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Cadre juridique

Principe de laïcité

La laïcité est un principe d’organisation des pouvoirs publics, fruit d’une évolution historique issue de la Révolution française. Dès 1789, l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme (...)

La laïcité est un principe d’organisation des pouvoirs publics, fruit d’une évolution historique issue de la Révolution française. Dès 1789, l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclame la liberté religieuse, puis la Constitution de 1791 instaure la liberté des cultes. À la fin du 19e siècle, les lois scolaires rendent l’école gratuite, laïque et obligatoire. La loi du 9 décembre 1905 met fin au service public des cultes reconnus. Sans citer explicitement la notion de laïcité, elle définit ses contours en énonçant le principe de séparation des Églises et de l’État (art. 2) et en réaffirmant la garantie de la liberté de conscience et du libre exercice des cultes (art. 1). La laïcité devient principe constitutionnel avec l’article 1er de la Constitution de 1946, et aujourd’hui l’article 1er de la Constitution de 1958 énonce que : « la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. (…) »
Principe d’indépendance réciproque entre le pouvoir politique et les différents courants spirituels ou religieux, la laïcité comporte ainsi plusieurs dimensions, rappelées par le Conseil d’État dans son rapport public de 2004 : neutralité de l’État, liberté de religion et respect du pluralisme.
 Le principe de neutralité des services publics est étroitement lié à la garantie d’égalité de traitement des citoyens. S’ils disposent de la liberté de conscience, les agents des services publics ne peuvent, dans le cadre de leur activité professionnelle, exprimer d’opinions philosophiques, religieuses ou politiques. Une jurisprudence constante (CE, avis, 3 mai 2000, Melle Marteaux, n° 217017) a notamment établi l’interdiction pour les agents publics de tous signes distinctifs à caractère religieux.
 La liberté de religion est une liberté fondamentale dont les manifestations peuvent être cependant limitées pour des motifs d’ordre public. Comme dans les autres pays européens, elle est en France largement encadrée par le droit international et en particulier par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
 La laïcité et le fait que l’État « ne reconnaît aucun culte » (art. 2 de la loi de 1905) ne signifie pas que celui-ci ignore le phénomène religieux, mais plutôt qu’il doit respecter toutes les croyances. Il est garant du pluralisme religieux et intervient positivement pour promouvoir l’égalité entre les cultes.
Le Conseil constitutionnel intervient à deux reprises pour préciser le principe de laïcité. Dans une décision de 2004, le Conseil constitutionnel indique que la laïcité interdit à quiconque de se prévaloir de ses convictions religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers. Dans une décision de 2013, le Conseil constitutionnel précise que "le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu’il en résulte la neutralité de l’État ; (...) que la République ne reconnaît aucun culte ; que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; qu’il implique que celle-ci ne salarie aucun culte".

Ressources : Avis, Guides et Documents utiles

D 9 janvier 2023    AFrançoise Curtit ALauren Bakir

Organisation des cultes : le régime général

Les cultes sont organisés sous différentes formes juridiques. La loi du 9 décembre 1905 prévoit la constitution d’associations cultuelles, « associations formées pour subvenir aux frais, à (...)

Les cultes sont organisés sous différentes formes juridiques. La loi du 9 décembre 1905 prévoit la constitution d’associations cultuelles, « associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte » (art. 18) qui sont créées conformément au droit commun des associations (loi du 1er juill. 1901). L’Église catholique a refusé ce statut au motif, notamment, qu’il ne respectait pas l’organisation hiérarchique de l’Église et a créé pour sa part, à partir de 1924, des associations diocésaines placées sous l’autorité de l’évêque. Ces deux types d’associations ont exclusivement pour objet l’exercice d’un culte et ne peuvent recevoir de subventions publiques. Elles bénéficient cependant d’un certain nombre d’avantages fiscaux (sur la question du financement, voir la rubrique Financement des cultes). Les cultes peuvent également avoir recours à d’autres formes juridiques : associations de droit commun (loi 1901), fondations… qui peuvent avoir une finalité partiellement ou totalement religieuse.
Concernant la propriété des édifices du culte, les départements et les communes se sont vu reconnaître par la loi de 1905 (art. 12 et s.) la propriété des édifices leur appartenant à cette date et des édifices appartenant aux anciens établissements publics du culte non revendiqués par une association cultuelle (cas des édifices catholiques). La loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes prévoit néanmoins que les édifices (très majoritairement catholiques) qui font partie du domaine public sont « laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion » (art. 5). Les cultes juif et protestants qui ont formé des associations cultuelles ont reçu quant à eux la pleine propriété des édifices appartenant auparavant aux anciens établissements publics, ces édifices étant grevés d’une affectation légale au culte. Les édifices du culte construits après 1905 appartiennent aux personnes privées qui les ont construits ou acquis. Cette pluralité de régimes de propriété des édifices cultuels entraîne une multiplicité de règles applicables pour leur entretien et leur conservation.
La loi du 24 août 2021 renforçant le respect des principes de la République modifie le régime juridique des associations à objet cultuel, c’est à dire à la fois les associations cultuelles de la loi de 1905 et les associations de la loi de 1901 (pour compléter : un article de la Revue du droit des religions).

D 9 janvier 2023    AFrançoise Curtit ALauren Bakir

Organisation des cultes : les régimes locaux

Des fondements historiques et la volonté des populations de conserver des particularités juridiques territoriales ont conduit au maintien de différents statuts de droit local qui continuent à (...)

Des fondements historiques et la volonté des populations de conserver des particularités juridiques territoriales ont conduit au maintien de différents statuts de droit local qui continuent à coexister avec le régime de la loi de 1905.

 Droit local d’Alsace-Moselle

Les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (Alsace-Moselle) sont redevenus français en 1918 après près de cinquante ans d’annexion par l’Allemagne. L’ancienne législation cultuelle qui était restée applicable sous le régime allemand est maintenue en vigueur par la loi du 1er juin 1924 : loi du 18 germinal an X (Concordat de 1801 et Articles organiques du culte catholique et des cultes protestants) et ordonnance du 25 mai 1844 (culte juif). Ni la loi de 1901, ni celle de 1905 ne s’appliquent donc dans ces trois départements et cette exception, qui a été maintenue à la suite de la Seconde guerre mondiale, perdure aujourd’hui encore.
Ce droit local des cultes se caractérise par un régime de cultes reconnus pour l’Église catholique, les Eglises protestantes luthérienne et réformée et le culte israélite. Organisés dans le cadre du droit public, ils peuvent être financés par l’Etat et les collectivités locales et leurs ministres du culte sont rémunérés par l’Etat. Les autres confessions sont organisées selon un statut d’association inscrite de droit local et peuvent être subventionnées volontairement par les pouvoirs publics.
En matière d’enseignement, les pouvoirs publics sont tenus d’organiser un enseignement religieux confessionnel intégré dans les programmes des établissements d’enseignement primaire, secondaire et professionnel. Les parents qui le désirent peuvent faire dispenser leur enfant de l’enseignement religieux.

 Régimes des cultes outre-mer

En matière cultuelle, plusieurs régimes juridiques s’appliquent dans les différentes collectivités d’outre-mer. Selon les dispositions du décret du 6 février 1911, le régime général de la loi du 9 décembre 1905 s’applique à la Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion.
En Guyane, une ordonnance royale du 27 août 1828 organise le seul culte catholique. Ses ministres sont rémunérés par le département qui entretient par ailleurs ses édifices cultuels. Les autres cultes sont gérés dans le cadre du décret-loi du 16 janvier 1939 (décret Mandel).
Ce même décret-loi s’applique en Polynésie française (Tahiti et Îles Marquises), à Saint-Pierre et Miquelon, Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie. Dans ces territoires, les cultes sont constitués en « missions religieuses » dotées d’un conseil d’administration.
Ce décret du 16 janvier 1939 s’applique également avec quelques particularités à Mayotte ; le culte musulman, majoritaire dans ce département, organise quant à lui ses activités dans le cadre d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901.

Pour plus de détails, voir la circulaire du 25 août 2011 sur la réglementation des cultes outre-mer et le droit des cultes applicables en outre-mer, tableau synthétique.
Voir aussi l’article d’Anne Fornerod, "Après le droit alsacien-moselan, le droit des cultes guyanais devant le Conseil constitutionnel français", ORELA, juillet 2017.

D 6 juillet 2017    AFrançoise Curtit

Le bureau central des cultes

Les relations de l’Etat avec les autorités représentatives des cultes sont gérées notamment par le bureau central des cultes du Ministère de l’Intérieur.
Pour en savoir plus sur l’histoire et (...)

Les relations de l’Etat avec les autorités représentatives des cultes sont gérées notamment par le bureau central des cultes du Ministère de l’Intérieur.

Pour en savoir plus sur l’histoire et les attributions de cette administration, lire le document rédigé par Bertrand GAUME, ancien chef du bureau central des cultes.

D 8 janvier 2023   

Port de signes religieux

A la suite notamment du rapport de la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République (Rapport Stasi), le parlement a voté la loi du 15 mars 2004 encadrant le (...)

A la suite notamment du rapport de la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République (Rapport Stasi), le parlement a voté la loi du 15 mars 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Une circulaire du 18 mai 2004 précise ses modalités d’application (voir sur ce sujet la rubrique Religion et société). Dans la jurisprudence, la loi du 15 mars 2004 a parfois été appliquée de façon extensive. Par exemple, une collégienne qui portait « une longue jupe noire couvrant son pantalon et un large bandeau masquant une grande partie de ses cheveux » a été exclue d’un établissement scolaire. La question du port de signes religieux par les parents accompagnant les élèves lors des sorties scolaires s’est également posée à de nombreuses reprises. Le 20 septembre 2013, dans une étude demandée par le Défenseur des droits, le Conseil d’État s’oppose à une telle extension du principe de laïcité, les personnes privées bénéficiant de la liberté de manifester leurs convictions. Cette position sera suivie dans la jurisprudence.
Faisant suite aux travaux de la Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national (voir Débats actuels octobre 2010), la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public vise notamment à interdire le voile intégral dans tous les espaces publics (voies publiques, lieux ouverts au public et lieux affectés à un service public, art. 2). Le non-respect de cette interdiction est sanctionné d’une amende d’un montant maximal de 150 euros, à laquelle peut s’ajouter ou se substituer l’obligation d’effectuer un stage de citoyenneté (art. 3). La loi réprime par ailleurs le fait pour toute personne d’imposer à une ou plusieurs autres personnes, en raison de leur sexe, de dissimuler leur visage par menace, violence, contrainte, abus d’autorité ou abus de pouvoir (un an d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, art. 4).
Une circulaire du 2 mars 2011 précise les modalités d’application de cette interdiction (champ d’application de la loi, conduite à tenir dans les services publics, information du public).
Dans sa décision n° 2010-613 DC du 7 octobre 2010, le Conseil constitutionnel a considéré que « le législateur a estimé que de telles pratiques [dissimulation du visage] peuvent constituer un danger pour la sécurité publique et méconnaissent les exigences minimales de la vie en société ; [il] a également estimé que les femmes dissimulant leur visage, volontairement ou non, se trouvent placées dans une situation d’exclusion et d’infériorité manifestement incompatible avec les principes constitutionnels de liberté et d’égalité ». Il juge que cette loi procède à une conciliation qui n’est « pas manifestement disproportionnée » entre la sauvegarde de l’ordre public et la garantie des droits constitutionnellement protégés. (Voir aussi, à propos des premiers arrêts de la Cour de cassation sur le port d’un voile intégral, la rubrique Débats actuels mars 2013). Le 1er juillet 2014, la Cour européenne des droits de l’Homme s’est prononcée sur la conformité de cette restriction de liberté à la Convention européenne des droits de l’Homme : par une interprétation large des buts légitimes énumérés dans la Convention (la protection des droits et libertés d’autrui) que la Cour a déclaré, sur la base des exigences liées au vivre-ensemble, la loi conforme à la Convention.

La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires codifie un principe établi de longue date : la neutralité des fonctionnaires qui leur interdit, notamment, de porter des signes religieux dans l’exercice de leurs missions. Par une décision rendue le 19 décembre 2017, la Cour administrative d’appel de Versailles juge que le port d’une barbe par un stagiaire dans un hôpital public n’est pas considéré comme un signe religieux et ne porte donc pas atteinte au principe de neutralité dans les services publics.

Par ailleurs, la question du port de signes religieux par les élèves infirmiers s’est posée. Par un arrêt rendu en 2017, le Conseil d’État (CE, 28 juillet 2017, Boutaleb et a., n° 390740) distingue deux cas. Dans le premier cas de figure, l’élève suit un enseignement dans un lycée public : la loi du 15 mars 2004, qui s’applique dans l’espace scolaire et pas uniquement aux élèves, est applicable. Si l’élève infirmier suit un enseignement dans un institut de formation, il n’est libre de manifester ses convictions – les usagers du service public de l’enseignement supérieur étant libre d’extérioriser leurs convictions dans les limites de l’ordre public et du bon déroulement des enseignements. Dans le second cas, l’élève infirmier est en stage : s’il est en stage dans un établissement chargé d’une mission de service public, il doit respecter l’obligation de neutralité pesant sur les agents publics – une obligation déclarée conforme à la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH, 26 novembre 2015, Ebrahimian c. France, n° 64846/11). En revanche, si l’élève infirmier fait son stage dans un établissement privé non chargé d’une mission de service public, il n’est pas soumis à l’obligation de neutralité mais au règlement intérieur de l’établissement : une telle obligation de neutralité, qui ne relève plus du principe de laïcité, doit être prévue dans le règlement intérieur et dans les conditions prévues par le Code du travail. Sur ce point, suite à l’affaire dite Babyloup, le législateur a adopté la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels introduisant un article L. 1321-2-1 du Code du travail et posant les conditions de cette clause de neutralité dans l’entreprise.

Enfin, durant l’été 2016, de nombreux arrêtés municipaux ont été adoptés dans l’objectif d’interdire le port du burkini à la plage. Par une ordonnance rendue le 26 août 2016, le Conseil d’État rappelle les principes fondamentaux : dans l’espace public, la liberté de porter des signes religieux ne peut rencontrer comme limite que des considérations liées à l’ordre public, et en aucun cas à la laïcité.

D 12 octobre 2022    AFrançoise Curtit ALauren Bakir

Principe de non-discrimination et entreprises de tendance

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, puis les constitutions du 27 octobre 1946 et du 4 octobre 1958 ont énoncé un principe d’égalité devant la loi qui prohibe les (...)

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, puis les constitutions du 27 octobre 1946 et du 4 octobre 1958 ont énoncé un principe d’égalité devant la loi qui prohibe les différences de traitement entre les personnes, sur la base notamment de la religion ou des convictions. La législation française en matière de discrimination s’est développée essentiellement par la transposition des directives communautaires (loi du 16 nov. 2001, complétée par les lois du 17 janvier 2002 et 27 mai 2008). La discrimination est réprimée en droit pénal (C. pén., art. 225-1 et s.) et le Code du travail sanctionne tout acte discriminatoire dans la relation de travail (C. trav., art. L. 1131-1 et s.). Dans ce domaine, d’éventuelles différences de traitement doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et être proportionnées au but recherché (C. trav., art. L. 1133-1 et L. 1321-3). La jurisprudence en matière de discrimination religieuse est peu importante.
En transposant les directives communautaires, les lois françaises n’ont pas retenu d’exception à l’égalité de traitement fondée sur les convictions ou la religion (art. 4 de la directive 2000/78) et cette question n’a d’ailleurs pas été débattue. La jurisprudence a cependant reconnu à plusieurs reprises qu’une entreprise de tendance confessionnelle ne commet pas de discrimination en choisissant son personnel sur le fondement d’un critère de conformité religieuse (Cass. ass., 19 mai 1978, Dame Roy, n° 76-41.211 ; Cass. soc., 20 nov. 1986, Fischer, n° 84-43.243).
Les attributions de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) créée en 2005 ont été transférées en mai 2011 au Défenseur des droits, nouvelle autorité constitutionnelle indépendante, compétente notamment en matière de lutte contre les discriminations.

D 21 avril 2013    AFrançoise Curtit

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