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L’abattage religieux en Roumanie

Le cadre social de la question de l’abattage religieux

Le sujet de l’abattage religieux est pratiquement inconnu de la société roumaine et très peu étudié par les spécialistes roumains. Cela s’explique par le fait que ce sujet est soulevé par la confrontation des droits de l’homme et des droits des animaux, qui ne sont devenus des sujets de débat public qu’après la chute du communisme en 1989, et surtout après 2000, lorsque les négociations pour l’adhésion de la Roumanie à l’UE se sont intensifiées. Une autre cause pourrait être la très faible part de la population totale de la Roumanie dans les communautés directement concernées par cette question : les communautés juives et musulmanes.
Même si le débat roumain sur l’abattage religieux n’en est qu’à ses débuts et que son impact sur les politiques publiques est très limité, un bref aperçu de l’histoire des communautés juives et musulmanes en Roumanie montre que l’abattage religieux a une très longue histoire sur le territoire roumain d’aujourd’hui.
La minorité juive est devenue importante en termes numériques, mais aussi économiques et culturels, depuis le 19e siècle. Selon le recensement officiel de 1930, le nombre total de Juifs en Roumanie était de 756 930. En raison de l’antisémitisme et du régime communiste athée, la plupart des Juifs de Roumanie ont émigré en Israël et dans les pays occidentaux au cours du 20e siècle. Ainsi, lors du recensement de 2011, seules 3519 personnes se sont déclarées juives. Les lois restrictives (jusqu’en 1919, les Juifs ne pouvaient pas acquérir la citoyenneté roumaine), qui empêchaient les Juifs d’occuper des postes dans l’État roumain ou de posséder des terres, les ont poussés à se tourner vers les métiers du commerce. En 1884, à Bucarest, la capitale de la Roumanie, il y avait 131 bouchers juifs sur un total de 847, soit 27%. On peut naturellement supposer que la majeure partie, sinon la totalité, du stock de viande vendu par les bouchers juifs était casher. Des documents de la même époque parlent de villes où les taxes pour les marchands de viande casher étaient très élevées afin de protéger le commerce de la viande de la population majoritaire, mais aussi pour empêcher les Juifs de s’établir dans ces localités.
Quant à l’islam, dans la Roumanie actuelle, il n’est suivi que par 0,3 % de la population (64 337 musulmans) selon le recensement de 2011.

Dispositions légales concernant l’abattage religieux en Roumanie

Du point de vue des dispositions légales concernant l’abattage religieux, la Roumanie fait partie de la longue liste des pays européens (voir DIALREL) qui autorisent l’abattage religieux. Seuls cinq pays membres de l’UE (Lettonie, Suède, Slovénie, Finlande, Danemark - la Pologne, qui a interdit l’abattage religieux sans étourdissement préalable en 2013, a annulé sa décision fin 2014, car elle a été jugée inconstitutionnelle) n’autorisent pas l’abattage d’animaux sans étourdissement préalable.
Du point de vue de la réglementation, la Roumanie suit les exigences de l’UE en la matière. Les dispositions légales en vigueur sont synthétisées dans l’art. 2 par. (2), art. 5 par. (2) de la Décision 180/11.08.2006 de l’Autorité Nationale Sanitaire Vétérinaire et de Sécurité Alimentaire (abrégée en roumain - ANSVSA) pour l’approbation de la norme sanitaire vétérinaire sur la protection des animaux pendant l’abattage et la mise à mort :
Art. 2 (2) Dans le cas des abattages religieux, l’autorité religieuse pour laquelle l’abattage est pratiqué sera compétente pour appliquer et contrôler les dispositions spécifiques applicables à l’abattage selon certains rituels religieux. En ce qui concerne les dispositions susmentionnées, l’autorité religieuse agira sous la responsabilité d’un vétérinaire officiel, conformément aux dispositions de l’art. 2 de la norme sanitaire vétérinaire relative aux conditions sanitaires de production et de commercialisation de la viande fraîche, approuvée par l’arrêté du ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Forêts n° 401/2002, publié au Journal officiel. 401/2002, publié dans le Journal officiel de la Roumanie, Partie I, no. 32 du 22 janvier 2003, transposant la directive 64/433/CEE du Conseil.
Art. 5 (1) Les solipèdes, les ruminants, les porcs, les lapins et les oiseaux amenés à l’abattoir pour y être abattus sont : c) étourdis avant l’abattage ou mis à mort instantanément conformément aux dispositions de l’annexe n° 3 :
(2) Pour les animaux soumis à des méthodes d’abattage particulières exigées par certains rituels religieux, le paragraphe (1) point c) ne s’applique pas.

L’ANSVSA, l’institution roumaine qui accorde la dérogation à l’obligation d’étourdissement des animaux avant l’abattage, a rédigé un Guide sur la protection des animaux au moment du sacrifice, qui détaille les étapes de l’obtention de l’autorisation d’effectuer des sacrifices religieux.
Ainsi, pour procéder à l’abattage religieux, les opérateurs titulaires d’un abattoir agréé pour le commerce intracommunautaire doivent soumettre les documents suivants aux départements sanitaires, vétérinaires et de sécurité alimentaire :
 Demande de dérogation à l’étourdissement des animaux destinés à être sacrifiés rituellement, contenant des informations détaillées sur les espèces d’animaux concernées, leur nombre et leur date, ainsi que les jours où le sacrifice rituel est prévu dans l’abattoir en question ;
 Photocopie du document d’attestation délivré par l’autorité religieuse respective, constituée et reconnue comme personne morale d’utilité publique conformément aux dispositions de la loi n° 489/2006 sur la liberté religieuse et le régime général des cultes, par lequel l’abattoir est reconnu pour effectuer la découpe rituelle.
Sur la base de ces documents, si l’abattoir reçoit l’autorisation d’effectuer l’abattage religieux, un représentant de la direction départementale de la sécurité sanitaire vétérinaire et alimentaire visite l’abattoir pour vérifier s’il répond aux exigences sanitaires vétérinaires en matière de protection et de bien-être des animaux.
En théorie, il est assez facile pour un abattoir roumain, autorisé à commercer dans l’UE, d’obtenir l’autorisation d’abattage religieux, mais dans la pratique, l’aspect le plus important de ce processus est l’attestation reçue des autorités religieuses. Les confessions juives et musulmanes sont reconnues par l’État roumain. Les certificats qu’elles délivrent pour les produits casher et halal ne sont valables qu’un an et doivent ensuite être renouvelés.
Selon les dernières statistiques, en Roumanie, 20 abattoirs halal et 5 abattoirs casher autorisés sont actuellement agréés pour pratiquer l’abattage religieux. Pour le mois de juin 2017, la production de viande provenant d’animaux (volailles) abattus selon le rituel religieux casher est de 298 tonnes, et la production de viande provenant d’animaux (bovins, ovins et volailles) abattus selon le rituel religieux halal est de 10254 tonnes. Si l’on rapporte ces chiffres au nombre de juifs et de musulmans résidant en Roumanie, il devient évident que la majeure partie de la production de viande obtenue après les abattages religieux est destinée à l’exportation.
En définitive, pour la Roumanie, l’abattage religieux a surtout une signification économique. Les certificats kasher et halal apportent plusieurs avantages aux producteurs de viande qui les obtiennent : un marché plus large et un meilleur prix pour les produits carnés. Sa position géographique, mais aussi ses relations politiques et économiques antérieures avec les pays du Proche-Orient, font de la Roumanie un acteur important sur le marché des exportations de viande vers les pays à majorité musulmane. Après que la Pologne a interdit l’abattage religieux en 2013, la Roumanie a signé un contrat pour la livraison de viande halal à la Jordanie, un pays qui importait autrefois une grande partie de sa viande de Pologne.

Sources
 A comprehensive study on religious slaughter in all countries of EU, 2006-2010, DIALREL program funded by the European Union, 2017.
 National Institute of Statistics Romania, What does the 2011 Census tell us about Religion ?, 2013.
 Iordan Bărbulescu, Gabriel Andreescu, "Animal stunning, the EU, and the Romanian lobby", Romanian Journal of Bioethics, Vol. 8, No. 1, January-March 2010, p. 190-199.

D 17 janvier 2019    AGabriel Birsan

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