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France

  • Septembre 2022 : Fin de vie

La question de la fin de vie est régulièrement abordée en France depuis deux décennies : avec la Loi no 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, puis la Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (dite Loi Claeys-Leonetti).
Elle a pris de l’importance en France ces dernières années, d’abord avec le Rapport Falorni sur la fin de vie et la proposition de loi visant donnant le droit à une fin de vie libre et choisie, en avril 2021.
Récemment, la parution d’un ouvrage dénonçant les mauvaises conditions de vie des personnes âgées résidentes dans les cliniques et Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) privés gérés par le groupe Orpea a relancé le débat (Victor Castanet, Les fossoyeurs, Fayard, 2022).
Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et la santé, fondé en 1983, a publié récemment un avis sur les Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie.
Le comité a notamment déclaré qu’une “aide active à mourir” pourrait s’appliquer en France, mais “à certaines conditions strictes“. Le président Emmanuel Macron a annoncé une consultation en vue d’une possible loi d’ici fin 2023.
Plusieurs pays d’Europe ont déjà légiféré sur les questions de fin de vie.

Plus d’informations :
 Communiqué de presse du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et la santé
 Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et la santé, Avis 139 sur les questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité
 Olivier Falorni, Rapport fait au nom de la Commission des affaires sociales sur la proposition de loi donnant le droit à une fin de vie libre et choisie, avril 2021
 Réforme, "Fin de vie en France, 20 ans de débat et de lois", septembre 2022

Anne-Laure Zwilling
  • Mai 2019 : L’affaire Vincent Lambert et la fin de vie

Le cas de Vincent Lambert vient de connaître un nouveau rebondissement. Tétraplégique à la suite d’un accident de la circulation survenu en 2008, Vincent Lambert est depuis totalement dépendant, alimenté et hydraté de façon artificielle et en état de conscience minimal depuis 2011, et, en France, son cas est devenu emblématique du débat sur la fin de vie.
En France, la fin de vie est réglée par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite loi Claeys-Leonetti, qui a instauré un droit à la « sédation profonde et continue jusqu’au décès » pour les malades en phase terminale et prévoit que les soins soient arrêtés en cas d’« obstination déraisonnable », « lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie », afin d’éviter l’acharnement thérapeutique. Par ailleurs, un avis du Conseil économique, social et environnemental a recommandé le 10 avril 2018 d’instaurer pour les personnes atteintes d’une maladie incurable en « phase avancée ou terminale », et dont la souffrance physique ou psychique est « inapaisable », un droit à bénéficier d’une « sédation profonde explicitement létale », disposition qualifiée de « dépénalisation conditionnelle de l’aide à mourir » (voir Le Monde, 10 avril 2018).
La question de la fin de vie reste cependant discutée. Ce débat déborde largement la question religieuse. Dans le cas de Vincent Lambert, il est néanmoins coloré par les convictions religieuses d’une des parties : ce cas oppose principalement l’épouse de Vincent Lambert aux parents de celui-ci, notamment sa mère, proche de la fraternité Saint-Pie X, un mouvement catholique traditionaliste en rupture avec le Vatican. Au nom de leurs convictions, les parents s’opposent aux décisions d’arrêt de traitement. Ainsi, deux fois, en 2013 puis en 2014, le personnel soignant a décidé l’arrêt des traitements en accord avec l’épouse de V. Lambert, mais le tribunal administratif saisi par les parents a annulé à chaque fois cette décision. En janvier 2014, l’épouse de V. Lambert fait appel devant le Conseil d’Etat, qui après une expertise, juge légale la décision d’arrêt des traitements en juin 2014. Les parents saisissent alors la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui « demande au gouvernement français de faire suspendre l’exécution de l’arrêt rendu par le Conseil d’État » en attendant qu’elle puisse statuer (voir le débat actuel du 24 juin 2014).
La CEDH rend un arrêt le 5 juin 2015, considérant que la procédure retenue pour cesser de maintenir Vincent Lambert en vie est bien conforme à l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à la vie). Cet arrêt est condamné par les évêques français qui considèrent qu’il s’agit d’un suicide assisté plus que d’arrêt de soins (La Croix, 11 juin 2016).
En 2018, l’équipe médicale responsable de Vincent Lambert se prononce à nouveau pour l’arrêt des soins : un rapport des experts nommés par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Marne) confirme « L’état végétatif chronique » de Vincent Lambert, qualifié d’« irréversible » (Le Monde, 22 novembre 2018).
L’Eglise a jugée inacceptable cette décision d’arrêt de soin, par une déclaration publique du groupe bioéthique de la Conférence des évêques de France ; l’archevêque de Reims et son évêque auxiliaire ont déclaré prier « pour que notre société française ne s’engage pas sur la voie de l’euthanasie » (voir leur déclaration).
Les parents déposent à nouveau des recours devant le Conseil d’État et la CEDH, qui sont rejetés : le Conseil d’Etat a jugé légale, dans une décision rendue mercredi 24 avril 2019, la décision collégiale d’arrêt des soins prise par le CHU de Reims. Et le 20 mai 2019, la Cour européenne des droits de l’homme a décidé de refuser la demande de mesures provisoires qui lui a été présentée (affaire Lambert et autres c. France, requête n° 21675/19).
Le tribunal administratif de Paris a rejeté le 15 mai 2019 un recours des parents de Vincent Lambert, qui demandaient la suspension de la procédure d’arrêt des soins dans l’attente de l’examen de leur plainte déposée devant le Comité international des droits des personnes handicapées (CIDPH) de l’ONU. Le tribunal a expliqué son rejet au motif que ce comité, qui n’est « pas une instance nationale », « ne constitue pas une juridiction », et que le gouvernement français « n’avait aucune obligation de respecter » la demande de ce comité de veiller à ce que l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert ne soient pas suspendues pendant l’examen de son dossier par le comité.
Le médecin traitant de Vincent Lambert commence l’arrêt de sa nutrition et de son hydratation au matin du 20 mai 2019.
Or, au soir du 20 mai 2019, la Cour d’appel de Paris ordonne à l’Etat français de prendre toutes mesures pour faire respecter les mesures provisoires demandées par le CIDPH tendant à la reprise des traitements, jugeant qu’« indépendamment du caractère obligatoire ou contraignant de la mesure de suspension demandée par le Comité, l’Etat français s’est engagé à respecter ce pacte international ». Il ne s’agit que d’une mesure visant à donner le temps à la CIDPH de se prononcer sur le fond. Cette décision est cependant reçue comme une victoire par les parents de Vincent Lambert (voir Le Monde et Le Parisien, 20 mai 2019).

Plus d’information : Anne-Sophie Faivre Le Cadre, « Affaire Vincent Lambert : tout comprendre en 8 dates », Le Monde, 22 novembre 2018.

Anne-Laure Zwilling
  • 24 juin 2014 : la CEDH suspend l’arrêt du Conseil d’Etat jugeant légale la décision médicale de mettre fin aux traitements de M. Vincent Lambert

Devenu tétraplégique à la suite d’un accident de la circulation en 2008, M. Vincent Lambert est depuis lors alimenté et hydraté de façon artificielle et entièrement dépendant.
À l’issue de la procédure de consultation prévue par la loi Leonetti loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, le médecin en charge de M. Vincent Lambert décida le 11 janvier 2014 de mettre fin à l’alimentation et à l’hydratation du patient. Certains membres de la famille saisirent alors le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui, par un jugement du 16 janvier 2014, suspendit l’exécution de la décision du médecin.
Le 31 janvier 2014, l’épouse de Vincent Lambert et un de ses neveux interjetèrent appel de cette décision devant le Conseil d’État qui demanda qu’il soit procédé à une expertise médicale confiée à un collège de trois médecins. Le 24 juin 2014, l’assemblée du contentieux du Conseil d’État jugea légale la décision prise par le médecin en charge de M. Vincent Lambert de mettre fin à son alimentation et à son hydratation artificielles, au vu notamment de l’expertise médicale qui a conclu à une dégradation de l’état de conscience de M. Lambert et en tenant compte de la volonté exprimée par celui-ci avant son accident de ne pas être maintenu artificiellement en vie s’il se trouvait dans un état de grande dépendance.
Dès le 23 juin 2014, les premiers requérants ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme d’une demande de mesure provisoire. Le 24 juin 2014, la chambre à qui l’affaire a été attribuée a décidé de faire suspendre l’exécution de l’arrêt rendu par le Conseil d’État pour la durée de la procédure devant la Cour à qui il revient désormais d’examiner la recevabilité et le bien-fondé de la requête.

Sources : communiqué de presse du Conseil d’Etat du 24 juin 2014 et communiqué de presse de la Cour européenne des droits de l’homme du 25 juin 2014.
Lire aussi l’article de Lucie Guichon « Fin de vie, soins palliatifs et euthanasie : les réactions des organisations religieuses à l’affaire Vincent Lambert » (pdf)

D 15 septembre 2022    AAnne-Laure Zwilling

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