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Décision n° 669/2014 de la Cour constitutionnelle de Roumanie

La décision de la Cour Constitutionnelle de Roumanie du 12 novembre 2014 a relancé les débats sur le statut de l’heure de religion dans les écoles publiques. Par la décision n° 669/2014 (en roumain), la Cour a admis comme inconstitutionnel l’art. 18 al. 2, première phrase de la loi de l’Éducation Nationale n° 1/2011 : "À la demande écrite de l’élève majeur, respectivement des parents ou du tuteur légalement institué pour l’élève mineur, l’élève peut ne pas assister au cours de religion". Cet article oblige les élèves qui ne veulent pas suivre le cours de religion, qui en Roumanie est obligatoire et fait partie du tronc commun, à faire une demande écrite en ce sens.
Dans la motivation publiée dans le Moniteur officiel du 23.01.2015, les juges de la Cour constitutionnelle précisent que la manière dont le législateur a réglementé l’offre d’éducation en ce qui concerne la discipline religion est susceptible d’affecter la liberté de conscience. Ils suggèrent que la demande écrite soit faite par ceux qui veulent suivre les cours de religion et non par ceux qui ont l’intention de renoncer à ces cours : "Les expressions d’opinion à la lumière des dispositions constitutionnelles relatives à la liberté de conscience et de religion applicables dans le domaine de l’éducation religieuse doivent toujours avoir un sens positif (la personne choisit d’étudier la religion) et non un sens négatif (la personne choisit de ne pas étudier la religion), parce que dans le second cas, la personne est déjà considérée comme manifestant l’option d’étudier, étant contrainte à agir ultérieurement pour être exclue du groupe d’étude. Ainsi, un tel règlement est une contrainte de la personne à manifester une option, fait qui est en soi contraire à la liberté de conscience sanctionnée par la Constitution".
Pour concilier la loi de l’Éducation Nationale avec la Décision n° 669/2014 de la Cour Constitutionnelle, le Sénat (chambre décisionnelle) a modifié le 18 mai 2015 l’art. 18 al. 2 comme suit : « L’inscription de l’élève pour assister aux cours de religion se fait sur demande écrite de la part de l’élève majeur, respectivement du parent ou du tuteur légalement institué pour l’élève mineur. La modification de cette option se fait également sur demande écrite de la part de l’élève majeur, respectivement du parent ou du tuteur légalement institué pour l’élève mineur. Si l’élève ne suit pas les cours de religion, le bilan scolaire sera réalisé sans la discipline religion. On procède de même pour l’élève qui, pour des raisons objectives, n’a pas pu fréquenter les cours de religion ». Cette dernière version de l’article susmentionné a été promulguée par le Président de la Roumanie et publiée dans le Moniteur officiel le 22 juin 2015.
La décision de la Cour constitutionnelle sur la procédure d’inscription au cours de religion a mis en débat l’aspect le plus controversé de la loi de l’éducation : le caractère obligatoire ou optionnel de cette discipline.
D’une part, le cours de religion est inclus dans le tronc commun, fait qui lui confère un caractère obligatoire. Ainsi, l’enseignement religieux est garanti dans le droit constitutionnel, conformément à la religion de chacun. D’autre part, la discipline religion comprend des éléments confessionnels spécifiques de dogmatique, catéchisme, etc., ce qui signifie qu’elle ne peut pas être imposée, car cela violerait un autre droit constitutionnel, plus précisément, l’article 29 de la Constitution de la Roumanie qui stipule que "nul ne peut être contraint à adopter une opinion ou à adhérer à une religion contraire à ses croyances".
Les juges de la Cour Constitutionnelle ont interprété le caractère obligatoire de cette discipline comme étant adressé seulement à l’État, et non aux élèves ou aux parents, qui ont le droit de choisir s’ils étudieront la discipline religion ou non, et si oui quel culte religieux ils étudieront. L’appartenance au tronc commun ne signifie pas que le cours de religion est obligatoire pour tous les élèves, mais qu’il doit nécessairement se trouver dans l’offre d’éducation de l’école. Dans la motivation de la Cour, on trouve le texte suivant : "Le caractère obligatoire de la religion, comme matière scolaire faisant partie du tronc commun, ne peut pas être opposé aux élèves, car il a été introduit pour atteindre les exigences constitutionnelles mentionnées ci-dessus, par l’accomplissement de l’État de l’obligation d’inclure cette discipline dans le programme-cadre d’enseignement. Par conséquent, le caractère obligatoire de la discipline religion est opposable seulement à l’État qui est tenu par la nécessité d’organiser l’enseignement religieux en fournissant l’enseignement religieux pour les 18 religions reconnues".
À partir de ce qui précède, pour les élèves, du point du vue théorique, le cours de religion prend un caractère moins obligatoire. En pratique, cette délimitation reste incertaine à cause des ambiguïtés de l’article 18 al. 2 de la loi de l’éducation nationale récemment modifié. Tout d’abord, la nouvelle forme prise par la loi ne prévoit pas pour combien de temps l’inscription est valable : une année, un cycle d’enseignement, ou une période indéterminée. Ensuite, la loi ne prévoit pas quand les demandes de retrait du cours de religion deviennent applicables : à tout moment au cours de l’année scolaire, ou à partir de l’année scolaire suivante. Enfin, pour renoncer au cours de religion, les élèves ont l’obligation de faire une demande écrite, on se trouve ainsi exactement dans la situation précédent la décision de la Cour Constitutionnelle.
Le caractère obligatoire ou optionnel du cours de religion touche non seulement les élèves mais aussi les enseignants de religion. À l’heure actuelle, en Roumanie, environ 6000 professeurs enseignent la discipline religion ; dans la conjoncture actuelle, ils perdent la garantie de leur emploi.
Toutefois, plus de 90% des élèves ont déposé des demandes pour s’inscrire au cours de religion. Ces demandes ont été faites entre le 23.01.2015 et le 06.03.2015 (toute décision de la Cour Constitutionnelle doit être mise en œuvre dans un délai de 45 jours après la publication dans le Moniteur officiel) et elles sont aussi valables pour l’année scolaire 2015-2016.
En tenant compte de ce pourcentage, on pourrait considérer que les modifications législatives en ce qui concerne le cours de religion ne trouvent pas pour le moment de traduction dans la réalité scolaire et dans la société roumaine en général. Ce changement de vision sur le rôle de la religion dans l’enseignement des élèves pourrait cependant avoir des effets profonds à long terme.

août 2015

D 25 août 2015    AGabriel Birsan

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