux, ce qui se matérialise par le financement partiel de projets sociaux des confessions religieuses et le développement de projets en partenariat avec différentes unités cultuelles. En tant que personnes morales d’utilité publique et partenaires de l’État, les différentes unités de cultes peuvent accéder à différentes catégories de fonds européens, pour des programmes sociaux ou éducatifs spécifiques.
B. Financement privé
Les groupes religieux peuvent également obtenir des financements de sources privées, par le biais de dons de particuliers ou de personnes morales de droit privé. Dans cette catégorie de financement, un rôle important est joué par les dons individuels, les revenus tirés de l’organisation des collectes publiques, ainsi que par les contributions régulières (ex. la dîme) ou occasionnelles (ex. des legs testamentaires).
C. Revenus propres
En plus de ces catégories de financement public et privé, les groupes religieux peuvent également tirer des revenus d’autres ressources, telles que l’exploitation des terres agricoles paroissiales, monastiques et/ou diocésaines (et assimilées), ainsi que des activités économiques des ateliers, imprimeries, usines, fabrication de bougies, etc., liées à la production de biens et objets de culte.
Références
– Code fiscal
– Constitution de la Roumanie
– Loi 489/2006 sur la liberté religieuse et le régime général des cultes
– Loi 103/1992 (mise à jour) sur le droit exclusif des cultes religieux pour la production d’objets de culte
– Ordonnance du gouvernement 82/2001
– Ordonnance 26/2000 sur les associations et fondations
– Iuliana Conovici (ed.), Organizaţiile cu profil religios angajate în economia socială în România, IES, București, 2013.
– State secretariat for religious affairs, State and Religion in Romania, 2nd ed., translated by Della L. Marcus, Bucharest, 2019.
– Virginia Greceanu-Cocoş, Contabilitatea în partidă simplă şi legislaţia utilă unităţilor de cult religios (filii, parohii, mănăstiri, catedrale, paraclise, schituri), ed. Pro Universitaria, Bucureşti, 2010.Voir aussi les débats de 2016 et de 2019 :
– "Le financement et le régime fiscal des cultes"
– "Le financement des cultes reconnus est mis à mal en Roumanie",
– "Les cultes religieux classés comme faible risque fiscal".