Représentation des communautés religieuses et groupes philosophiques auprès de l’Union européenne
Les structures appartenant au champ du conseil de l’Europe sont antérieures à celles créées dans le cadre de l’Europe communautaire. Il s’agit de la Conférence des Eglises Européennes (CEC), créée en 1959, regroupant protestants, anglicans et orthodoxes, et du Conseil des Conférences Episcopales d’Europe (CCEE), fondée en 1971, rassemblant les conférences épiscopales européennes.
Les premières structures confessionnelles présentes à Bruxelles doivent beaucoup plus à l’action de fonctionnaires européens chrétiens engagés, côté protestant, et à celle des ordres religieux, côté catholique plutôt qu’à l’action directe des Eglises. A l’origine de la Commission Œcuménique Européenne pour Eglise et Société (EECCS), créée en 1973 et intégrée par la suite comme Commission Eglise et Société (CES) de la CEC, se trouve l’AOES (Association Œcuménique pour Eglise et Société), un groupes de fonctionnaires européens engagés. Côté catholique, la première structure à Bruxelles est à l’initiative d’un ordre religieux. C’est le bureau jésuite, l’Office Catholique d’Information sur les Problèmes Européens (OCIPE, devenu JESC), fondé en 1956 à Strasbourg, puis en 1963 à Bruxelles. La création de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE) en 1980 doit notamment à l’action de certains évêques et aussi à la demande de fonctionnaires européens.
La présidence de Jacques Delors (1985-1995) constitue une inflexion dans les rapports avec les religions et humanistes, dans le sens de l’institutionnalisation et du multi-partenariat. C’est dans la période 1990-94, que s’élaborent les relations entre la Commission européenne et les religions. En décembre 1994, une grande réunion est organisée par Jacques Delors avec les représentants catholiques, protestants, orthodoxes, juifs et musulmans auxquels sont adjoints les responsables de la Fédération humaniste européenne (FHE). Fin 1994, début 1995 est mise en place l’initiative "une âme pour l’Europe" chargée de financer des rencontres oecuméniques, voire interreligieuses et multinationales pour parler du sens de la construction européenne.
Deux types de rencontres périodiques ont été mises en place par Thomas Jansen, responsable des relations avec les religions et humanistes à la CDP de 1996 à 1999 : des séminaires de dialogue bi-annuels avec la Commission œcuménique européenne pour Eglises et société (EECCS) et la Commission des conférences épiscopales de la Communauté européenne (COMECE) où sont discutées avec des fonctionnaires européens des questions intéressant les Eglises, ainsi que des réunions de briefing bi-annuelles après chaque sommet européen. Ces dernières réunions ont accueilli un nombre grandissant de partenaires : 11 en 1996, 32 en 2000 et une cinquantaine en 2003.
L’EECCS/CEC et la COMECE ont également structuré des relations avec le Conseil des ministres : depuis 1997, ces organisations rencontrent ensemble la future présidence de l’Union pour discuter de son agenda. La COMECE a aussi entrepris de structurer ses relations avec le Parti populaire européen, principal parti du Parlement européen, à tendance démocrate chrétienne.
La présidence Prodi a été une période de crises et de renouveau dans les relations entre la Commission européenne et les religions. L’initiative "une âme pour l’Europe", en crise depuis la chute de la Commission Santer, s’est finalement auto-dissoute au début 2004 ; les séminaires de dialogue ont été un temps suspendus. Les cadres formels et périodiques de dialogue UE-religions ont donc été en crise, laissant place à des forums d’experts sur des sujets religieux, mais sans la présence de représentants religieux à proprement parler, comme le Groupe de réflexion sur la dimension spirituelle et culturelle de l’Europe (Groupe Michalski) qui a réfléchi à la place de la religion dans l’identité européenne à l’occasion de la Convention sur le Traité constitutionnel ou le Groupe des Sages sur le dialogue entre les peuples et les cultures, réuni pour réfléchir aux outils renouvelés du dialogue interculturel et interreligieux dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen.
Sous l’impulsion du futur article 17 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne sur un dialogue "ouvert, transparent et régulier" entre les institutions de l’UE et les Eglises, religions et l’humanisme séculier, le cadre des relations entre la Commission et les religions a été renforcé, à la fin de la Commission Prodi et sous celle de son successeur Barroso : élargissement des séminaires de dialogue aux orthodoxes, plusieurs réunions au sommet avec le Président Barroso et quatre réunions d’information par an pour un nombre croissant d’organisations religieuses. Parmi elles, au nom du principe d’ouverture, des organisations très minoritaires et parfois controversées comme l’Eglise de Scientologie, la Sokka Gakkaï, la Science chrétienne ou les Mormons.
Pour avoir un aperçu des différentes rencontres et des échanges menés par la Commission européenne dans le cadre du dialogue avec les organisations religieuses et non-confessionnelles, voir le site de la DG Justice
Il faut cependant prendre conscience que l’essentiel des relations entre groupements religieux et humanistes avec les institutions de l’Union européenne passe par le canal informel du lobbying au gré des intérêts défendus, des contacts personnels établis et des opportunités. Les groupes religieux et philosophiques ne sont pas égaux dans ce travail d’approche des institutions européennes dans la mesure où ils disposent de ressources humaines, financières, organisationnelles et d’un capital relationnel très différents.