eurel     Données sociologiques et juridiques sur la religion en Europe et au-delà

2014

  • Novembre 2014 : l’archevêché de Chypre va investir dans un projet de 7 milliards d’euros

Selon l’archevêque de Chypre, un homme d’affaires hongrois a exprimé son intérêt pour un projet d’investissement d’une valeur de 7 milliards d’euros concernant un complexe de loisirs dans la région de Geroskipou. Celui-ci comprendra quatre hôtels, une marina et un récif artificiel. Les parcelles réservées à cet investissement sont mises à disposition par l’Église et l’État. Dans le cadre de la politique de relance de l’économie menée par l’État, le Conseil des ministres du 5 novembre 2014 s’est prononcé en faveur d’un permis d’exploitation/contrat de location des terrains de Geroskipou qui sont propriété de l’État.

La décision du Conseil des ministres a provoqué le mécontentement de la population en raison de l’agrément concédé à l’archevêché concernant les terrains appartenant à l’État et de ses intentions. Le journal local Phileleftheros (en grec) a affirmé que le Gouvernement avait déjà négocié le contrat de location directement avec l’archevêque Chrysostome, et donc à travers lui, avec son partenaire hongrois, sans passer par l’étape d’appel d’offres comme le requiert la législation européenne. Le ministre de l’Intérieur a été pressé de donner des explications : il a déclaré que de nombreux comptes rendus des médias étaient erronés et que la république de Chypre annoncerait une procédure d’appel d’offres ouverte pour la privatisation des terres appartenant à l’État comme le veut la loi (voir ant1news, en grec).

  • Mai 2014 : l’Église de Chypre contre l’homosexualité

Accept-LGBT Cyprus, une ONG protégeant et assurant la promotion des droits de la communauté LGBT, a organisé le premier Festival de la fierté gay à Nicosie le 31 mai 2014. Le nombre de participants a dépassé toutes les attentes. Plusieurs milliers de personnes, parmi lesquelles des membres du Parlement, des ambassadeurs et des personnalités du monde de la culture, se sont réunis pour défiler en soutien au droit à l’égalité de traitement. Le festival a réussi à attirer l’attention internationale d’artistes célèbres tels que les stars d’Hollywood Whoopi Goldberg et Olympia Doukakis qui ont soutenu la Marche des fiertés publiquement.

Le festival a également provoqué de nombreuses réactions de colère de l’Église chrétienne orthodoxe de Chypre. Le Saint-Synode a fait une déclaration préalable au festival pour expliquer que « l’Église et la science considère l’homosexualité comme la maladie de l’humanité et comme un mode de vie anormal et contre nature. C’est pourquoi, il recommande un traitement et une thérapie adaptés ; en outre, le Saint-Synode est en désaccord avec le soutien institutionnel et social et l’acceptation ». Ces événements ont provoqué un débat public concernant la législation sur les autres droits des homosexuels, dont la loi relative à une union civile. Le Pancyprian Orthodox Christian Movement (Mouvement chrétien orthodoxe panchypriote) a organisé une manifestation contre la Marche des fiertés et a fait part de sa « vive indignation et de son opposition à cet incident ». La presse locale et internationale a consacré des articles spécifiques à l’opposition de l’Église, notamment après que l’évêque Isaiah de Tamasos et Orinie ait déposé une requête auprès du Président chypriote Nicos Anastasiades afin de s’opposer à toute législation qui autoriserait les couples homosexuels à adopter des enfants (voir Philenews).

  • Printemps 2014 : le fiasco de la procession de l’Épitaphe

Au printemps 2014, la religion s’est trouvée au centre du débat chypriote à la suite d’une annonce majeure : pour la toute première fois depuis 1974 (lors de l’invasion de Chypre par la Turquie), le clergé orthodoxe grec et les pèlerins seraient autorisés à célébrer la procession de l’Épitaphe (une cérémonie importante de la liturgie orthodoxe du Vendredi saint) à travers la ville de Famagouste (ou plus précisément, dans la partie grecque de la ville habituellement désignée sous le terme « varosha » [banlieues]). La « ville fantôme » de Famagouste demeure vidée de ses habitants depuis 1974 et son accès est sous le contrôle de l’armée turque. Encore aujourd’hui, les membres de la communauté chypriote grecque de la ville nourrissent l’espoir (ou l’illusion), qu’un jour, ils pourront retourner vivre dans leur ancien lieu de résidence.

Cette annonce sur la procession de l’Épitaphe a été faite à l’issue de plusieurs rencontres entre l’archevêque Chrysostome II de l’Église de Chypre et le mufti musulman représentant la communauté chypriote turque. Elle a ensuite été suivie par une campagne publicitaire annonçant immédiatement la participation de 3 000 personnes à la procession, un chiffre suscitant l’attention alors que l’événement n’avait pas encore eu lieu. Les médias et les journalistes internationaux ont été impliqués dans la dynamique de promotion de cette manifestation. Celle-ci a été présentée comme partie intégrante des efforts visant à établir un climat de confiance entre les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs. La procession du 14 avril 2014 a été largement rapportée dans la presse internationale (voir Reuters par exemple). Les articles publiés laissaient fortement à désirer car ils omettaient de rendre compte de la publicité négative causée par toute l’affaire et de la nature inappropriée d’un point de vue politique de ce rituel religieux.
En fait, la question chypriote n’a jamais été liée à un conflit basé sur la religion, et ce en dépit de la démonstration de bonnes intentions de la part des dirigeants religieux de l’île. En outre, les deux dirigeants religieux ne sont pas les dirigeants des communautés politiques respectives, et ils ne participent pas aux négociations en cours sur la question chypriote. Pour finir, les célébrations liturgiques ont lieu dans les églises depuis plusieurs années et, stricto sensu, il ne s’agit pas d’un événement totalement nouveau.

Selon les reportages, des représentants des principaux partis politiques de la république de Chypre et de nombreux hauts dignitaires se sont pressés à cette manifestation. Cependant, l’impression laissée par l’événement n’était pas uniformément positive : peu de temps après, l’archevêque de l’Église de Chypre a fait des déclarations publiques condamnant cet effort diplomatique religieux (voir Philenews en grec). L’archevêque a considéré cet événement comme une action servant les intérêts turcs, et bien qu’il déclarait garder espoir quant à un règlement équitable de la question chypriote, il ne pouvait soutenir ces actions. Quelques jours plus tard, d’autres célébrations liturgiques devant se dérouler dans les églises du nord de l’île le 23 avril et le 4 mai ont été annulées.

D 8 décembre 2014    AEleonora Kyriakou AVictor Roudometof

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