eurel     Données sociologiques et juridiques sur la religion en Europe et au-delà

2012

  • 5 septembre 2012 : CJUE : la religion comme motif de persécution

Par l’arrêt Bundesrepublik Deutschland c/ Y. et Z. du 5 septembre 2012 (affaires jointes C-71/11 et C-99/11), la Cour de justice de l’Union européenne précise dans quelle mesure des atteintes à la liberté de religion peuvent constituer une persécution au sens de l’article 9 de la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 sur les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié.

Y et Z, originaires du Pakistan et membres de la communauté ahmadiste, affirment avoir été contraints de quitter le Pakistan en raison de leur appartenance à cette communauté et vivent en Allemagne où ils ont sollicité l’asile et la protection en tant que réfugiés.

Les autorités allemandes ont rejeté leurs demandes d’asile en considérant que les restrictions à la pratique de la religion en public imposées aux ahmadis au Pakistan ne constituaient pas une persécution au regard du droit d’asile. A la suite de plusieurs recours qui annulent la décision de rejet de l’administration, la juridiction de renvoi (Bundesverwaltungsgericht, tribunal administratif fédéral) a interrogé la Cour de justice par voie préjudicielle en lui demandant de préciser quelles sont les restrictions à la pratique d’une religion qui constituent une persécution justifiant l’octroi du statut de réfugié.

La Cour constate que seules certaines formes d’atteintes graves au droit à la liberté de religion peuvent constituer un acte de persécution, et précise que toute atteinte au droit à la liberté de religion qui viole l’article 10, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’UE n’est pas susceptible de constituer un acte de persécution au sens de l’article 9 de la directive (point 58). Ces violations graves comprennent des actes graves atteignant la liberté du demandeur non seulement de pratiquer sa croyance dans un cercle privé, mais également de vivre celle-ci de façon publique (point 63).

Il y a persécution si la victime court un risque réel, notamment d’être poursuivi ou d’être soumis à des traitements ou à des peines inhumains ou dégradants. L’évaluation d’un tel risque implique pour l’autorité compétente la prise en compte d’une série d’éléments tant objectifs que subjectifs. La Cour relève que la circonstance subjective que l’observation d’une certaine pratique religieuse en public, qui fait l’objet des limitations contestées, soit particulièrement importante pour l’intéressé aux fins de la conservation de son identité religieuse est un élément pertinent dans l’appréciation du niveau de risque auquel le demandeur serait exposé dans son pays d’origine du fait de sa religion. Il en est ainsi même si l’observation d’une telle pratique religieuse ne constitue pas un élément central pour la communauté religieuse concernée (point 70).

Enfin, la Cour relève que, dès lors qu’il est établi que l’intéressé, une fois de retour dans son pays d’origine, effectuera des actes religieux l’exposant à un risque réel de persécution, il devrait se voir octroyer le statut de réfugié. À cet égard, la Cour considère que, lors de l’évaluation individuelle d’une demande visant à obtenir le statut de réfugié, les autorités nationales ne peuvent pas raisonnablement attendre du demandeur que, pour éviter un risque de persécution, il renonce à la manifestation ou à la pratique de certains actes religieux (point 80).

  • 14 février 2012 : Le registre « transparency »

Les relations entre les institutions de l’UE et les religions se structurent en parallèle à un mouvement d’institutionnalisation des relations UE/société civile et ce, dans le même but : réduire le fossé entre les citoyens européens et la construction européenne. Maintes exemples peuvent être convoqués : les mandats Delors ; le Livre blanc sur la gouvernance (2001) ; le titre VI du Traité constitutionnel : « la vie démocratique de l’Union » (2005) (Pour une analyse détaillée voir : Bérengère Massignon, Des dieux et des fonctionnaires. Religions et laïcités face au défi de la construction européenne, Rennes, PUR, 2007, pp. 238-254).

A travers ces expériences et ces textes, les Eglises veulent se voir reconnaître dans leur spécificité par rapport aux autres organisations de la société civile. L’article I-17.3 du Traité de Lisbonne précise : « Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations ».

Dans la ligne de cet article et dans un souci de clarifier ses relations avec les groupes de pression toujours plus nombreux à Bruxelles, la Commission européenne et le Parlement européen ont mis en place un registre commun d’accréditation où chaque groupe d’intérêt est invité à s’enregistrer. La plupart des organisations religieuses ont refusé de s’enregistrer sous la première mouture de ce registre car elles apparaissaient mélangées à d’autres lobbys (23 juin 2008). En effet, sous la rubrique « V. Autres organismes », il y avait une sous-rubrique : « représentants de religions, d’Eglises et de communautés de conviction ». La dernière mouture (23 juin 2011) comprend une rubrique à part : « V. Organisations représentant des Eglises et communautés religieuses » ce qui ouvre la voie à leur enregistrement. Dans un communiqué de presse daté du 11 avril 2011, la COMECE explique les points positifs du nouveau registre :

« Ce faisant, on assure la nécessaire séparation et distinction entre lobbyistes et représentants d’intérêts, d’une part, et tous les organismes ne faisant pas partie de ce secteur, d’autre part ». Au rang de ces derniers figurent les représentations des Eglises et des communautés religieuses auxquelles a été consacrée une section spécifique (V) reconnaissant leur identité, rôle et statut propres. La spécification incluse dans le registre précisant que les Eglises elles-mêmes ne sont pas concernées par le registre est cruciale. Il convient également de saluer le changement de terminologie pour l’intitulé du registre, qui fait désormais référence à la ‘transparence’ plutôt qu’à des ‘lobbys/représentations d’intérêt. »

27 organisations religieuses sont inscrites à ce jour (14 février 2012) contre 5 dans le précédent registre, ce qui est peu au regard des 86 groupes religieux invités aux réunions de briefing organisées par le BEPA (the Board of European Policy Advisers), le think tank du Président de la Commission européenne.

Voir : le registre en ligne.

D 5 octobre 2012    AFrançoise Curtit

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