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2008

  • Euthanasie : l’affaire Eluana Englaro

Eluana Englaro se trouvait depuis 17 ans dans un état végétatif permanent suite à un accident de voiture. Au lieu de recourir à une interruption des soins discrète comme on le fait couramment en Italie, son père a voulu obtenir une autorisation judiciaire. Les tribunaux ont d’abord refusé l’autorisation, mais celle-ci a finalement été octroyée et même confirmée par la Cour de cassation, sur la base du principe de la volonté présumée de la fille, reconstruite à partir des indications du père.
Il faut remarquer que l’Italie ne s’est pas encore dotée d’une loi sur l’acharnement thérapeutique et les traitements de fin de vie. Une proposition de loi avait été présentée par Ignazio Marino lors de la dernière législature, pour le gouvernement de centre-gauche présidé par le catholique Romano Prodi. Le texte, très modéré, correspondait à peu près à la législation en vigueur en France. Toutefois, l’opposition de centre-droite, soutenue par les évêques catholiques, avait empêché son approbation.
Face à l’autorisation donnée par la justice de faire mourir Eluana, le front catholique et conservateur, dont le premier ministre Berlusconi a lui-même récemment pris la tête, a tout fait pour que l’arrêt soit annulé. Des régions gouvernées par le centre-droite, dont la Lombardie, ont refusé à leurs hôpitaux l’autorisation d’accueillir l’équipe chargée de faire mourir Eluana. Des inspections ministérielles ont été commandées. Enfin, le gouvernement a approuvé un décret d’urgence, bien qu’il n’ait pas été contresigné par le Président de la République Napolitano car il était contraire à la séparation de l’exécutif et du judiciaire inscrite dans la Constitution. C’est donc dans la plus haute tension sociale et politique - et institutionnelle - que la mort d’Eluana, finalement accueillie dans un hôpital de Udine (ville du nord-est de l’Italie), a eu lieu.
Pour les évêques italiens, il s’agit d’un crime. A plusieurs reprises, ils ont qualifié la procédure d’euthanasie, et ils ont attaqué les juges responsables de l’autorisation. Ils paraissent toutefois moins opposés qu’auparavant à la possibilité d’une loi en la matière, dont le centre-droite assurerait la compatibilité avec le droit naturel et la doctrine de l’Eglise. Le Saint-Siège a aussi exprimé sa contrariété : le cardinal Barragan a ouvertement critiqué le Président Napolitano. Le Secrétaire d’Etat Bertone a quant a lui appelé Napolitano pour exprimer sa considération personnelle par rapport aux attaques subies de la part de Berlusconi.
A l’occasion de cette polémique, et 80 ans après les Pactes du Latran, le débat sur la laïcité du pays et de ses institutions a été relancé. Les évêques et certains milieux catholiques déplorent le laïcisme dont le pays serait désormais la victime. Le camp adverse multiplie les appels à une mobilisation contre la vaticanisation future du pays et contre l’alliance perverse entre le tycoon libertin, les évêques et le Saint-Siège.

D 8 décembre 2008    AMarco Ventura

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