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2018

  • Janvier 2018 : L’église orthodoxe bulgare historique d’Istanbul rouvre ses portes aux prières après sept ans de restauration

Le 7 janvier, les dirigeants de deux pays voisins, la Turquie et la Bulgarie, ont rouvert l’église bulgare Saint-Étienne d’Istanbul après sept ans de restauration. Cette église a une structure unique en fonte. La réouverture de l’église représente un tournant remarquable, politiquement parlant, puisque cela marquerait l’ouverture de portes pour les minorités non musulmanes et leurs droits en Turquie.

Depuis 2002, la Turquie est le témoin de gouvernements successifs à parti unique sous l’AKP (Parti de la justice et du développement, Adalet ve Kalkınma Partisi), qui dispose d’un cadre de direction pro-islamique (sunnite). Avançant initialement un programme pro-démocratique, l’AKP a pris depuis 2010 un virage autoritaire clair, qui instrumentalise une rhétorique à la fois nationaliste et pro-islamiste pour mobiliser des soutiens et étouffer l’opposition. La nouvelle préférence politique a influencé l’identité et la bureaucratie de l’État, et les décideurs ont donc commencé à agir sans respecter les droits des non-musulmans en Turquie. En outre, ces préférences politiques pro-sunnites ont commencé à affaiblir la compréhension turque de la laïcité. Ainsi, Sumantra Bose, professeur de politique internationale et comparative à la London School of Economics and Political Science, a récemment affirmé que « l’État laïc turc est mort ». Soulignant les politiques hégémoniques de la majorité hanafite-sunnite du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, il note que « l’État laïc de Kemal [père fondateur de la Turquie moderne, crédité de la laïcité du pays] n’est littéralement qu’un souvenir ».

Il existe a des indications claires que la compréhension turque de la laïcité pourrait être en danger et que l’État ne respecte plus les groupes non musulmans. Par exemple, le budget de la Diyanet sunnite (Présidence des affaires religieuses, Diyanet Işleri Başkanlığı) a quadruplé sous le régime de l’AKP. La Diyanet émet désormais des fatwa (décisions religieuses) à la demande et s’aventure dans des questions politiques, soutenant souvent l’idéologie pro-sunnite de l’AKP. Le programme scolaire national de la Turquie a été réécrit, excluant toute évolution mais ajoutant le concept de « jihad ». Le nombre d’élèves inscrits dans les écoles religieuses, officiellement appelées imam hatip, est passé de 60 000 à plus de 1,2 million depuis 2002. Par ailleurs, la plus grande mosquée de Turquie moderne est actuellement construite sur une colline de Çamlıca, surplombant Istanbul. Le président Erdoğan a déclaré qu’elle serait visible depuis n’importe où à Istanbul. Elle n’est qu’une des centaines qui sont sorties de terre ces dernières années à travers le pays, où il n’y a presque aucune nouvelle tentative pro-politique et/ou positive de fournir des lieux de culte aux non-musulmans.

Cependant, comme indiqué précédemment, dans cette atmosphère pro-sunnite, la réouverture de l’église orthodoxe bulgare et les messages des dirigeants turcs ont été étonnamment positifs. En d’autres termes, les phrases des dirigeants étaient pleines de tolérance religieuse et d’optimisme quant à l’avenir des non-musulmans de Turquie.

Par exemple, le Premier ministre turc Binali Yıldırım a noté que « la réouverture de l’église représente un exemple de l’atmosphère tolérante en Turquie ».

Après le discours de Yıldırım, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a souligné qu’« une telle ouverture porte un message significatif pour l’audience internationale en [son] nom. Istanbul a une fois de plus montré au monde qu’elle est une ville où différentes religions et cultures existent en paix. » Et d’ajouter : « La Turquie a soutenu la restauration de plus de 5000 objets anciens au cours des 15 dernières années. »

Enfin, le Premier ministre bulgare Boïko Borissov a déclaré : « Il est de la responsabilité de l’État de veiller à ce que chacun puisse adorer librement », et ajouté que « des efforts pour "normaliser” les relations entre la Turquie et l’UE en 2018 » étaient nécessaires. À ce stade, il convient de noter que la Bulgarie a endossé la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne pour six mois le 1er janvier et est donc devenue un acteur important du processus de négociation entre la Turquie et l’UE.

Pour plus d’information, voir France 24.

D 15 janvier 2018    AAhmet Erdi Öztürk

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