eurel     Données sociologiques et juridiques sur la religion en Europe et au-delà

2012

  • Décembre 2012 : publication du premier livre en syriaque par le Ministère de la Culture et du tourisme

Le premier livre en syriaque publié en décembre 2012 par le Ministère de la Culture et du tourisme de la République turque contient une grande partie de la littérature syriaque et la plupart des poèmes de Mor Afram, célèbre poète syriaque. Le livre de 400 pages, intitulé Le chalumeau de l’Esprit sacré, a été traduit par Gabriel Akyüz, abbé de l’Eglise Syriaque de Mardin.

  • Octobre 2012 : l’affaire Fazil Say

Le célèbre pianiste turc Fazil Say a été accusé d’ « insulte à la religion » en octobre 2012 pour avoir tweeté un message citant un quatrain du célèbre poète persan Omar Khayyam, qui tourne en dérision les plaisirs charnels promis dans l’au-delà. « L’Etat, qui se permet de juger un pianiste pour un simple tweet, est dirigé par un Premier ministre qui fut pourtant lui aussi condamné en son temps pour avoir lu un poème » a déclaré le pianiste turc. En 1997, Erdogan avait en effet été condamné pour avoir lu en public un poème jugé islamiste (voir le Courrier international).

  • Octobre 2012 : l’école théologique de l’île de Heybeli

L’école théologique de l’île de Heybeli (Halki), fondée en 1844, est fermée depuis les années 1970. La bibliothèque de l’école contient un trésor de 80 000 ouvrages philosophiques, littéraires, religieux, en grec ancien ou en latin. Il était question d’autoriser la réouverture de l’école théologique (orthodoxe) de Halki en la rattachant à un nouveau département « Culture des religions du monde », lié à la Faculté de théologie de l’Université d’Istanbul. Le Patriarcat œcuménique d’Istanbul n’y était pas favorable, ce département est également fermé depuis octobre 2012.

  • Septembre 2012 : attaque à Sürgü

Les faits ont eu lieu à Sürgü, un village de la province de Malatya en Turquie, durant le Ramadan que les Alévis ne célèbrent pas. Ainsi, lorsque le tambour a annoncé à 4h du matin l’heure du sahur, les Alévis ne se sont pas réveillés pour débuter le jeûne, contrairement à leurs voisins sunnites. Une dispute a éclaté entre une famille alévie et la personne en charge du réveil du voisinage.
Le jour suivant la dispute, environ 50 villageois ont fait irruption en jetant des pierres sur les fenêtres de la maison de la famille alévie, tout en chantant l’hymne national turc. Selon la famille, des coups de feu ont été tirés. La manifestation s’est poursuivie pendant deux heures durant lesquelles les autres familles alévies ont attendu l’intervention de la police. Le jour suivant, le maire de Dogansehir, membre du parti AKP, le sous-préfet et plusieurs ministres membres des partis AKP et CHP, y compris Huseyin Aygün, le ministre CHP de Tunceli, se sont rendus sur les lieux pour tenter de calmer les esprits.

  • Septembre 2012 : la question des cemevis

Quelques semaines après les évènements de la province de Malatya, M. Hüseyin Aygün, un des ministres membre du parti CHP, a demandé au Parlement d’ouvrir pour chaque mosquée existante un cemevi (le lieu de culte des Alévis). Le président de l’Assemblée, M. Cemil Çiçek, a répondu que l’alévisme était une branche de l’islam et qu’à cet égard les mosquées sont également un lieu de culte pour les Alévis.

  • Août 2012 : l’église de Surp Kevork (Saint Georges)

L’église arménienne de Surp Kevork est située à Mardin en Turquie. Elle a été longtemps utilisée comme entrepôt de stockage de médicaments par le ministère de l’Agriculture. En 2004, le gardien a été déclaré coupable d’avoir détruit l’édifice en creusant le sol jusqu’à sept mètres de profondeur à la recherche d’un trésor. Par la suite, l’église a été placée sous la protection de l’État.
La population arménienne attend la restauration de l’église depuis 2007, sans qu’aucun avancement n’ait été observé. L’église est en ruine depuis si longtemps que seuls quatre murs et une fondation subsistent. En raison de son manque d’intérêt pour l’organisation des travaux de restauration, le ministère de l’Agriculture a de nouveau attribué l’église à la Fondation catholique arménienne de Mardin en 2012. La population arménienne espère que ce transfert permettra une avancée vers la restauration de l’église.

  • Juin 2012 : modification du ’cours de culture religieuse et de connaissances morales’

Il est affirmé fréquemment que 99% des Turcs sont musulmans, sans préciser de quelle interprétation de l’Islam il s’agit. Pourtant, une partie non négligeable d’entre eux sont des alévis qui pour la plupart ne souhaitent pas être assimilés aux sunnites.

La discrimination des alévis est longtemps restée absente du débat public. Depuis plusieurs années, des discussions ont été ouvertes entre les représentations alévies et le gouvernement, pour traiter les demandes des alévis. Celles-ci sont nombreuses, mais concernent principalement l’égalité de droits avec les sunnites sur deux points : le cours de religion dans les écoles publiques et les subventions accordées par le Diyanet (le département des affaires religieuses de Turquie). Le Diyanet est chargé du traitement de plusieurs milliers d’imams (environ 59 617 en Turquie et 1525 à l’étranger, auxquels on peut encore rajouter 22 000 fonctionnaires occupants des postes autres qu’imam au sein du Diyanet en 2010). Cependant, le Diyanet ne subventionne pas les autorités religieuses alévies, les « dedes ».

Les avis sont très partagés, au sein des alevis, quant aux remèdes à apporter à ces inégalités. Certains défendent la suppression pure et simple du Diyanet et des cours de religion obligatoires, considérés comme pro-sunnites. Ce sont principalement les groupes laïques réticents à une intervention de l’Etat dans la sphère religieuse. D’autres ont émis la volonté de recevoir du Diyanet les mêmes services que les sunnites. L’Etat subventionnerait ainsi le traitement des « dedes » et la construction des lieux de culte (bien que le Diyanet ne subventionne quasiment jamais les mosquées, dont les constructions sont financées par les dons des croyants).

Au sujet du « cours de culture religieuse et de connaissances morales » et de son caractère obligatoire (stipulé par l’article 24 de la Constitution instaurée par le régime militaire de 1982), plusieurs propositions de solution ont été émises : la suppression du caractère obligatoire de ce cours, la suppression totale du cours du programme des écoles publiques, ou encore une adaptation du programme pour qu’il soit, comme son nom l’indique, « Cours de culture religieuse et de connaissances morales », c’est-à-dire neutre et non pro-sunnite.

Après les longs débats autour de la question du « cours de culture religieuse et de connaissances morales » et la décision du 9 octobre 2007 de la CEDH (Hasan et Eylem Zengin c. Turquie), le gouvernement actuel a opté pour la troisième solution et a donné, dans le nouveau programme de 2012-2013, une place à l’alévisme qu’il estime proportionnelle au besoin des populations alévies. Jusqu’à présent, l’alévisme était évoqué rapidement, parmi « les interprétations ésotérique de l’islam ». Dans le nouveau programme, l’alévisme est maintenant présenté dans de nombreux chapitres qui présentent ses croyances, son culte, son éthique et son histoire.

Les ajouts apportés au programme sont donc nombreux. A titre d’exemple, on peut citer l’explication du jeûne du mois de muharram ; l’importance d’Ali (gendre et cousin du prophète) et d’Ahlu al-Bayt (la famille du prophète) ; la présentation de figures de l’alévisme (Ahmed Yesevi, Haci bektas Veli et Ali al-Riza). Le nevruz (fête traditionnelle des peuples iraniens, kurdes et turcs) sera traité dans l’unité consacrée aux jours importants de l’islam et dans l’objectif : « partageons nos malheurs et nos bonheurs ». L’alévisme sera évoqué dans le cours sur les « interprétations de l’islam » ainsi que dans celui sur « l’islamisation des Turcs ». Des pratiques alévies telle que le « cem » et le « semah » (le cem est un rituel religieux constitué de douze services, un de ces douze services est le semah qui désigne une danse sacrée, composée de mouvements corporels de type mystique) ou la calligraphie alévie, ou des principes alévis (« musahip » (frère de l’au-delà) et « Dört Kapı Kırk Makam », 4 Seuils, 40 Stations, qui désignent des étapes du progrès dans la foi) seront également exposés.

Arif Gümus

  • Février 2012 : débat sur la réforme de l’éducation

Le ministère de l’Éducation nationale a adopté une réforme qui porte de 8 à 12 ans la durée de l’éducation obligatoire. L’opposition critique notamment la segmentation en trois cycles de ces douze années (en nommant ce dispositif « 4+4+4 »).

Avant cette réforme, les élèves du primaire et du secondaire en Turquie passaient au minimum huit années dans les classes ; à partir de l’âge de six ans, ils passaient par huit années obligatoires et ininterrompues de scolarité. Le gouvernement a porté cette durée à douze ans. Personne ne s’oppose à la durée de l’éducation obligatoire ; par contre, la polémique porte sur la segmentation des douze années en trois cycles de quatre années chacune.

La première critique de l’opposition au Parlement et de nombreuses ONG sur la formule 4+4+4 concerne les enfants qui sont obligés de commencer l’école primaire à l’âge de 5 ans. L’ancienne loi prévoyait qu’un enfant âgé de 72 mois (6 ans) pourrait commencer l’école primaire, mais la nouvelle réforme abaisse cette limite de 72 mois à 60 mois. Cela veut dire que les enfants âgés de 60 mois (5 ans) qui répondent à certains critères pédagogiques devront commencer l’école, même si leurs parents ne l’acceptent pas, la seule possibilité d’échapper à cette loi étant de payer une indemnité.

L’autre critique porte sur l’autorisation de la réouverture des écoles dites Imam Hatip dès le niveau élémentaire. La nouvelle loi prévoit qu’à l’issue du premier cycle de quatre ans, lorsque l’enfant atteint donc l’âge de dix ans, il pourrait être orienté vers une filière d’enseignement professionnel, et notamment vers les écoles Imam Hatip.

Selon la nouvelle loi, les enfants qui n’ont pas choisi une école Imam Hatip ont maintenant la possibilité de choisir trois cours optionnels de religion à l’école, intitulés « le Coran », « la vie de Mohammed » et « les principales connaissances religieuses ». Avec ce cours de religion obligatoire, un enfant de l’âge de 11 ans qui ne va pas à une école Imam Hatip a la possibilité de prendre quatre cours de religion, équivalant à 8 heures de cours de religion au total.

Source : Le petit journal.

D 20 décembre 2012    AArif Gümus

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